Guyane : la crise, résultat d'une "longue dégradation", selon des experts

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Par AFP
Publié le 27 mars 2017 - 22:53
Mis à jour le 28 mars 2017 - 11:45
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La crise sociale en Guyane est le résultat "d'une longue dégradation" dans un territoire "jamais considéré comme à développer" et où la République "arrive toujours en différé", expliquent à l'AFP des historiens et politologues.

Comment en est-on arrivé là? Les échéances électorales y sont-elles pour quelque chose? Que peuvent faire les pouvoirs publics?

- Comment en est-on arrivé là? -

Pour Françoise Vergès, politologue et historienne, la situation était "latente depuis très longtemps" dans ce territoire qui a été une "colonie esclavagiste, puis un bagne, jamais considéré comme un territoire à développer".

"Il y a un sentiment qui s'accumule depuis des décennies d'être dans la République, mais pas de la République", dit-elle.

"C'est le résultat d'une longue dégradation de la situation, sans qu'on en ait conscience dans l'Hexagone", abonde Justin Daniel, professeur de science politique à l'Université des Antilles.

Le quinquennat Hollande a vu l'adoption d'une loi sur "l'égalité réelle outre-mer", rappelle-t-il, regrettant que, "71 ans après l'adoption de la loi de 1946 qui érigeait les vieilles colonies en départements, on en soit encore à parler d'égalité".

"La République, fondée sur le principe même d'égalité, n'a jamais pu tenir ses promesses, même si d'énormes progrès ont été accomplis depuis 1946", juge l'historien, pour qui les Guyanais souffrent aussi qu'on ne parle d'eux que quand il y a des problèmes.

"La République arrive toujours en différé" et "il faut taper à la porte de Paris pour obtenir l'égalité", corrobore l'historien François Durpaire.

- Quels problèmes concrets? -

Pour M. Durpaire, "sur le plan conjoncturel, tous les voyants sont au rouge: logement, chômage, explosion de l'immigration dans le pays frontalier du Nordeste, région la plus pauvre du Brésil".

Ce sont "plusieurs problèmes qui se renforcent mutuellement", ce qui explique que "les choses sont en train d'exploser", dit M. Daniel. Il évoque les inégalités sociales "au sein des populations, et entre ces populations et celle de l'Hexagone", "un retard considérable en matière d'équipements collectifs", "la pression démographique de l'immigration très mal contrôlée" et aussi "des problèmes de sécurité" avec "une forme de violence sociale très importante".

Mme Vergès pointe également un manque d'infrastructures dans ce territoire immense, à la "population très diverse": hôpitaux, écoles, lycées... Elle note que "plus de 50% de la population est au-dessous du seuil de pauvreté, d'un peu plus de 500 euros là-bas" et que "50% des jeunes quittent l'école en primaire". Et il peut y avoir jusqu'à 14 langues parlées dans les classes, relève M. Daniel.

"S'ajoute à cela l'existence de la base de Kourou, une +colonie+ dans le territoire avec une technologie avancée, des ingénieurs, qui ne profite pratiquement pas aux Guyanais", dit l'historienne.

- Le mouvement a-t-il un lien avec les échéances électorales? -

"L'approche des élections présidentielle et législatives offre une fenêtre d'opportunité pour se faire entendre", juge M. Daniel.

Mais, pour Mme Vergès, la campagne ne fait que rendre "visible" ce qui "était déjà là" et dont le monde politique ne se rend compte que "quand on arrive à une situation de blocage".

"Ca fait des semaines et des semaines que le problème dure", confirme M. Durpaire, pour qui les visites Outre-mer des candidats en campagne relèvent en général "d'exercices de style, mais sans grand-chose à dire".

- Que peuvent faire les pouvoirs publics? -

"Les solutions ne peuvent être que co-construites avec les populations concernées", estime Justin Daniel. "Mais on se contente d'apposer un cautère sur une jambe de bois à chaque fois".

Même image de colmatage "récurrent" pour Mme Vergès, qui estime qu'il "faut arrêter de faire des plans d'urgence". M. Durpaire, fataliste, prédit déjà l'issue du conflit: "à coup de millions dans un contexte électoral, mais sans rien changer", car "poser des rustines ne construit pas un projet commun".

La vraie question est "comment faire vivre une République qui ne soit pas hexagonale mais polygonale", selon cet historien.

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