A 160 mètres de profondeur, avec les derniers mineurs en France
Ceci est votre dernière chance de croiser des mineurs au fond d'une mine en France métropolitaine: la mine de sel de Varangéville, près de Nancy, ouvre depuis lundi ses entrailles aux touristes.
Le moyen de descendre est le même pour tous, celui du puits Saint Jean-Baptiste, creusé à la fin du 19ème siècle. C'est par là que remontent les tonnes de sel, les mineurs avec leur combinaison bleue et leur casque de chantier blanc, et que descendent les touristes avec leur gilet fluo et leur casque rouge.
Il ne faut pas s'attendre à y prendre ses aises, puisque six personnes rentrent serrées dans la cage en acier fermée par un rideau. Les 160 mètres de profondeur sont atteints en 40 secondes.
Une fois en bas, tout n'est que sel. Les murs et le plafond sont des parois de sel gemme, gris foncé. Le sol est recouvert de poussière de sel rendue parfois glissante par le chassé-croisé des engins.
Exploitée depuis 1870, la mine de Varangéville est la dernière mine d'importance en France métropolitaine où le travail est réalisé en souterrain par des mineurs de fond, indique le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Ils sont actuellement 40 mineurs à pouvoir extraire au maximum 550.000 tonnes par an de sel, utilisé à 95% comme sel de déneigement et à 5% pour l'agriculture, notamment les blocs léchés par le bétail.
"Nous sommes les derniers à pouvoir montrer notre métier", explique Denis Lhommé, à l'origine des visites touristiques de cette mine du groupe Salins, connu pour sa marque de sel de table "La Baleine".
Protectrice des mineurs et des pompiers, la statue de Sainte-Barbe accueille le visiteur en bas du puits avant qu'il ne pénètre dans un dédale de galeries sombres de 13 mètres de large sur 4,5 mètres de haut.
- Pas de risque de grisou -
Sur une paroi, se dessinent encore des initiales, R.A., gravées, ainsi que la date de 1902.
En 1908, la mine comptait entre 120 et 150 mineurs, mais désormais les "moyens sont beaucoup plus modernes et beaucoup moins fatigants", explique Denis Lhommé, troisième génération de sa famille à travailler dans le sel.
Dans une température constante de presque 15 degrés, les mineurs creusent à l'explosif un damier de galeries de taille identique. Si on les mettait bout à bout, cela aurait une longueur de 200 à 300 kilomètres, une partie infime de la couche de sel de cette région recouverte par une mer il y a des millions d'années, qui fait 230 kilomètres de long sur 100 km de large.
"Il y a longtemps que je voulais venir, c'est un patrimoine. Le sel a fait vivre tellement de personnes à Varangéville", explique Denise, 72 ans, en visite avec le club découverte de Dombasle, à quelques kilomètres de là.
Son père a travaillé en surface pendant trente ans à sécher le sel, "mais il ne parlait pas de son travail. Il rentrait tellement fatigué".
Aujourd'hui, la quasi-totalité du travail est mécanisé avec des engins de chantier descendus en pièces détachées puis remontés pour pouvoir percer la roche pour y mettre les explosifs, consolider les galeries, ramasser les blocs de sel, les broyer puis les cribler. Le sel est ensuite transporté sur un tapis roulant pour être soit remonté par le puits, soit stocké sous terre dans des montagnes pouvant atteindre 13 mètres de haut. Par moments se distingue le bruit sourd d'une mini-avalanche de sel.
Sans risque de "grisou", danger tristement célèbre des mines de charbon, les visiteurs de la mine de sel parcourent 1,3 kilomètre de galeries, avant de découvrir avec un film la phase de travail à l'explosif et de découvrir des machines actuelles ou anciennes exposées.
Les visites de la mine de Varangéville s'arrêteront pour l'hiver, quand l'activité de la mine deviendra trop intense pour cohabiter avec les touristes dans l'unique puits du site.
"Nous, mineurs de sel, on espère fortement un hiver avec beaucoup de neige et de verglas", souligne Denis Lhommé. Pas comme ces dernières années.
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