"Et ça se dit médecin" de Jean-Bernard Gervais, chronique de la haine médicale en ligne

Auteur(s)
FranceSoir
Publié le 21 mars 2022 - 12:33
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Et ça se dit médecin de Jean-Bernard Gervais
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Neyer Valeriano / FranceSoir
Livre de Jean-Bernard Gervais
Neyer Valeriano / FranceSoir

EXTRAIT - Jean-Bernard Gervais est journaliste depuis plus de 20 ans dans la presse spécialisée en santé. Son ouvrage « Et ça se dit médecin - Chronique de la haine médicale en ligne » est paru récemment. Il y décrit le combat acharné, et parfois ordurier, que mènent certains médecins, particulièrement depuis mars 2020, qui se livrent à une véritable « chasse à l’homme », sur Twitter en particulier. Il en a fait les frais personnellement. Mathias Wargon, Damien Barraud, Christian Lehmann ou encore Jérôme Marty qui les a rejoints... Leur ressentiment agressif cible particulièrement tous ceux qui remettent en cause la stratégie sanitaire gouvernementale de lutte contre la Covid-19, sans que le Conseil de l'Ordre ou le ministre de la Santé n'y trouvent à redire. Un témoignage, autant qu'une enquête, sur leur comportement, dont nous publions un extrait consacré à l'un des plus vindicatifs, le docteur Damien Barraud.

Le bad buzz en question avait été provoqué par la publication d’un bref article, presque une brève, signée de ma main. Le 13 novembre 2020, je mettais donc en ligne un papier, au sujet de l’éviction du réseau social Twitter du docteur Damien Barraud, un obscur réanimateur de l’est de la France, où avait sévi au printemps 2020, plus que n’importe où en France, la Covid19. Le docteur Barraud était proprement ordurier sur Twitter : ses gazouillis puaient la m... et c’était la raison pour laquelle "Jack" avait décidé de le bannir de son réseau, fin novembre 2020. J’avais déjà eu affaire à ce triste personnage, adulé par une bonne partie de la communauté médicale. C’était à la suite de la publication d’un papier que j’avais écrit, en août 2020, sur le docteur Louis Fouché, de Marseille, qui s’était fait connaître en s’opposant, l’été 2020, à toute mesure de confinement. Barraud considérait Fouché comme un parfait idiot, criminel qui plus est. Parler de lui, évoquer son existence était une infamie aux yeux de Damien Barraud, qui allait user à mon égard de l’insulte pour me dissuader d’informer mes lecteurs des agissements de Louis Fouché. Je recevais alors, de Damien Barraud, une série d’injures allant crescendo, à l’orée de l’été 2020. Le ton était de prime abord moraliste, légèrement paternaliste, pour finir scatologique :

« Est-ce nécessaire de relayer ? Vous êtes des irresponsables whatsupMerdeEnBarre ».

Lorsque je lui demandai d’éviter les injures publiques, ce dernier me répondait : « Regardez WhatsUpFiente pleurez dans mes DM », avant de me lâcher un définitif : « connard ».
 
Pas étonnant que Twitter ait donc décidé, en novembre de l’année 2020, de censurer le compte de l’asocial Barraud (fort de quelque 17 000 followers à l’époque), qui apparaissait sous le pseudonyme de Fluidloading. Ce pseudo me disait quelque chose, d’ailleurs. Ça y est, j’y étais : j’avais déjà couvert l’actualité de Fluidloading, courant du mois d’avril 2020. C’est un tout autre personnage que je découvrais au cours du printemps de cette première saison de Covid. Celui qui allait se faire éjecter de Twitter passait alors pour une malheureuse victime, que dis-je, un supplicié, torturé par le méchant professeur Raoult.
Qui m’en avait causé le premier, de ce Fluidloading ? Isabelle, une collègue journaliste et urgentiste, qui me dressa un plaidoyer du gentil Barraud aux prises avec Raoult. Barraud s’était inventé un personnage sur Twitter, Fluidloading, qui passait son temps à persifler, parodier Raoult, frisant l’insulte et la diffamation. En avril 2020, excédé par tant de moqueries, l’IHU avait publié un communiqué pour menacer Barraud de poursuites judiciaires, s’il persistait à se foutre de la gueule du prof marseillais. Comme un seul homme, la communauté médicale s’était élevée contre ce coup de gueule de Raoult, que d’aucuns avaient considéré comme un abus d’autorité. Des médecins hospitaliers profitaient de ce différend entre Raoult et Barraud ,pour exprimer leur ras-le-bol de l’IHU.
 
Comme de nombreux médecins hospitaliers, en ce premier printemps de Covid, Isabelle aurait bien vu la tête du professeur marseillais, Didier Raoult, au bout d’une pique. Le type était énervant pour les hospitaliers : alors que la totalité d’entre eux se disait impuissante face à la pandémie et voyait passer les cercueils comme des carrosseries sur une chaîne de montage dans une usine Renault, le professeur Raoult se vantait d’avoir trouvé le remède miracle contre le virus couronné, à base d’hydroxychloroquine, d’azithromycine et de zinc. À condition, précisait l’auguste professeur, de l’administrer suffisamment tôt, et en suivant sa posologie. La plupart des médecins lui rétorquait que de toute manière, la maladie disparaissait au bout de quelques jours chez 90 % des patients : donc, avant ou sans le traitement de Raoult, les malades auraient guéri d’eux-mêmes...
 
Isabelle me confiait aussi la rage qui l’envahissait en apprenant que l’Institut hospitalo-universitaire (IHU), la forteresse gardée du sage phocéen, avait réussi à dégoter des réactifs en quantité astronomique pour tester en masse la population marseillaise, puis traiter et isoler les cas positifs. Alors même que l’ensemble des hôpitaux français, depuis la mi-mars, était soumis à la diète de RT-PCR et n’avait plus droit de tester les cas suspects de Covid.
 
Le druide du vieux port, un semestre avant le reste de la France, appliquait donc la stratégie qui allait être déployée dans tout l’Hexagone : tester, alerter, isoler (et traiter, ce qu’on le lui a reproché). Dans une corporation soumise à une concurrence effrénée, il faisait des jaloux. Certains n’hésitant pas à le menacer de mort, tel le professeur Raffi, du CHU de Nantes, condamné au début de l’année 2021 à 300 euros d’amende pour des propos déplacés... Damien Barraud faisait donc partie des contempteurs de la star de Marseille, dont la popularité éclipsait celle de l’OM en ce début d’année 2020 à Massilia. En fait, Barraud avait créé son compte Twitter en 2016, bien avant les débuts de la pandémie mondiale, pour lutter contre la « mauvaise médecine ». Et pour régler un trauma professionnel sur lequel il s’épanchait dans l’un de ses tweets :
 
« J’ai quitté mon CHU après y avoir dénoncé la fraude d’un PU. À l’époque j’ai baissé mon froc. Trop fatigué. Pas la force et je me suis juré que plus jamais cela n’arriverait et cela n’arrivera pas, car tout cela dépasse bien mon cas personnel. »
 
Barraud avait eu maille à partir avec un PU-PH, qui avait eu le dernier mot. Par dépit, il avait donc quitté le CHU de Nancy (en baissant son froc, sic), fait une croix sur sa carrière universitaire et décidé de déverser sa bile et sa frustration sur Twitter, en se faisant passer pour un Zorro en blouse blanche. La popularité internationale de Raoult en ce début d’année 2020 allait rouvrir chez Barraud cette blessure narcissique que lui avait infligée quelques années plus tôt le PU-PH nancéien.

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