Cancer de l'enfant : un essai inédit pour accéder aux traitements innovants
Chaque année, 2.500 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués en France chez les jeunes de moins de 18 ans. Pourtant en Europe, un seul enfant ou adolescent sur dix a accès à une molécule innovante quand il est en échec thérapeutique. Pour remédier à cet inquiétant constat, l'Institut national du cancer (INCa), l'Institut Gustave Roussy (IGR), premier centre de lutte contre le cancer en Europe et l'association Imagine For Margo qui soutient la recherche en cancérologie pédiatrique, ont lancé mardi 14 le premier essai clinique pédiatrique de grande envergure. Doté d'un budget de 3 millions d'euros, ce projet dénommé ESMPART permettra à 260 jeunes patients en échec thérapeutique d'avoir accès pendant trois ans à une dizaine de molécules innovantes développées pour les adultes mais qui peuvent s'avérer efficaces dans les cancers pédiatriques.
Car dans le traitement des cancers de l'enfant, il reste encore beaucoup à faire. Exclus des essais cliniques standards, les jeunes ont en effet très peu accès aux médicaments les plus innovants, les médecins ignorant quel dosage leur administrer. Les exemples en la matière sont légion. Aux Etats-Unis, un anticorps anti-PD1 dont l'efficacité contre le lymphome d'Hodgkin a été démontrée vient d'être autorisé aux Etats-Unis. Mais à cause du manque de données pédiatriques, ce médicament ne pourra être prescrit qu'aux adultes. Or "ce lymphome est une maladie typique de l’adolescent et du jeune adulte", déplore le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique de Gustave Roussy, cité par Pourquoi Docteur.
Longtemps critiqués pour leur manque d'innovation dans les médicaments pédiatriques, certains laboratoires pharmaceutiques commencent à vouloir prendre les choses en main. Ainsi, AstraZeneca, Novartis et BMS ont accepté de collaborer à l'essai ESMART en fournissant gratuitement les molécules, toutes déjà enregistrées ou en développement chez l'adulte. Les jeunes patients seront pris en charge dans l’un des six centres d’essais précoces labellisés par l’INCa (CLIP). "Les CLIP étaient jusqu’en 2016 réservés aux adultes, la labellisation de ces six centres pour les cancers pédiatriques est un message fort de la part de l’INCa", explique Gilles Vassal. Les enfants participant à l'étude bénéficieront d'un diagnostic moléculaire. En fonction des résultats, un traitement innovant leur sera proposé. A terme, ESMART espère pouvoir proposer d'autres molécules. "D'ici à deux ans nous voulons doubler le nombre de nouveaux médicaments qui pourront être proposés aux enfants, et attirer au moins deux nouveaux industriels, Celgene et Pfizer", explique Gilles Vassal aux Echos.
Mais si "il y a une réflexion en cours chez les industriels qui veulent faire mieux et différemment", accélérer l'accès à l'innovation doit passer par une mobilisation des politiques, fait valoir Gilles Vassal. "La loi sur les médicaments pédiatriques a vraiment changé le paysage mais elle ne va assez loin, et elle ne correspond pas aux besoins des enfants", estime-t-il. Promulgué en 2007, ce texte prévoit que toute molécule développée chez l'adulte fasse l'objet d'essais pédiatriques "si le besoin existe". Une précision qui pousse de nombreux industriels peu motivés à demander une dérogation. Fort heureusement, cette loi doit être réévaluée par l'Europe dès l'année prochaine. Médecins et parents espèrent donc que la nouvelle législation limitera le nombre de dérogations, permettant ainsi une accélération significative de l'accès à l'innovation pour tous les enfants malades de l'Union européenne.
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