Avril 1974, la mort de Georges Pompidou (VIDEO)
Dans la soirée du mardi 2 avril 1974, les téléspectateurs de la deuxième chaîne de l'ORTF sont en train de regarder le film L'homme de Kiev, du réalisateur américain John Frankenheimer, prélude à un débat sur le racisme et l'antisémitisme dans le cadre de l'émission Les dossiers de l'écran.
A 22h15, le film est interrompu par un flash spécial. "Nous interrompons ce film. Le président de la République est mort", annonce le journaliste Philippe Harrouard, qui cite un communiqué du secrétariat général de la République.
Quelques minutes plus tard, dans une émission spéciale improvisée, Léon Zitrone soulignera que "ce qui s'est passé aujourd'hui, nul ne s'y attendait, nous pas plus que les autres".
Georges Pompidou est mort aux alentours de 21h, dans son appartement parisien du 24 quai de Béthune, sur l’île Saint-Louis. Le lendemain, France-Soir évoque "La mort brutale de Georges Pompidou" au-dessus de son gros titre barrant toute sa première page: "Jusqu'au bout de ses forces".
Mort brutale, mais demi-surprise. Depuis 16 mois, "l'état de santé du président de la République constituait un des problèmes les plus importants de la vie politique française", souligne le journal.
Georges Pompidou est mort à 62 ans de la maladie de Waldenström, une forme rare de cancer du sang. C'est en décembre 1972 qu'il avait commencé à souffrir officiellement de "grippes" à répétition l'obligeant à annuler des activités ou visites officielles.
Et c'est lors de sa rencontre avec le président américain Richard Nixon, à Reykjavik (Islande), les 30, 31 mai et 1er juin 1973, que les observateurs ont été frappés par son état physique: le traitement de la maladie, à base de corticoïdes, lui avait donné un visage bouffi et avait ralenti sa démarche.
En septembre 1973, son voyage en Chine se réduira au strict minimum (il renoncera à visiter la Muraille de Chine), tout comme sa rencontre avec Leonid Brejnev à Pitsounda, au bord de la Mer Noire, en mars 1974 (il fera annuler le dîner).
Le 22 mars, après une nouvelle rechute, l'Elysée annonce le report de sa visite à Bonn prévue en avril. Et ce mardi 2 avril, la présidence fait savoir que Georges Pompidou a demandé à son Premier ministre Pierre Messmer de présider à sa place le conseil des ministres du lendemain.
Sur l'une des deux photos que publie France-Soir en première page ce mercredi 3 avril (daté jeudi 4), on voit un Georges Pompidou souriant. "Personne ne pouvait le savoir: cette photo souriante de l'homme qui, depuis 1969, présidait aux destinées de la France, est la dernière", dit la légende de la photo. "Il y a huit jours, le 26 mars 1974, il recevait les lettres de créance du nouvel ambassadeur de la République démocratique d'Allemagne, M. Ernst Scholtz. Mardi soir 2 avril, il perdait son long combat".
Dans son éditorial intitulé "Le courage et le devoir", le directeur de France-Soir, l'historien et journaliste Henri Amouroux, écrit que "cette longue maladie, personne ne pouvait savoir qu'elle était une longue agonie. Personne, à l'exception peut-être du président de la République, enfermé dans son courage comme dans une forteresse assiégée".
L'autre photo de Une montre Georges Pompidou embrassant sa femme Claude. "Affection, tendresse, amour: c'est un côté de la vie de Georges Pompidou qu'il a toujours jalousement protégé des regards", dit la légende. "Mais ces mobiles étaient trop puissants pour échapper toujours aux photographes. Et c'est ainsi qu'a pu être surpris, un jour, ce geste où s'exprime la force des liens qui unissaient l'homme d'Etat à sa femme Claude".
"Alain Poher, président par intérim, s'installe aujourd'hui au Palais de l'Elysée", titre également France-Soir en première page. Le président du Sénat avait déjà assuré l'intérim pendant presque deux mois en 1969, entre la démission du général de Gaulle et l'élection de Georges Pompidou.
Premier ministre de De Gaulle pendant six ans, puis chef de l'Etat pendant quatre ans et neuf mois, Georges Pompidou laisse un grand vide. "La mort du président de la République atteint un pays inquiet, troublé, qui s'interroge sur lui-même et sur son avenir", écrit Henri Amouroux dans son éditorial.
La France subit à l'époque les conséquences du choc pétrolier de 1973, l'inflation s'emballe, les grèves deviennent plus nombreuses, l'influence de l'Europe et de la France sont en baisse sur la scène diplomatique. "C'est à l'instant où le pays aurait eu besoin de calme et de sérieux dans la gestion des affaires que débute une campagne électorale qui ouvrira naturellement toutes grandes les vannes de la démagogie et des promesses futiles gravement affirmées", déplore Henri Amouroux.
De fait, France-Soir pense déjà à l'après-Pompidou: "Election d'un nouveau président de la République sans doute les 28 avril et 5 mai", titre le journal en Une.
Le "sans doute" n'est pas inutile car le pronostic sera faux: la présidentielle aura lieu les 5 et 19 mai. Valéry Giscard d'Estaing –ministre de l'Economie et des Finances pendant toute la présidence Pompidou– l'emportera sur François Mitterrand au second tour avec 50,81% des voix.
Les obsèques nationales de Georges Pompidou se déroulèrent le 6 avril à Notre-Dame de Paris, puis l'inhumation eu lieu dans l'intimité, "sans fleurs ni couronnes" conformément à sa volonté, au cimetière d'Orvilliers (Yvelines) où le couple Pompidou possédait une maison de campagne.
Le 19e président de la République y repose, au côté de son épouse Claude, décédée en juillet 2007 à l'âge de 94 ans.
(Voir ci-dessous la réaction de François Mitterrand à la mort de Georges Pompidou):
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