La crise de l’inflation : qu'est-ce qui crée l'inflation ? [2/3]

Auteur(s)
Pierre Lécot, pour FranceSoir
Publié le 21 octobre 2022 - 18:20
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Billet / Inflation
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Qu’est-ce qui créé l’inflation ?
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TRIBUNE - Nous avons vu dans l’article précédent que, contrairement à la définition du Larousse, l’inflation ne traduit pas la hausse de tous les prix, de tous les produits existants, mais la hausse du prix du panier moyen des Français calculé par l’Insee. Le prix de ce panier augmente lorsque le prix de certains produits augmente, mais pas forcément tous. Nous avons également vu que, puisque personne ne consomme la même chose, le panier moyen ne correspond à personne en particulier. Donc, personne ne ressent la même inflation que son voisin. Par exemple, ceux qui travaillent et doivent prendre leur voiture tous les jours vont être beaucoup plus impactés par la hausse du prix de l’essence que les retraités. Retraités qui sont majoritaires chez les votants aujourd’hui en France et décident par leur vote de la politique à tenir.  Dans cet article, nous allons voir quels prix augmentent spécifiquement et pourquoi. Nous verrons que, la plupart du temps, les prix ne varient pas tout seuls : des décisions politiques ont des impacts majeurs sur les hausses ou baisses de prix, ainsi que des effets d’aubaine de puissants producteurs. Comprendre que l’inflation (ou plutôt les hausses de certains prix) ne tombe pas du ciel, mais est décidée politiquement, nous amènera vers le troisième et dernier article de cette série, concernant les solutions à l’inflation.

Voir aussi : "Qui cause l'inflation ? Pas la guerre en Ukraine ! La crise de l'inflation #épisode 2"

Communications : des batailles juridiques

Commençons par une baisse de prix assez connue, celle des communications et en particulier de la téléphonie. Les prix des forfaits téléphoniques se sont effondrés en 2012, notamment avec l’arrivée sur le marché de free mobile.

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L’histoire retient que les opérateurs déjà présents sur le marché ne voulaient pas lui laisser de place. Il aurait donc forcé son arrivée en cassant les prix. On rappelle qu’il s’est largement enrichi, même avec des prix cassés, ce qui donne une idée de ce que les autres se mettaient dans les poches.

Cette histoire médiatisée n’est pas la seule raison. Un certain nombre de batailles juridiques ont eu lieu, menées par les associations de consommateurs, pour dénoncer l’entente des opérateurs entre eux, qui maintenaient des prix très élevés. En effet, contrairement à ce que la théorie économique moderne (le plus souvent appelée néolibérale) veut faire croire, lorsqu’on privatise un service public comme la téléphonie, on obtient toujours une hausse arbitraire des prix. Une des raisons est que le marché n’est jamais cédé à une multitude d’acteurs qui se font concurrence, mais toujours à une petite bande de copains. Les quelques gros acteurs qui se sont partagés le marché se mettent alors d’accord pour racketter un maximum les consommateurs. Dans la théorie néolibérale, les prix sont à l’équilibre du marché à condition que les entreprises soient en situation de concurrence pure et parfaite, que les consommateurs ont l’information parfaite de tous les prix et peuvent choisir en toute liberté sans contrainte. Cela n’est absolument jamais le cas quand il y a seulement trois ou quatre gros groupes qui se partagent le gâteau et s’entendent sur les prix. Les gouvernements assurent toujours la première partie de la théorie : on privatise, mais jamais la seconde : on s’assure qu’il y aura concurrence. Nous avons déjà réalisé une vidéo sur le sujet des spéculateurs de l’eau. Il n’est pas raisonnable de laisser des monopoles ou des oligopoles détenir un marché. Dans ce cas, le marché privé pille les consommateurs et est moins efficace que la gestion publique.

Tabac : des hausses « pour votre bien »

À l'opposé, le prix du tabac est complètement piloté par l’État. Le prix du tabac est publié par arrêté du journal officiel à chaque changement. Sur un paquet de 20 cigarettes à 10 euros, aujourd’hui environ 1,30 euro correspond à une taxe douanière fixe, 5 euros correspond à la taxe tabac, 2 euros de TVA, 1 euro pour le buraliste et 0,70 euro pour le fabricant. C’est l’État français qui a décidé de multiplier le prix du tabac par 4 en 20 ans.

