Saint-Denis : une "Maison des femmes" pour venir en aide aux victimes de violences
Bientôt maman et violentée par son compagnon, Hélène a fait deux heures de trajet pour rejoindre Saint-Denis, où une "Maison des femmes" a ouvert cet été pour venir en aide aux femmes victimes de violences. A 29 ans, cette Ivoirienne attend son premier enfant, un garçon, qui doit naître d'ici deux mois. Hélène (les prénoms des patientes ont été modifiés, NDLR) retrouve Mathilde Delespine, la sage-femme coordinatrice de la toute nouvelle "Maison des femmes", sortie de terre à deux pas de la maternité de l'hôpital Delafontaine et ses 4.500 accouchements par an.
Après un point sur le suivi de sa grossesse, la sage-femme aborde le sujet qui a amené sa patiente à traverser une partie de l'Ile-de-France pour la voir: le père de son futur bébé est violent. Mathilde évoque un foyer qui peut l'accueillir quelques mois, avant et après la naissance. "Je suis pressée car il y a un bébé qui arrive. Ca n'existe pas un homme violent qui ne l'est plus quand le bébé est là", prévient la sage-femme, un an de plus que sa patiente, cheveux châtains ramenés en chignon à l'aide d'un stylo quatre couleurs.
"Vu de l'extérieur, tout le monde l'adore", soupire Hélène. La patiente, qui étudie en France, s'efforce de masquer son désarroi. Elle voudrait que son conjoint change. Et surtout que son enfant grandisse dans une famille unie. "Je comprends que c'est compliqué pour vous de renoncer à un couple parental", glisse Mathilde. Mais insiste: "l'urgence n'est pas que ce bébé ait un père mais qu'il soit en sécurité émotionnelle et physique".
La sage-femme croise en 2013 la route du Dr Ghada Hatem, chef de la maternité de l'hôpital Delafontaine, qui ambitionne de bâtir une "Maison des femmes" dans la première ville de Seine-Saint-Denis, l'un des départements qui concentrent le plus de difficultés sociales. Il s'agit d'abord d'offrir un local moins austère au planning familial. Puis l'idée grandit de regrouper des professionnels de santé pour prendre aussi en charge des femmes victimes de violences ou de mutilations sexuelles. Le Dr Hatem les opère quand elles le souhaitent. Mais pour que sa Maison à près d'un million d'euros prenne forme et ouvre en juillet, elle a dû "mendier", selon son expression, afin de trouver des partenaires publics et privés. Les postes de Mathilde, d'un psychologue et d'un sexologue sont financés par des fondations.
Depuis son bureau situé dans un des blocs de couleur de la Maison, Mathilde est identifiée par les personnels de l'hôpital comme "référente violences". Une autre sage-femme la consulte: une mineure qui vient d'avoir un enfant envisage de retourner avec son compagnon violent, qui sort bientôt de prison. Puis la médecine interne appelle: une sexagénaire, elle aussi victime de son conjoint, est à l'hôpital.
Elle prend son temps avec chacune. Fanta, une Malienne de 20 ans, vient pour la troisième fois en un mois. Elle a été frappée par son mari, un Français d'origine malienne qui l'a fait venir en France et, résume Mathilde, réduite "en esclavage" auprès de sa belle-mère. "J'ai eu plein de monde au téléphone pour vous", sourit la sage-femme, qui s'efforce de tisser une prise en charge complète autour de Fanta (assistante sociale, psychologue, associations). "La famille a tout fait pour qu'elle ne fasse aucune démarche alors qu'elle pourrait être en situation régulière", note Mathilde. Elle propose de rédiger un certificat pour l'aider à porter plainte. Fanta, qui ne désespère pas de renouer avec son époux, préfère y réfléchir.
Du côté d'Hélène, l'idée de rejoindre un foyer fait son chemin. "Quand je suis loin de lui, je vous assure que je suis bien, j'ai les idées claires." Mathilde lui suggère d'enregistrer cette phrase, et de l'écouter à chaque moment de doute.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.