"Timbuktu" : quand le cinéma s'attaque au djihadisme

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 09 décembre 2014 - 12:45
Mis à jour le 21 février 2015 - 16:43
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Photo du film "Timbuktu".
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©Le Pacte
Le film a été tourné essentiellement en Mauritanie.
©Le Pacte
Dans les salles ce mercredi 10 décembre, le film "Timbuktu, du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, avait été l'un des préférés des critiques et du public au dernier Festival de Cannes. Il évoque, parfois avec humour et fraîcheur, les ravages du djihadisme dans le nord du Mali.

Ce fut le grand oublié du dernier Festival de Cannes, de l'avis quasi unanime des critiques et des spectateurs. Certains y voyaient même la première Palme d'or africaine. Mais –trop caricatural, trop politiquement correct, trop émouvant?- le jury présidé par la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion n'a pas été sensible aux qualités de Timbuktu, le film d'Abderrahmane Sissako.

Le cinéaste mauritanien y parle des ravages du djihadisme dans le nord du Mali. Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes: fini la musique et les rires, les cigarettes et le football sont interdits, les femmes doivent se voiler et porter des gants, les hommes ne peuvent plus se promener en short, etc. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques.

Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…  

Abderrahmane Sissako, qui a filmé principalement en Mauritanie par sécurité –même après la libération de Tombouctou par l'armée française en janvier 2013-, raconte que c'est un événement tragique qui lui a donné l'idée de faire ce film: "le 22 juillet 2012 à Aguelhok, une petite ville du nord du Mali, alors que plus de la moitié du pays était occupée par des hommes dont la plupart venus d’ailleurs, s’est produit dans l’indifférence quasi totale des médias et du monde un crime innommable. Un couple d’une trentaine d’années qui avait eu le bonheur de faire deux enfants a été lapidé jusqu’à la mort. Leur crime: ils n’étaient pas mariés devant Dieu", raconte-t-il.

"La scène de leur mise à mort diffusée sur Internet par les commanditaires est horrible: seules leurs têtes dépassent du sol où ils sont enterrés vivants. La femme, au premier coup de pierre reçu, émit un cri rauque puis un silence. Elle était morte. L’homme ne dit rien. Cinq minutes après, ils furent déterrés pour être enterrés plus loin", poursuit le réalisateur.

Et d'ajouter: "Je ne cherche aucunement à émouvoir pour promouvoir un film. Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que ses parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment".

Timbuktu n'est cependant pas un film triste et sombre, monolithique. Abderrahmane Sissako, dont c'est le premier film depuis Bamako en 2006, a su intégrer des moments d'humour, mélanger le tragique et le léger, le rire et les larmes, pour toucher le plus grand nombre de spectateurs sur un sujet grave. Il est parti sur l'idée de faire un documentaire, mais très vite a construit son film comme une fiction.

Déçu de n'avoir rien gagné à Cannes, le réalisateur pense maintenant que "le rendez-vous le plus important pour un film, ce n’est pas la victoire sur les autres, ce n’est pas la compétition, c’est la rencontre avec le public. Et c’est à lui qu’appartient désormais le film".

(Voir ci-dessous la bande-annonce du film):

 

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