Immigration : le monde merveilleux de Didier Leschi
Quelle sainte mouche a piqué Didier Leschi ? Le directeur de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), qui est aussi président de l’Institut Européen en Sciences des Religions, s’est fendu d’un « tract » qui fait de la France une sorte de terre d’accueil pour ce qu’il y a plus misérable dans l’immigration. En un document de 56 pages publié dans la collection « Tracts » chez Gallimard, l’auteur dresse un état de la question qui donne froid dans le dos. Car cet opuscule devrait avoir pour titre : A nous les damnés de la Terre. En référence, si l’on ose dire, au Debout les damnés de la Terre, que chantait M. Leschi quand il était un jeune militant communiste, sans doute en levant le poing.
Lisons donc la prose de ce haut fonctionnaire qui fait dire à la quatrième de couverture de son opuscule qu’il « témoigne, à la manière du Fratelli tutti, [l’encyclique qualifiée d’« audacieuse » du Pape François], « d’une noblesse d’âme et d’un haut sentiment de la fraternité humaine » (sic). Etonnamment, le souverain pontife est ici cité plus souvent qu’à son tour …
La sélection par le bas des candidats à l’immigration se joue d’abord au niveau de l’Europe elle-même, remarque M. Leschi. Du fait que l’Europe est « plus égalitaire » (sic), elle attire des candidats à l’immigration dont « le capital personnel est faible ou leurs capacités d’adaptation plus limitées ». Par contre, « les forts en thèmes, les scientifiques de haut niveau, les plus entreprenants qui parlent déjà anglais, peuvent tenter l’aventure et la dureté du rêve américain », assure M. Leschi. L’Etat-Providence se ruine lui-même.
FRANCE, DERNIER RECOURS
Ensuite, à l’intérieur de l’Europe, c’est la France qui sert de réceptacle final. Beaucoup d’immigrés à la recherche d’un refuge, « plutôt que de stagner sans protection juridique dans les pays [européens] qui les ont rejetés, considèrent que nous sommes leur dernier recours », prétend Didier Leschi. Et d’ajouter : « Ils n’ont pas tort. Viennent à nous les perdants du système européen de l’asile, ceux qui ont été rejetés des pays où ils espéraient espérer s’établir, ceux qui n’ont pas souhaité rester en Espagne ou en Italie. Ils obtiennent chez nous plus facilement qu’Outre-Rhin, qu’en Suède, qu’en Norvège, qu’en Autriche, qu’au Danemark ».
La soupe y est moins maigre en France qu’ailleurs, il est vrai : « A situation comparable, les demandeurs d’asile dans notre pays reçoivent une allocation supérieure à elle qui est versée dans la plupart des pays d’Europe », assure-t-il. Le coucher y est moins affreux. En 2020, l’Etat français aura consacré 3 milliards d’euros pour l’hébergement d’urgence, six fois plus qu’en 2000, mettant à l’abri chaque soir plus de 176 000 personnes. Certes, il y a ces campements où les conditions de vie sont « indignes », reconnaît M. Leschi. Mais, « contrairement à nos voisins, affirme-t-il, nous sommes plus tolérants quand des personnes décident d’établir un abri sur l’espace public. »
Et d’expliquer, dans un morceau de bravoure :
« Au sein de l’Union européenne, nous sommes le pays le plus touché par les constitutions de campements de sans-abris, de demandeurs d’asile tout juste arrivés en France ou de sans-papiers qui refusent de retourner dans leur pays d’origine. Nous fermons les yeux quand des associations, dont certaines subventionnées par l’Etat, distribuent des tentes pour que des migrants puissent occuper une place, un trottoir, un jardin. Il n’y a qu’en France où la police rend ces mêmes tentes à ces associations, une fois les personnes évacuées vers des hébergements pérennes, pour qu’elles puissent organiser quelque temps plus tard un nouveau campement […]. Il n’y a qu’en France où, depuis la loi « citoyenneté et égalité » votée en 2017 [la dernière grande loi du quinquennat Hollande], toute tente ou tout abri en carton posés sur cette place, ce trottoir ou dans le jardin d’un particulier peuvent être considérés par la loi comme un habitat comme un autre, une résidence pour lequel [sic] l’occupant précaire peut se voir accorder par un juge un délai avant d’être expulsé. Cela ne donne pas à nos villes une image de tolérance glorieuse ; mais explique qu’il y ait plus de campements de fortune à Paris qu’à Londres ou Berlin. Que Budapest n’en connaisse pas. » Le directeur de l’OFFI oublie de nous dire que de temps à autres, malgré cet étrange droit d’occupation des places, trottoirs et jardins, la police chasse leurs occupants à coup de gaz lacrymogène, de matraques et de coups de pied au derrière. Agirait-elle dans l’illégalité ?
