Taxes à faible rendement : la réforme très insuffisante du gouvernement
En moins de cinq jours, le Premier ministre a fait deux annonces fiscales de type antagoniste. D'un côté, il a bien été contraint de reconnaître que la reprise partielle (35 milliards d'euros sur 46,6 milliards?) de la dette SNCF aurait un impact sur les contribuables. D'un autre côté, il a annoncé vouloir faire la chasse aux "taxes à faible rendement".
Au premier coup d'œil, on comprend que les enjeux ne se situent pas dans les mêmes proportions financières. Je dis financières car l'opinion publique ignore souvent que bien des taxes ne relèvent pas du vote du Parlement et ne sont pas budgétisées. Elles ont leur autonomie et relèvent pour la plupart de la volonté de l'exécutif. Toutes ces taxes forment ce que l'on nomme "la fiscalité affectée". Ceci a pour origine une pratique ancienne et compile les taxes qui permettent le fonctionnement des nombreuses agences et organismes publics comme l'Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le CNC (Centre national du cinéma), les Voies navigables de France, etc.
Le total de ces taxes affectées était de 112 milliards d'euros pour l'année 2011 et est evalué à un peu plus de 128 milliards (on parle bien là de milliards!) pour l'année 2017. Dans cet ensemble de plusieurs centaines de taxes, il est de bonne fiabilité que d'affirmer que certaines présentent un faible rendement. Cela étant, les supprimer ici ou là ne donne pas d'indication quant aux moyens utilisés pour y substituer d'autres crédits.
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Par temps d'efforts budgétaires revendiqués, ce qui est vertigineux c'est le montant de l'évolution de la fiscalité affectée. Elle représente près de 13% du total des prélèvements obligatoires et plus de 5% du PIB. Un rapport du CPO (Conseil des prélèvements obligatoires présidé par le premier Président de la Cour des comptes) rendu public le 4 Juillet 2013 démontrait que cette kyrielle de taxes a cru de 27,6% sur la période 2007-2011. L'ancienne majorité aura rebudgétisé près de 600 millions d'euros (rapportés à 112 milliards) soit une part modeste de cette mine dérivante. L'idée étant que ce qui entre dans la procédure budgétaire formelle est plus contrôlable que les taxes des satellites de l'Etat. Point qui n'est pas toujours confirmé par la pratique.
Les 309 taxes affectées irriguant plus de 453 entités ont connu une hausse annuelle de 4,5% à rapporter au 1,2% du budget général de l'Etat. De surcroît, tandis que les effectifs de l'Etat ont baissé (entre 2007 et 2012) de près de 6%, ceux des agences et autres ont augmenté de 10,4%. Assurément un laxisme budgétaire caractérise la situation.
A meilleure preuve, l'examen de ce dossier laisse pantois. Ainsi, la masse salariale entre 2008 et 2011 a décru de 2% pour l'Etat mais a cru de 17% pour les agences financées par taxe affectée et de 10% pour les entités financées selon des dotations budgétaires. Comme l'estime à juste titre le CPO, ces taxes échappent pour leur quasi-totalité au contrôle du Parlement ce qui "porte non seulement atteinte au fondement de la démocratie parlementaire mais s'oppose également à la nécessité d'une gestion rigoureuse des deniers publics, particulièrement importante en période de crise budgétaire ".
Précisons que l'article 24 de la Constitution dispose que le Parlement"évalue les politiques publiques" et que la députée LREM Amélie de Montchalin est fondée à se battre pour que ceci entre dans les faits en dotant le Parlement de moyens de contrôle efficace. L'idée d'Edouard Philippe de faire la chasse aux taxes présentant un faible rendement n'est pas absurde –loin de là– mais elle est notoirement insuffisante au regard du dynamisme intrinsèque de la fiscalité affectée.
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