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Sur la même période, le nombre de cigarettes vendues a été divisé par 2. Donc, lorsque l’on vend deux fois moins de cigarettes, mais dont le prix a été multiplié par 4, on gagne juste deux fois plus d’argent. Le tabac est donc un cas intéressant où les vendeurs, fabricants comme buralistes, n’ont pas besoin de se mettre d’accord pour faire monter les prix. Ils ont juste à attendre que l’État le fasse à leur place.

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Énergie : une inflation décidée

La hausse de l’électricité constatée depuis 20 ans est une question purement idéologique.

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On l’a déjà dit, la théorie néolibérale martèle que le prix optimal d’un produit ne peut s’obtenir que par le principe de concurrence. Il y a donc une volonté de détruire les monopoles publics pour les transformer (en théorie) en marché concurrentiel. Dans le cas de l’électricité (comme pour l’eau, le gaz, ou le train), seule la fourniture du service a été mis à la concurrence, la construction et l’entretien du réseau (qui coûte cher et ne rapporte rien) est laissé aux impôts. Exactement comme pour la privatisation de la téléphonie, celle de l’électricité n’a pas baissé, mais augmenté les prix. Déjà, comme pour la téléphonie, il n’y a pas de réelle concurrence entre les acteurs puisqu’ils ne sont pas assez nombreux. Mais en plus, comme il est impossible pour un acteur privé de faire moins cher que le public, on s’arrange toujours pour l’aider, au moins au démarrage. Dans le cas de l’électricité, comme il était impossible pour les opérateurs privés de faire moins cher que le nucléaire, on a mis en place des lois spécifiques :

  •  D’une part, on leur a permis d’acheter de l’électricité EDF à tarif préférentiel pour le revendre. Cela nous permet de produire de l’électricité avec nos impôts, pour qu’ensuite des acteurs privés l’achètent et nous la revende plus chère.
  • De plus, des lois ont mis en place des « obligations d’achat à prix garantis » obligeant les consommateurs à acheter d’abord l’électricité fournie par les énergies dites « renouvelables » avant d’acheter l’électricité produite par le nucléaire. Cet effet d’aubaine pour de la production d’électricité, normalement non rentable, a augmenté la facture.

Il faut ajouter que des augmentations artificielles du prix du kWh ont été décidées, comme en juin 2019, pour soi-disant « s’adapter au marché ». Il est assez paradoxal de prétendre s’adapter au marché en imposant une hausse brutale de prix. Il faut aussi rappeler aussi qu’à chaque fois qu’une centrale nucléaire est arrêtée pour de la maintenance, et que les centrales à charbon ou à gaz doivent être rallumées, cela augmente la facture. Le choix politique de sortir du nucléaire fait donc augmenter le prix pour le consommateur.

Le bilan de toutes ces décisions idéologico-politiques prises entre 2006 et 2020 est que le prix de l’électricité a augmenté de 60 %. Les effets de la privatisation notamment sont bien visibles, mais pas dans le sens promis.

Plus récemment, le choix des politiques français et européens de ne plus s’approvisionner en gaz russe, a augmenté le prix du gaz sur le marché.

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La décision politique a tordu la concurrence. En plus, l’augmentation du prix du gaz a pour conséquence l’augmentation du prix de l’électricité à chaque fois qu’une centrale au gaz est utilisée.

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Toutes ces décisions sont purement politiques. L’inflation du prix de l’électricité, comme celle du gaz, n’est pas subie, mais décidée politiquement, soit pour des raisons de prétendue « concurrence », de « développement des énergies renouvelables » ou de « géopolitique ».

Essence : double racket des salariés

La hausse du prix de l’essence a été un déclencheur du mouvement des gilets jaunes. Nous avons vu que les travailleurs exclu des villes sont les plus dépendants à l’essence et subissent plein fouet les augmentations. Par un hasard de calendrier, la forte contestation sociale qui commençait à poindre dès fin 2018, sévèrement réprimée par le gouvernement, s’est arrêtée brutalement à cause de la pandémie qui était censée décimer l’humanité ces deux dernières années. Le fait d’enfermer les gens chez eux, leur a donné l’impression de faire des économies, mais surtout, leur faire croire qu’ils couraient un danger mortel à respirer le même air que leur voisin a diminué la volonté de se rassembler.