Quant à l’aide médicale d’Etat (un peu moins d’un milliard d’euros pour 320 000 bénéficiaires, chiffre notre auteur), « elle donne accès à un panier de soins quasi- équivalent à celui des résidents ». Là aussi, la France est exemplaire. « Dans l’ensemble des pays européens, un sans-papier ne peut prétendre à la même gratuité des soins et un demandeur d’asile est moins bien traité ». Mieux encore : « Plus de 30 000 étrangers malades bénéficient d’un titre de séjour qui. est renouvelé tant que les soins demeurent nécessaires ».
Mais écoutez encore ceci : « Dans notre pays, le séjour irrégulier n’est plus un délit depuis 2012 et l’aide au séjour irrégulier […] n’est plus punissable. »
DE PLUS EN PLUS DE VRAIS ET FAUX MINEURS
Quant aux reconduites aux frontières, elles sont fort difficiles. « Renvoyer un Guinéen, un Tunisien, un Algérien est d’une difficulté à chaque fois renouvelée ; et renvoyer un Afghan, un Irakien, un Pakistanais est de l’ordre de la mission impossible. Le clandestin le sait. » Vous avez bien lu. Les meilleurs connaisseurs de nos lois sociales, à part les experts de la chose comme le directeur de l’OFFI, ce sont les immigrés ou/et les passeurs qui les conseillent.
Il en va de même pour les mineurs. Si le clandestin peut « sembler mineur pour se confondre avec les vrais mineurs en besoin de protection » - admirez l’expression – « c’est encore mieux », note M. Leschi. Vous avez besoin qu’on vous explique. Lisez donc la suite : « Un mineur ne peut être expulsé ; c’est du reste pour cela qu’il en arrive et s’en déclare de plus en plus, vrai ou faux [...] Aucune contrainte ne peut s’exercer sur eux. Les réseaux en profitent pour en exploiter beaucoup qui dérivent dans les rues de nos villes ».
Comme les pays d’origine renâclent à rapatrier leurs citoyens, « nous tentons de favoriser les retours volontaires, moyennant finances indique notre auteur. Ici on entre dans le royaume d’Ubu où la pompe à phynances fonctionne à pleins tubes. « Nous donnons une prime à celui qui ‘retrouvera’ son passeport, 150 euros […] Nous offrons jusqu'à 1800 euros pour que l’étranger en situation irrégulière accepte de prendre l’avion. Plus, nous construisons avec l’intéressé son projet de retour volontaire. Nous lui proposons de prendre en charge, pendant plusieurs mois, une partie du salaire qui éventuellement l’attend ou qu’il trouvera. Nous pouvons investir pour lui jusqu'à 10 000 euros dans son pays, une somme qui pourra lui permettre de monter une activité, un commerce, un élevage, une entreprise. Là encore nous sommes en la matière les plus généreux », constate Didier Leschi. On le croit volontiers.
L’ETAT SUBVENTIONNE DES ASSOCIATIONS QUI LE MINENT
Il y a plus absurde encore. Lorsqu’un immigré est acheminé par la police vers un centre de rétention afin de préparer son rapatriement, cette même police « le présente immédiatement à une association subventionnée par l’Etat censée l’aider à faire valoir des droits qui auraient encore échappés à l’administration », remarque le directeur de l’OFFI. D’où le paradoxe qu’il note lui-même : « Nous subventionnons ainsi une activité dont le but avoué est d’éviter que la reconduite puisse être menée à son terme ». Nous, c’est-à-dire, nous contribuables…Ici, le Léviathan français se mord la queue.
Certes, M. Leschi a voulu montrer que la France est la plus « généreuse » des Etats européens. Cela rappelle le discours que de Gaulle avait prononcé à Alger le 4 juin 1958, devant une foule en délire. Il commençait par le célébrissime « Je vous ai compris », et se terminait par cette phrase magnifique : « Jamais plus qu'ici et jamais plus que ce soir, je n'ai compris combien c'est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux, la France ! ». On sait dans quel bain de sang cette générosité s’est achevée.
M. Leschi dirige l’OFFI depuis septembre 2015. Peut-être après tout, au bout de cinq années terribles, est-il las des contradictions et absurdités de l’administration qu’il dirige. Il a intitulé son « tract » Le Grand Dérangement, une allusion transparente à la théorie du Grand Remplacement, qu’il cherche à conjurer, alors même qu’il apporte de l’eau à son dangereux moulin.
A quoi jouez-vous, Didier Leschi ?
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.