#MeToo et les jeunes : une onde de choc à géométrie variable
L'une se réjouit que le féminisme soit devenu "mainstream", un autre n'en a jamais entendu parler: en France, l'onde de choc #MeToo a diversement touché une jeune génération déjà sensibilisée aux inégalités entre les sexes.
Professeur d'histoire dans un collège à Fouesnant, en Bretagne, Mehdi Dallali explique avoir tenté de mesurer le retentissement du mouvement auprès de ses élèves de troisième: "Ça a été laborieux, confie-t-il, ce sont des filles qui ont fini par évoquer le cinéma et les actrices violées".
A la sortie d'un lycée de l'est parisien, nombre d'élèves semblent eux aussi ignorer que, près d'un an plus tôt, un vaste mouvement de libération de la parole des femmes s'est enclenché depuis les États-Unis. Dylan Van Huffel, 19 ans, secoue la tête: "Désolé", jamais entendu parler.
Lui se voit comme "correct" et estime que "les femmes ne devraient pas avoir peur". Oui, il a vu "certains hommes avoir des propos déplacés face à une fille habillée +trop légèrement+, enfin habillée comme elle veut", mais il ne s'est jamais interposé.
Le hashtag Balance ton porc, Emma Formage le connaît bien: "Ça n'était pas une révolution, mais il fallait que ce soit dit". Pour cette étudiante parisienne de 18 ans, le mouvement a fonctionné grâce à la publication de ces "caméras cachées montrant les mains baladeuses dans les transports, les interpellations, les insultes..."
"Les garçons commencent à comprendre de quoi on parle. Mon copain me dit que ça doit être invivable d'être une meuf", sourit-elle.
"Il y a de très grandes inégalités: plus on avance en âge et plus ils sont au courant, mais ça reste un mouvement très urbain et très CSP+", estime Jessie Magana, auteure de "Comment parler de l'égalité filles-garçons aux enfants" (Le Baron perché, 2014) et intervenante régulière dans des lycées.
"Les jeunes n'ont absolument pas conscience du sexisme insidieux, intériorisé, comme la manière de parler, de marcher dans la rue... Ils minimisent, comme les adultes", ajoute-t-elle.
- "Très parisien" -
Ketsia Mutombo, cofondatrice de l'association Féministes contre le cyberharcèlement, regrette que "la représentation de #MeToo en France soit restée très parisienne, vécue comme celle du gratin".
Cette jeune femme estime que "les populations jeunes étaient déjà prêtes à entendre ce discours".
"Des filles de 15-20 ans ont plus de facilité aujourd'hui à se qualifier de féministe: plus on est jeune et moins on considère que ce le mot est extrémiste", ajoute Ketsia Mutombo. "Si de jeunes hommes changent leurs positions, c'est parce qu'il y a des jeunes femmes qui leur ont expliqué quels étaient leurs privilèges."
Corentin David, étudiant de 21 ans à Laval, reconnaît ainsi qu'il a eu par le passé "des comportements limites, dévalorisants pour certaines femmes". Et il trouve désormais "déplacé d'interpeller une femme dans la rue pour lui dire qu'elle est belle, parce que les femmes, elles, ne le font pas".
"Les jeunes hommes ne se rendent pas compte qu'on fait attention à l'heure à laquelle on rentre, comment on s'habille, à ne pas trop lever les yeux, pour éviter d'être harcelée", témoigne Juliette Dubois, sa camarade de 19 ans.
Le mouvement l'a fait évoluer : "On est capables de rembarrer, mais aussi de se laisser draguer. On est plus libres de choisir. Au restaurant, un homme qui me dit +on partage+ (l'addition), ça pourrait me plaire".
"Le féminisme est devenu +mainstream+", surenchérit Coline Mayaudom, Parisienne de 18 ans. "On est vraiment la génération prête à comprendre ce phénomène et à essayer de faire évaluer les mœurs".
Un sondage Harris Interactive pour RTL Girls révélait lundi que les hommes de moins de 35 ans sont ceux qui ont été le plus influencés par #MeToo : un sur quatre estime que le mouvement a changé leur perception du harcèlement sexuel et 12% affirment qu'ils ont changé de façon de se comporter dans l'espace public.
Mais seule une femme de moins de 35 ans sur 10 a remarqué une amélioration.
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