On note que depuis 2021, le prix de l’essence est remonté en flèche, bien au-dessus que pendant la crise des gilets jaunes. Le prix de l’essence subit des hausses bien plus fortes que l’inflation générale.

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Les vendeurs de pétrole justifient toujours les hausses de prix de l’essence en invoquant les hausses de prix du baril de pétrole.

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Il est vrai qu’à chaque fois que le baril augmente, le prix à la pompe augmente d’autant. En revanche, lorsque le prix du baril baisse, le prix à la pompe est loin de baisser autant. On a pu constater que lorsque les barils sont devenus gratuits en mai 2020, le prix à la pompe en France n’a fait que retrouver son niveau de 2016 : 1,26 euro le litre.

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Les journaux accusent habituellement les taxes d’empêcher les prix de baisser. La raison invoquée est que les taxes représentent 60 % du prix de vente. Cela n’a absolument aucun sens. Si une taxe est un pourcentage du prix de vente, alors les hausses et les baisses ne dépendent pas des taxes. Dans ce cas, si l’essence était vendue 0 euro, il y aurait 0 euro de taxe. Ce n’est pas une question de pourcentage trop élevé, mais du fait que la taxe concernant l’essence appelée TICPE est un montant fixe par litre d’essence, et pas un pourcentage du prix de vente. En ce moment, la TICPE est à environ 0,70 euro par litre. Le prix de l’essence ne peut pas descendre en dessous, même si le baril est gratuit. Mais en plus, pour qu’il soit rentable de distribuer de l’essence, il faut pouvoir payer la totalité de la chaîne d’approvisionnement, du transport et des personnes qui font la distribution. Ce cout est estimé à 0,10 euros par litre par l’UCIP. En ajoutant la TVA sur ces prix fixes, on obtient environ 1 euro par litre. C’est le prix minimum en dessous duquel il n’est pas rentable de vendre de l’essence, même avec un baril gratuit. Pendant la période où c’est arrivé, en mai 2020, l’essence est descendue au minimum à 1,26 euro le litre, laissant une marge confortable aux géants du pétrole. La raison est tout simplement que les vendeurs de pétrole ne sont pas en concurrence, et que les consommateurs sont captifs. Il n’y a pas des pompes à tous les coins de rue détenues par des indépendants. Seuls quelques gros poissons possèdent des stations à essence, et les consommateurs sont captifs de la station essence la plus près de chez eux ou de leur trajet. Tout le monde à l’habitude de payer cher l’essence dans les stations des autoroutes, ou à Paris, et de ne pas voir le choix. Chacun peut constater que la hausse du prix du pétrole ces dernières années a permis à ces géants de générer des superprofits. En conclusion, il n’y a pas d’inflation naturelle du prix de l’essence. Il y a d’abord l’État qui décide faire artificiellement monter le prix de l’essence avec des taxes, pour ramasser de l’argent sur le dos des travailleurs qui habitent en périphéries des villes (mais les politiques s’en foutent puisque leur électorat est composé de cadres de centre-ville et de retraités). Il y a aussi des grands groupes qui s’en mettent plein les poches, parce que l’État les laisse faire.

Attardons-nous quand même sur la TICPE et en particulier sur la décision politique de mettre en place une taxe carbone en 2014. Cette taxe a fait augmenter les coûts de production de certaines énergies dites « carbonées », comme l’essence ou le gaz. Cette taxe fait partie intégrante de la TICPE et permet de lui donner une justification écologique. La vraie raison de la mise en place de cette taxe carbone a été dévoilée par le gouvernement Macron, dans le Projet de Loi de Finance 2019. On peut lire : « et enfin l’allègement supplémentaire, au 1er octobre, de 4 points des cotisations sociales employeurs au niveau du Smic dans le cadre de la bascule CICE. Ces baisses de prélèvements seront partiellement contrebalancées par la poursuite de la montée en puissance de la fiscalité sur le tabac et de la fiscalité écologique, ainsi que par la suppression de la niche fiscale pour certains usages du gazole non-routier. » La taxe carbone a, en fait, été mise en place pour payer le CICE. Faisons donc un petit récapitulatif sur le CICE.

