Outrage sexiste et harcèlement sexuel : quelle efficacité pour la nouvelle mesure ?
Il vient d’être annoncé lors du Conseil des ministres du 7 mars 2018 que le gouvernement présentera le 22 mars prochain un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.
Ce projet de loi vise notamment à établir un âge minimal de consentement à un acte sexuel et à pénaliser le harcèlement de rue par une amende pour outrage sexiste.
Le sujet des violences sexuelles et sexistes n’est pas un sujet périphérique, à la marge. Par exemple 50% des femmes interrogées affirment avoir déjà été victimes d’insultes à caractère sexiste, 43% d’attouchements sexuels, quand 12% d’entre-elles disent avoir été victimes de viol.
> La nouvelle infraction d’outrage sexiste
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes avait déjà déclaré le 12 septembre 2017 que le "harcèlement de rue" serait bientôt passible d'une amende. L'idée était donc qu'il soit bientôt possible d'aller voir un policier en patrouille pour qu'il verbalise la personne qui vous a harcelé(e).
Lire aussi:Harcèlement sexuel: peu de victimes portent plainte malgré l'arsenal juridique
En l’état actuel de notre droit pénal, le harcèlement de rue n’est en effet guère punissable.
Le délit d’injure à caractère sexiste prévu par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 qui punit de six mois d’emprisonnement et 22.500 euros d’amende, "l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap" est clairement inadapté, notamment quant à la preuve d’une telle infraction bien difficile à rapporter face à des comportements furtifs, relativement discrets dans leur mode d’exécution et qui ne se limitent pas à l’expression d’une injure.
Du coté du code pénal, l'article 222-32 punit "l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public" d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
L'article 222-22 du code pénal dispose également que "constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage".
L'article 222-27 du code pénal réprime enfin les agressions sexuelles autres que le viol de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
> Mais cet arsenal répressif est inadapté au harcèlement de rue
Un rapport parlementaire a été remis à Marlène Schiappa le 28 février 2018 qui reprend les pistes esquissées par le gouvernement en recommandant la création d’une "contravention de quatrième classe d’outrage sexiste et sexuel".
L’expression "harcèlement de rue" est donc abandonnée au profit du terme "d’outrage sexiste ou sexuel" afin d’empêcher toute confusion avec le délit de harcèlement moral ou sexuel.
Elle viendrait sanctionner "tout propos ou comportement ou pression à caractère sexiste ou sexuel" qui porte atteinte à la dignité de la personne en raison de son caractère "dégradant ou humiliant" ou qui crée une "situation intimidante, hostile ou offensante" par une amende forfaitaire à hauteur de 90 euros. Elle vise les actes d’intimidation de rue comme les crachats, insultes et autres sifflements déplacés
Le rapport préconise également une majoration de cette amende jusqu’à 350 euros et la possibilité d’une contravention de cinquième classe en cas de circonstances aggravantes, par exemple si l’auteur de l’infraction est "dépositaire de l’autorité publique".
Ce sont les agents de la police de sécurité du quotidien qui devront gérer cet outrage "en flagrance".
Voir: Verbaliser les harceleurs dans la rue, un projet qui divise
Le rapport avance notamment l'idée d'un stage de sensibilisation aux comportements sexistes et incivils comme peine complémentaire.
On peut néanmoins d’ores et déjà s’interroger sur l’efficacité d’une telle mesure. En effet, pour dresser une contravention, il faut que l'agent verbalisateur, techniquement, puisse constater l'infraction et ce ne sera pas le cas si une femme vient le trouver en lui rapportant ce qu'elle vient de subir. Aussi, à moins d'un flagrant délit ou de la présence de témoins oculaires sur place, l'infraction de harcèlement de rue va être bien difficile à constater et à sanctionner valablement.
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