"La isla minima" : polar et politique dans l'Espagne post-franquiste (VIDEO)
C'est le film espagnol de l'année: il a reçu en février dernier 10 Goya, les équivalents espagnols des Oscars ou des César, dont ceux de meilleur film et meilleur réalisateur. La isla minima est un polar qui baigne dans une atmosphère lourde et dans un contexte politico-social chargé.
Septembre 1980. Dans l'Espagne post-franquiste, deux flics à la carrière et au caractère très différents, un jeune et un moins jeune, un grand et un petit, sont envoyés dans une petite ville de l'Andalousie pour enquêter sur le viol et l'assassinat de deux adolescentes de 16 et 17 ans pendant les fêtes locales. Face à la loi du silence et aux obstacles que certains habitants et certains notables vont mettre devant eux, les deux enquêteurs vont aussi devoir surmonter aussi leurs divergences pour tenter de retrouver le tueur…
Le film commence par d'étonnantes photos aériennes, superbes et intrigantes, de cette région d'Espagne où alternent marécages et étendues poussiéreuses, chaleur torride et averses glaciales, couleurs ocres et recoins clairs-obscurs. Le suspense est intense, l'atmosphère à couper au couteau, le silence parfois très lourd: c'est un vrai polar, porté par deux acteurs peu connus hors d'Espagne (ils ont fait surtout des téléfilms) mais très crédibles.
Mais le réalisateur Alberto Rodriguez, 44 ans, a instillé dans cette histoire un contexte politico-social qui fait toute l'originalité du film. D'abord en décrivant cette petite ville et ses habitants encore marqués par l'Espagne "d'avant", mais surtout en plongeant dans le passé des deux enquêteurs, que tout oppose dans leurs convictions et leurs méthodes –à part le port de la moustache.
"D’un côté, le vieil agent, au passé trouble, formé dans les rangs de la police politique de Franco –sa +Gestapo+ (le mot est prononcé dans le film); et de l’autre, le jeune sorti de l’école de police avec des idéaux plein la tête et la démocratie comme étendard. Le premier est mû par la peur de mourir, le second par une ambition dévorante", explique le réalisateur.
"Pour autant, il n’y a selon moi ni +gentil+, ni +méchant+ dans cette histoire. L’un n’est pas tout noir et ni l’autre tout blanc, ce serait trop simple. Mais la question que soulève le film est frontale: notre jeune flic, en essayant de passer l’éponge sur les casseroles de son vieux collègue, fait-il le bon choix? Quel avenir pour nous, pour l’idée de justice? Le compromis est-il la solution? Et à quel prix?"
C'est le sixième film d'Alberto Rodriguez, depuis 2000. Il s'était fait connaître en Espagne par son film Les 7 vierges en 2005, drame social sur un jeune délinquant, et son dernier film, Groupe d'élite, en 2011, était également très politique puisqu'il dénonçait les méthodes de la police dans les années 80. Une période qui l'intéresse particulièrement, puisque La isla minima se situe dans "le début de cette phase qu’on appelle chez nous +la transición democrática+ (la transition démocratique): les cinq années qui ont suivi la mort de Franco en 1975", explique-il. "Une période incontournable pour comprendre ce qu’est devenu le pays et pourquoi nous sommes tombés dans les mêmes travers".
(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):
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