Le CICE, crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi, était un avantage fiscal permettant aux entreprises de payer 6 % d’impôts en moins pour tous les salaires inférieurs à 3 000 euros net mensuel. Ce cadeau directement dans la poche des entreprises coûtait 20 milliards d’euros par an à l’État. Aujourd’hui, ces avantages sont directement écrits dans la loi puisque le gouvernement a définitivement baissé les impôts des entreprises. D’après les économistes les plus en faveur du dispositif, ces 20 milliards d’euros annuel permettraient de sauver chaque année 100 000 emplois. Avec 20 milliards d’euros annuels, on paye plus de 400 000 personnes à 3 000 euros net par mois. Il aurait donc été beaucoup plus efficace de créer 400 000 postes dans les associations sportives pour les enfants, de personnel éducatif spécialisé dans le handicap, de personnel soignant pour personnes âgées, etc. Le CICE est un des plus gros gaspillages d'argent public jamais organisé, avant 2020.

Sur les 3,8 milliards d’euros gagnés par l’État en 2016 sur la taxe carbone, trois milliards ont été affectés au CICE. Donc, cette « taxe carbone » n’a pas le moindre rapport avec l’écologie. Plutôt que les entreprises payent des impôts sur le salaire brut des employés, ce sont les employés qui, en dépensant leur salaire net pour se chauffer l’hiver, ou pour remplir leur réservoir d’essence pour aller travailler, payent la taxe carbone. La taxe carbone, c'est un transfert des impôts des entreprises vers les salariés. La hausse du prix de l’essence depuis 2014 sous couvert d’écologie, est un cadeau fiscal au patronat. L’inflation qui en résulte est juste le résultat d’un cadeau du gouvernement, payé par les salariés.

Les chocs pétroliers

Pour mémoire, depuis plus de 50 ans les deux seuls périodes de forte inflation en France ont été les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Nous sommes tellement dépendants du pétrole que son prix influence toute l’économie.

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Le premier choc pétrolier a lieu dans un contexte de crise de la monnaie, au moment de la fin des accords de Bretton Woods. Ces accords datent de 1944. Ils ont été signés par 44 pays pour mettre en place un système de régulation de la monnaie basé sur le dollar. À partir de cette date, c’est le dollar qui fait foi pour tous les échanges internationaux. Le dollar est censé être garanti par l’or. Toutes les monnaies des autres pays signataires dépendent du dollar. Cela a notamment obligé les signataires à se procurer des dollars, donc à exporter leur production vers les États-Unis, grands gagnants du système. Cependant, même en exportant vers les États-Unis, les dollars étaient trop rares pour satisfaire les échanges internationaux. Cette situation est appelée dollar gap. Pour régler le problème du manque de dollars, les États-Unis décident de faire tourner la planche à billets, sous couvert de plans d’aides à la reconstruction. Le célèbre plan Marshall a été signé par 17 pays Européens dès 1947, sous la promesse d’aider à reconstruire l’Europe. Dans les faits, ce plan a permis aux États-Unis de faciliter les exportations vers l’Europe et donc de freiner la mise en place de concurrents européens. Les accords de Bretton Woods et le plan Marshall sont les deux piliers de la domination américaine sur l’Europe. Pendant près de 30 ans, les États-Unis ont installé leur domination en Europe, en faisant tourner la planche à billets du dollar, et tout le monde était obligé de les accepter. Les dollars sont devenus de plus en plus abondants à l’extérieur des États-Unis, à force d’importations des Américains en échange de ces dollars. Cette situation est appelée dollar glut. Les accords de Bretton Woods se sont arrêtés en 1971, lorsque l’Allemagne a commencé à en avoir marre de se faire piller sa production industrielle par des dollars fraîchement imprimés pour l’occasion. Elle a exigé de se faire payer en or, puisque les dollars étaient censés être garantis par de l’or. Le Président Nixon a préféré mettre fin aux accords immédiatement. Cela donne une idée de l’escroquerie de tout le système mis en place.

