Paris : 4 jeunes jugés pour un départ vers la Syrie peu après l'attentat contre "Charlie Hebdo"
Dix jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, ils ont entrepris un voyage vers la Syrie: quatre jeunes Français ont comparu mercredi 24 devant le tribunal correctionnel de Paris pour cette échappée avortée vers la galaxie djihadiste en janvier 2015.
Agés de 19 à 24 ans, trois hommes et une femme -seule à comparaître libre- doivent répondre jusqu'à jeudi d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme en 2014 et 2015. C'est leur air juvénile qui frappe d'abord. Ils ont les joues imberbes et rebondies de l'enfance, la larme facile. Ils risquent dix ans de prison.
Bilal Taghi, 24 ans, son ex-compagne Sihem Laidouni, 22 ans, Mansour Ly, également 22 ans, et Fayçal Aït Messoud, 19 ans, partirent de Trappes (Yvelines) le 17 janvier alors que la France est sous le choc des attentats djihadistes contre l'hebdomadaire satirique et l'Hyper Cacher. A bord d'une voiture achetée quelques jours avant, direction la Turquie, où un contact doit les conduire en Syrie. Le périple tourne court après un accident de voiture à 400 km de la frontière syrienne. Expulsés vers la France le 3 mars, ils reconnaissent que leur "destination finale" était la Syrie où l'organisation djihadiste Etat islamique (EI) vient de saluer les attentats, résume le président de la 16e chambre.
Qu'est-ce qui a poussé ces jeunes à partir? "Immaturité", "influences d'aînés", mais aussi, selon une experte psychiatre, le fait de "participer à une épopée" valorisante.
Le visage encadré d'un hijab, Sihem Laidouni raconte sa rencontre avec Taghi en 2013, leur mariage religieux puis leur séparation alors qu'elle est enceinte. "Il avait un fort caractère. Je suis retournée chez ma mère". Elle explique avoir renoué avec lui "pour son fils" d'à peine deux mois lors du voyage, et avoir été conquise par l'image positive de la vie à Raqqa, capitale de Daech, "sécurisée pour les familles", que donnait sa belle-sœur. Aujourd'hui, elle a tourné la page de l'histoire avec Bilal.
Dans le box, Taghi encaisse. Lui voudrait renouer avec sa famille. Désigné pendant l'enquête par les autres comme "l'émir" du groupe, responsable de l'organisation du voyage, il affirme qu'il voulait aller en Syrie pour retrouver un de ses frères, Abdelhafid. Il pleure en évoquant sa mort, récemment apprise. C'est ce frère aîné qui lui transmet dès 2013 "une certaine attirance pour l'EI". Parti avant lui, un autre frère, Khalid, lui explique "que ce n'était pas aussi bien que ce qu'Abdelhafid disait". Il apprend que Khalid est mort fin 2014, décide néanmoins de partir.
De leur côté, Ly et Aït Messoud disent avoir voulu rejoindre la Syrie pour "apprendre la religion". Ils reconnaissent avoir consulté une vidéo de propagande de Daech diffusée le 14 janvier 2015, dans laquelle apparaît Ibrahim Ly, frère de Mansour. "Vous vous rendez bien compte que dans cette vidéo, on appelle à commettre de nouveaux attentats?", lance le président. "Oui, mon premier projet, c'était d'aller en Arabie saoudite, mais si je suis allé en Syrie, c'est parce qu'il y avait mon frère", répond Ly. Il dit n'avoir "pas du tout eu envie" de combattre, mais qu'il l'aurait fait s'il avait "dû", proclame sa "haine" des caricaturistes du prophète, "mais pas jusqu'à les tuer".
Aït Messoud, auquel le président répète que "ce n'est pas innocent de partir en Syrie à ce moment-là", reconnaît que ce n'était peut-être pas l'idéal pour apprendre l'arabe, mais que "c'est la présence d'Ibrahim" qui l'a décidé.
C'est sous l'influence de ce grand frère charismatique que ces deux-là se sont radicalisés, notamment en fréquentant un kebab de Trappes, le Chiken Planet. Parmi les habitués et inséparables de Ly et Aït Messoud, deux autres jeunes de Trappes: Sofiane Derrou et Mohamed Djitte, qui ont eux réussi à gagner la Syrie au même moment. Aux dernières nouvelles, a résumé le président, Djitte serait mort, Derrou serait parfaitement intégré à l'EI et Ibrahim Ly, arrêté en Turquie, a été expulsé vers le Sénégal.
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