Retraités cherchent jobs pour arrondir fins de mois
"Retraité dynamique recherche activité à mi-temps pour des raisons financières": comme Alain, plus de 400.000 personnes continuent de travailler, principalement pour arrondir leur pension, gelée depuis 2013, un sujet passé sous silence dans les programmes des principaux candidats à la présidentielle.
"La première motivation est financière", explique Valérie Gruau, fondatrice du site seniorsavotreservice.com, qui se présente comme leader de l'emploi pour les retraités avec près de 175.000 candidats.
C'est sur son site qu'Alain cherche une activité dans la grande distribution.
Parmi les offres qui cartonnent: aides à domicile (personnes âgées, enfants), petit bricolage, jardinage, gardiennage de maison, d'animaux, le transport scolaire.
Il y a aussi la comptabilité et le secrétariat car de très petites entreprises cherchent "des gens expérimentés à temps partiels, pour 2-3 jours par semaine, qui ne vont pas les lâcher pour un CDI", ajoute Mme Gruau.
Près de 370.000 anciens du privé continuaient d'occuper un emploi salarié en 2014, en hausse de 5,8% par rapport à 2013, selon le Conseil d'orientation des retraites (Cor). Ils étaient 137.000 en 2006.
En 2014, à ces ex-salariés du privé s'ajoutaient 36.400 commerçants (+9,7% sur un an) et 23.200 artisans retraités (+12,2%).
Ces chiffres sont en constante augmentation depuis 2003 où la législation a permis aux retraités du régime général d'exercer une activité salariée tout en percevant leurs pensions. Et la hausse s'est accélérée avec le gel des pensions depuis la réforme de 2013.
Selon l'Insee, près d'un million de retraités vivaient sous le seuil de la pauvreté (1.008 euros par mois) en 2014.
- "Aider ses enfants" -
Le phénomène touche tout particulièrement les femmes, dont la pension de droit direct est inférieure de près de 40% par rapport à celle des hommes.
"J'étais en dessous du seuil de la pauvreté avec ma retraite", explique Marie Dupont (les prénom et nom ont été modifiés), 71 ans, ancienne assistante de secrétaire qui se présente comme une "retraitée précaire".
Onze ans plus tôt, partie à la retraite après avoir cotisé pendant 43,5 ans, cette Nancéenne décide de piger pour un quotidien. Ce qu'elle fera pendant cinq ans, pour 150 à 180 euros par mois, complément qui lui permettra d'"aider ses enfants et leur faire des cadeaux à Noël".
"Le motif financier est important mais si je ne le faisais pas, je ne tomberais pas dans la misère", relativise Georges, 64 ans, ancien général à la retraite depuis six ans.
Lui, arrondit sa pension en faisant le guide à Paris depuis un an sous le statut "très difficile" d'autoentrepreneur, "pour se permettre des choses agréables comme voyager, mais aussi aider la famille".
Le salaire moyen de ces "cumulards", dont 15% travaillent au-delà de 70 ans, voire 80 ans, demeure "limité", souligne le Cor: 940 euros bruts par mois pour les hommes et 560 euros pour les femmes en 2014.
"Le cumul emploi-retraite est un objet étrange, complexe, qui n'a jamais été intégré dans une réflexion globale", souligne Frédéric Sève, secrétaire général de la CFDT.
D'ailleurs, aucun des principaux candidats n'aborde ce dispositif, dont les règles ont été modifiées en 2015, interdisant notamment l'ouverture de droits à retraite supplémentaires dans le cadre du cumul.
En revanche, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Benoît Hamon promettent des revalorisations du "minimum vieillesse", une allocation de 801 euros versée en cas de faibles revenus.
François Fillon, tout en souhaitant relever l'âge légal à 65 ans contre 62 actuellement, promet d'augmenter les retraites du régime de base inférieures à 1.000 euros par mois de 300 euros par an.
M. Mélenchon prévoit, lui, d'abaisser la retraite à 60 ans et un niveau de pension au minimum du Smic (9,76 euros brut, 1.480,27 euros brut mensuels), une revendication de la CGT, qui a appelé, avec huit autres syndicats, à une manifestation jeudi pour un meilleur pouvoir d'achat des retraités.
"Il faut aussi que la retraite ne soit plus indexée sur l'inflation mais sur l'évolution des salaires. Avec le mécanisme actuel, c'est 20% de pouvoir d'achat en moins sur 20 années de retraites", propose Jean-Louis Butour, administrateur CGT de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
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