Rappelons maintenant que les États-Unis sont le plus gros producteur de pétrole au monde. En 1971, ils subissent un double risque : la fin de l’hégémonie du dollar américain sur le commerce mondial et leur besoin en pétrole, non couvert par leur propre production. Pour que les Américains puissent ouvrir de nouveaux puits, et notamment exploiter les schistes bitumineux, il est nécessaire que le prix du baril de pétrole augmente fortement pour rendre rentable ces nouveaux gisements. Des rencontres ont lieu entre les représentants américains et les pays de l’OPEP au début des années 70. Ces rencontres débouchent sur une décision des pays de l’OPEP d’augmenter fortement les prix en 1973, c’est le premier choc pétrolier, dont les premiers bénéficiaires sont les États-Unis.

Le deuxième choc pétrolier de 1979 a, lui, pour origine (au moins officielle), la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak. Pour faire court, la révolution iranienne prend notamment sa source du fait que la CIA et le MI6 (donc les services secrets américains et britanniques) ont organisé l’opération AJAX pour renverser le Premier Ministre iranien Mossadegh en 1953. Ce dernier avait nationalisé les puits de pétrole en 1951 et immédiatement connu un blocus international pour l’empêcher de vendre son pétrole. Les profits du pétrole qui ne sont pas captés par des grands groupes privés c’est mal. En plus, ça pourrait donner des idées à d’autres. L’opération AJAX met à la tête de l’Iran le général Zahedi pour reprivatiser tout ça. En 1954, des accords sont signés entre l’Iran, les États-Unis et les Britanniques pour se partager les recettes du pétrole pour une période de 25 ans, c’est-à-dire jusqu’en 1979. 1979, c’est le début de la révolution iranienne, qui débouchera dès 1980 sur la guerre Iran-Irak (avec l’Irak allié des Etats-Unis sur ce coup-là) et sur le deuxième choc pétrolier. L’intervention de la CIA pour renverser un gouvernement et en tirer profit en 1954 est considérée comme la première d’une très longue série, en particulier au sein des pays producteurs de pétroles de tous les continents.

L’augmentation des prix du pétrole en 1973, se fait donc de manière concertée, décidée, au plus grand profit des producteurs américains. Le choc pétrolier de 1979 est le résultat de l’ingérence américaine sur les pays exportateurs de pétrole. Les hausses des prix du pétrole ne viennent pas d’une opération du Saint-Esprit, mais sont la conséquence directe de politiques américaines.

Effet en cascade

Si les prix de l’énergie et de l’essence augmentent, cela fini par se répercuter à rebours sur la production et le transport. Donc, le prix de vente d’un certain nombre d’autres produits va augmenter en cascade par cet effet. Ces derniers sont pour certains de vrais marchés concurrentiels et ne font que répercuter l’augmentation qu’ils subissent. C’est notamment le cas de l’alimentaire. Les producteurs qui sont en situation de marché concurrentiel, n’ont pas la force des lobbies auprès des décideurs parisiens. Ils subissent les augmentations des prix décidés par les plus gros poissons et se font pressurer. Nous avons vu le cas plus haut de producteurs qui forment un quasi-monopole et peuvent augmenter les prix. Dans le cas des petits producteurs, ce sont leurs acheteurs (les grands distributeurs) qui sont en situation de quasi-monopole et peuvent donc tirer les prix d’achat vers le bas.

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La guerre en Ukraine

Un certain nombre de médias accusent la guerre en Ukraine d’être la cause de l’inflation aujourd’hui. C’est juste complètement faux. Cette croyance vient en partie du choix du titre de l’Insee pour sa note de conjoncture 2022 : « guerre et prix ». Une sorte de jeu de mots avec le roman de Tolstoï « guerre et paix ».

Il y est pourtant très clair que l’inflation en France a démarré dès la reprise économique de juillet 2021. Une deuxième accélération est très visible dès janvier 2022, alors que l’opération russe en Ukraine n’a démarré que le 24 février. Il est impossible d’accuser cette opération alors que la hausse a démarré bien avant.

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Cette idée de l’impact de la guerre en Ukraine vient d’une autre partie de la note de conjoncture concernant les difficultés d’approvisionnement. Un peu moins de la moitié des entreprises répondant à l’enquête des secteurs de l’industrie manufacturière et du bâtiment déclare avoir des problèmes d’approvisionnement. Une toute petite minorité déclare que ces problèmes sont directement liés à la guerre en Ukraine. Elles déclarent plutôt que ces problèmes sont indirectement liés à cette guerre. En clair, elles savent que les prix augmentent et accusent la guerre. L’influence des médias joue là-dessus un rôle central. On observe ici directement une boucle d’information : les médias font circuler l’idée que la guerre en Ukraine est responsable de l’inflation. Les chefs d’entreprises entendent donc ce récit. Lorsque l’Insee demande aux chefs d’entreprises si l’inflation provient des conséquences de la guerre en Ukraine, ils répondent que oui, puisqu’ils l’ont entendu dans les médias, et non pas parce qu’ils le vivent. L’Insee publie alors sa note de conjoncture et les médias peuvent dire que l’inflation vient de la guerre en Ukraine puisque c’est l’Insee qui le dit.

