Education : le niveau en orthographe continue de baisser
Les petits Français font de plus en plus de fautes d'orthographe. Mais la dictée, "monument national", n'est pas le seul outil pour améliorer la maîtrise du français, extrêmement complexe.
Le même texte d'une dizaine de lignes a été dicté en 1987, 2007 et 2015 à des élèves de CM2, dans le cadre d'une enquête menée par le ministère de l'Education nationale. La baisse des résultats constatée entre 1987 et 2007 s'est accentuée en 2015, selon une étude publiée cette semaine.
Les élèves ont fait en moyenne 17,8 erreurs en 2015, contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987. Il s'agit principalement de fautes d'accords: entre le sujet et le verbe, l'adjectif et le nom ou encore du participe passé.
"Nous avons des +marques+, telles que le +ent+ à la fin du verbe à la 3e personne du pluriel ou le +s+ des noms et adjectifs au pluriel, qui ne s'entendent pas, contrairement à la plupart des autres langues", souligne Michel Fayol, professeur en psychologie cognitive à l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. "Il n'y a aucun autre système comme le nôtre".
A noter que PISA, l'étude internationale qui compare les systèmes éducatifs de divers pays, ne comprend pas d'exercices sur l'orthographe...
La valeur de l'orthographe comme "marqueur de position dans la société" a "probablement diminué", avance M. Fayol. "Beaucoup d'adultes commettent des erreurs, non par manque de connaissances mais par manque d'attention, car l'écrit est aujourd'hui géré dans l'urgence, notamment via les courriers électroniques".
Comme d'autres spécialistes de l'éducation, il note la diminution générale des horaires. "Or la maîtrise de l'orthographe dépend beaucoup du temps qu'on lui consacre".
Un élève en primaire passait 30 heures par semaine en classe jusqu'en 1969, puis 26 heures, et 24 à partir de 2007, avec la suppression du samedi matin, une durée maintenue malgré le rétablissement d'une demi-journée de classe en 2014.
Sans compter la baisse du temps consacré au strict apprentissage de l'orthographe, avec le développement d'autres disciplines au fil des décennies: sciences, histoire et géographie...
"Cela fait longtemps que l'école s'est donné d'autres missions que de former de petits grammairiens", explique Karine Risselin, professeur de français dans un lycée de la banlieue est de Paris et formatrice auprès d'enseignants stagiaires dans l'académie de Créteil.
"On demande aux enfants d'aujourd'hui des compétences qu'on ne demandait pas à ceux d'il y a 50 ans: réaliser des synthèses à partir de plusieurs documents, développer son esprit critique..."
Si l'orthographe occupe une place moins importante qu'autrefois, il est cependant capital que tous les enfants, quel que soit leur milieu social, se constituent "un bagage commun", note-t-elle. "Il n'est pas question de céder là-dessus".
"On recherche une maîtrise suffisante qui permette de rédiger un texte sans difficulté. Cela reste important, pour l'insertion professionnelle et les échanges entre les personnes", déclare Michel Fayol.
Or la dictée, "ce monument national", n'est qu'un des outils disponibles pour cet apprentissage, selon Karine Risselin. "C'est un exercice parmi les autres et il ne doit surtout pas être utilisé comme outil de sélection, comme par le passé", abonde Michel Fayol.
La professeur-formatrice cite trois "voies" qui doivent s'équilibrer: la construction raisonnée des apprentissages (par exemple formaliser une règle de grammaire en coopération avec les élèves), la mémorisation (pour l'orthographe des noms et adverbes, qui permet également d'enrichir le vocabulaire) et la production d'écrits, libres ("raconte un souvenir de vacances") ou sous forme de compte-rendu ou de synthèse par exemple.
S'appuyer sur une seule de ces trois voies "ne suffit pas", indique-t-elle. "Il faut tenir plusieurs fils". Les futurs enseignants qu'elle côtoie "ont à coeur de faire progresser tous leurs élèves" et sont prêts à rénover leurs pratiques, tandis que la recherche dans ce domaine se développe depuis plusieurs années.
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