La campagne Le Pen et ses accents identitaires séduisent la droite "hors les murs"
Marine Le Pen mène une campagne aux accents identitaires, insistant sur le "patrimoine immatériel" et la défense de la "civilisation" française pour le grand plaisir d'une droite dite "hors les murs", incarnée par Philippe de Villiers ou Patrick Buisson.
C'était le 27 février, devant un Mont-Saint-Michel ensoleillé: la candidate du FN a salué "la grandeur de notre patrimoine (...) notre gastronomie, notre belle langue, nos règles de courtoisie, notre baguette de pain, notre petit café sur le zinc d'un bistrot, tout ce qui fait ce que nous sommes". Et cela se reproduit à chaque discours.
Désormais, même si elle tape toujours sur une Union européenne qui serait "totalitaire", Marine Le Pen adjoint systématiquement "l'identité" à "la souveraineté" comme réponse aux maux touchant la France.
Marine Le Pen, donnée qualifiée pour le second tour dans tous les sondages, insiste beaucoup sur le risque de la perte du patrimoine matériel et immatériel", constate le chercheur Jean-Yves Camus auprès de l'AFP.
"C'est nettement moins centré sur l'euro" que lors de la campagne de 2012, constate Nicolas Lebourg, chercheur à l'Observatoire des radicalités politiques.
Hésitant voire pessimiste avant la campagne, un soutien de Marion Maréchal-Le Pen ne tarit plus d'éloges sur le "très grand pragmatisme" de Marine Le Pen, qui va chercher les voix là où elles sont, "clairement à droite", et essaie de profiter de l'affaiblissement de François Fillon.
La nièce de Marine Le Pen, elle-même, joue le rôle d'appât pour l'électorat droitier face à "l'impasse" Fillon: elle fait le service après-vente du projet, "centré sur l'identité française".
Car pour elle comme pour un certain nombre de frontistes, "la condition de la victoire de Marine Le Pen sera l'alliance du peuple de droite au sens large (...) avec une partie de la droite conservatrice, incarnée notamment par ce que l’on qualifie de droite +hors les murs+".
- 'Tout excès à droite se paiera' -
Et justement, de ce côté-là, le changement de ton de Mme Le Pen lui semble profitable. Nicolas Dupont-Aignan, Henri Guaino, candidats à la présidentielle, ou l'entrepreneur Charles Beigbeder, ne semblent certes pas prêts à franchir le Rubicon, du moins avant le premier tour. "Des trouillards", pour un frontiste.
Mais il se murmure que Philippe de Villiers, figure de cette droite éditoriale qui écoule nombre de livres sur l'identité perdue ou la menace que représenterait l'islam, verrait désormais Mme Le Pen d'un bon oeil. De là à officialiser un soutien en bonne et due forme avant le premier tour? "C'est faux", répond celui-ci à l'AFP, ajoutant n'avoir "rien à dire" sur la campagne de la patronne du FN.
D'autres voix de ce courant se rallient aussi au panache frontiste. Robert Ménard, le maire de Béziers contempteur régulier du FN, n'hésite plus: "la droite sincère doit se retrouver derrière" Marine Le Pen.
Le petit parti Siel, ex-groupuscule frontiste qui a pris son indépendance récemment, s'est lui aussi "satisfait" de "la droitisation récente, au moins apparente, du discours", et appelle à soutenir la candidate.
La dirigeante d'extrême droite a elle tempéré ses critiques contre l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, qualifié en 2014 de "mercenaire avec des méthodes de barbouze" après l'affaire des enregistrements pirates, mais désormais considéré, selon des propos rapportés par Valeurs Actuelles, comme un membre de "cette grande famille de pensée enracinée et patriote".
Le FN a aussi fait "une petite inflexion pro-business", selon un dirigeant, dans les 144 engagements présidentiels dévoilés début février, dans lesquels est la sortie de l'euro --qui ne convainc guère hors du FN-- est devenue "rétablissement d'une monnaie nationale".
Enfin, le FN joue sur les apparences: Florian Philippot, "bras gauche" de Marine Le Pen honni dans la mouvance, est moins au premier plan.
A droite toute, donc? Mme Le Pen préfère elle vanter "la force des équilibres" de son projet à jour. Pour Nicolas Lebourg, le balancier est risqué: "Elle a bien raison pour être première au premier tour, mais tout excès à droite se paiera sur le second tour."
"Il ne faut pas non plus magnifier l'impact" de la droite "hors les murs", renchérit M. Camus.
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