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Le site des douanes françaises nous permet de savoir que l’Ukraine n’est pas du tout un partenaire majeur de notre pays, ni pour les exportations, ni pour les importations. Il n’est pas dans le top 20, ni d’un côté, ni de l’autre. Le top 20 représente les ¾ des échanges.

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Mais en plus, si on détaille les échanges par pays, on peut constater que les importations en provenance d’Ukraine n’ont pas faibli.

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De l’autre côté des autres belligérants, on constate avec surprise, que les importations en provenance de Russie n’ont pas faibli non plus. Le montant des importations a même explosé. Devinez pourquoi… À cause de l’énergie.

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Tout particulièrement, la facture des importations de pétrole en provenance de Russie a explosé. Le montant importé des hydrocarbures naturels a été multiplié par 4, passant de 1,5 milliard d’euros à 6,6 milliards d’euros. Quel franc succès des sanctions économiques. Take that Putin !

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La baisse des échanges avec la Russie est bien plus visible du côté de nos exportations : les Russes n’achètent plus les produits à haute valeur ajoutée de nos industries, en particulier les avions. Tous ces efforts vont permettre à la Russie de poursuivre la relance son industrie. Nous sommes dépendants de son énergie, elle ne le sera plus de nos technologies. Take that Putin !

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Il est donc absolument impossible d’accuser ce conflit d’avoir le moindre impact direct sur l’inflation française à cause de difficultés d’approvisionnement. Si on doit accuser quelque chose au sein de ce conflit, ce sont uniquement « les sanctions contre la Russie » qui, pour le moment, n’ont pour résultat qu’une accélération de la hausse du prix des hydrocarbures, et un transfert massif d’argent (+ 8 milliards d’euros) de notre pays vers la Russie.

En revanche, quand on ne perd pas la mémoire, on peut se rappeler que l’Insee titrait juillet 2021 que l’augmentation du coût des matières premières serait le moteur de l’inflation. En décembre 2021, que c’était l’augmentation du coût de l’énergie qui créait l’inflation. L’inflation était déjà bien installée, sans aucun rapport avec le conflit russo-ukrainien.

Pour finir, si on revient sur la note de conjoncture de cet été, on peut constater dans la partie consacrée à l’international, que l’inflation touche tout le monde occidental depuis 2021. Elle touche d’ailleurs en premier lieu les États-Unis et le reste de l’occident suit derrière. Une preuve supplémentaire, s’il en faut, que l’inflation n’est pas causée par le conflit en Ukraine.

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Profits particuliers et luttes d’influences cachés derrière l’inflation

En conclusion, si on résume, les prix qui augmentent d’abord, et le plus, viennent, soit de choix politiques délibérées, notamment dans le domaine de l’énergie, soit de gros monopoles privés qui s’en

mettent plein les poches, et parfois les deux à la fois. Il n’y a pas d’augmentation venue du ciel, liée à des phénomènes incontrôlés ou à cause d’un mauvais comportement des Français. Seuls les choix politiques d’augmentation de certains prix et de laisser de grands groupes piller l’économie sont responsables de ce fait. La guerre en Ukraine présentée en ce moment comme responsable de l’inflation est un non-sens complet. Pour savoir ce qui créé les hausses de prix, il suffit de regarder les délires idéologiques des décideurs et les plus gros bénéficiaires dans les grands groupes privés. Tout cela menant peu ou prou aux mêmes personnes.

Il nous reste donc à voir, maintenant que l’on constate qu’un certain nombre de prix augmente, ce qu’il faudrait faire pour que les Français n’en souffrent pas. Sans surprise, c’est à peu près l’inverse de ce qui est préconisé par les économistes de plateau de télévision, et par les politiques.

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