Déshumanisation, angoisse, inquiétude : indemniser les préjudices "invisibles" du 13 novembre
Près d'un an après le 13 novembre, l'indemnisation des victimes de l'attentat est encore en cours et fait débat. Car face à drame inédit, la réaction institutionnelle ne serait pas totalement adaptée, notamment parce qu'elle ne prend pas en compte certains préjudices "invisibles".
Ceux-là mêmes dont le barreau de Paris suggère la reconnaissance dans un Livre blanc sur les préjudices subis lors des attentats, présenté ce lundi 7.
Pour les personnes présentes sur les lieux des attentats, décédées, blessées ou physiquement indemnes, ces travaux veulent mettre en évidence l'impact "de la conscience d'une mort imminente" ou "d'une crainte pour son existence" mais aussi du "retentissement" de cette tragédie nationale.
Pour tenir compte de ce "préjudice d'angoisse des victimes directes" dans l'indemnisation, ce Livre Blanc propose une série de critères évoquant sans détour les horreurs vécues le 13 novembre. Par exemple un critère de "déshumanisation" ou de "proximité des éléments de mort".
Certaines victimes "ont été obligées de faire des choses qu'elles n'auraient jamais imaginer faire", comme "se protéger avec des corps, (...) refuser de laisser entrer d'autres victimes" dans une cachette, relate Me Olivier Merlin. Il évoque également la "confrontation sensorielle avec la mort". "Des victimes ont reçu des bouts de chair. Elles ont vu, entendu, touché, gouté..."
Les proches des victimes sont également concernés par ces travaux pour un "préjudice d'attente et d'inquiétude". Les avocats évoquent ainsi "la période d'attente et de questionnement" de personnes qui ignoraient si leurs proches étaient vivants ou morts, les circonstances dans lesquelles elles ont été informées de leur état, ont dû reconnaître les corps...
Autant de préjudices qui ne seraient pas, ou mal pris en compte par le FGTI (Le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d'autres Infractions). Le barreau ne prétend pas établir une vérité absolue. Il cherche plutôt à mettre en évidence les insuffisances qui demeurent dans la gestion de faits sans précédents et donc inattendus.
Et les avocats de rappeler à l'unisson des associations de victimes que la finalité n'est pas d'obtenir de l'argent. "La première chose que fait une victime, c'est s'excuser de demander de l'argent. Mais il n'y a pas d'autre moyen de réparation", explique Me Aurélie Coviaux.
Ce travail préparatoire pourrait notamment permettre une meilleur individualisation des indemnités, selon le degré d'intensité attribuable à chaque critère. "Chaque histoire est unique", rappelle ainsi Aurélie Coviaux, défendant une "méthode qui permet de se passer d'expertises et de la parole des victimes (notamment celles qui n'ont pas survécu, NDLR)", ou de devoir demander l'indemnisation en justice.
Les associations de victimes sont en revanche plus critiques envers le FGTI à qui elles reprochent un manque de "volonté politique", des "outils pas adaptés", une appréciation "trop étroite" des souffrances endurées et trop axées sur la présence d'un handicap ou le temps d'hospitalisation et qui refuserait donc "une part de subjectivité". A cela s'ajoute un système forfaitaire des indemnisations alors qu'avocats et associations plaident pour une plus grande individualisation.
Ces travaux ont tout de même reçu l'appui de la Secrétaire d'Etat chargée de l'aide aux victimes -et ancienne avocate- Juliette Méadel: ""il ne fait pas de doute que l'angoisse des victimes directes et l'attente des victimes indirectes est à prendre en compte dans l'évaluation au cas par cas des indemnisations. Je m'emploierai à convaincre ceux qui continuent à en douter", a-t-elle déclaré.
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