La pincée (sans rire) de proportionnelle

Auteur(s)
Marcel Monin pour France-Soir
Publié le 15 mai 2024 - 13:42
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TRIBUNE - Quand le citoyen met son bulletin dans l’urne, il croit qu’il participe à une opération simple, qui consiste à désigner la ou les personnes qui vont le représenter comme député.  C’est plus compliqué que cela.  

Tout d’abord, une fois élu, le député peut (ou doit avec certains textes sur lesquels il n’a plus de prise) se mettre au service de représentants de forces financières, économiques ou commerciales dont les intérêts vont exactement à l’encontre des intérêts de tout ou partie des électeurs. 

Et puis, s’agissant des bulletins de vote, ces derniers sont comptabilisés selon des règles de calcul qui prennent en compte différents paramètres (*) dont l’assemblage qui est choisi donne des résultats différents. Modes de calcul favorisant plus ou moins artificiellement (et plus ou moins « scandaleusement ») tel parti, telle tendance, et ensuite évidemment, telle répartition des portefeuilles ministériels (*). 

Le mode de scrutin, c’est ce qui est fixé par la loi électorale demandée ou votée (évidemment) par ceux qui y ont intérêt, et … pas par les autres. 

Les arguments théoriques servis aux citoyens sur les modes de scrutin, sont pour une grande part, une sorte de … plaisanterie. On voit d’ailleurs la faiblesse de l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée récemment par les politiciens du MODEM (1). 

La « bonne » loi électorale, c’est avant tout la loi qui rapporte des sièges à ceux qui font carrière sous telle étiquette.  Pas forcément, comme il a été dit ci-dessus, pour défendre les citoyens quels qu’ils soient ou pour veiller à l’intérêt « général ». 

Il faut constater que ceux qui réclament une dose de proportionnelle ne disent pas, par exemple, quelle politique différente une pincée de députés en plus leur permettrait de mettre en œuvre. Et qui ne serait pas de continuer, ni la déréglementation de la finance, de l’économie et du commerce, etc… - voulues par les textes « européens » -, ni la subordination aux USA - inscrite dans les textes de l’UE et de l’OTAN -.  

A travers ces projets de modification de la loi électorale, c’est donc bien le régime des partis qui prospère.  

On pourrait également, en s’appuyant sur l’exposé des motifs du projet de loi électorale du MODEM, qui veut « rétablir des (???) libertés démocratiques », se demander (ou faire semblant de se demander) pourquoi les politiciens dudit MODEM, s’agissant du scrutin européen, ne proposent pas de revenir sur les règles de financement.  A l’heure actuelle en effet, les listes doivent débourser leurs frais de campagne, qui sont énormes, et qui ne leur sont remboursés que si elles « font » 3 % des voix.  Ce qui fait que les politiques qui plaident pour la cessation de l’installation de la loi du plus fort et le culte de l’idéologie / de la religion sociétal (qui ont été fabriquées autour de ces intérêts particuliers), ne peuvent pas faire valoir leurs arguments. Et (encore moins) ne peuvent espérer jouer les Nigel Farage. 

On a là les mécanismes du régime censitaire (seuls les riches votaient et seuls les plus riches pouvait être candidats) avec ses modalités (conditions d’âge et/ou de résidence de plus de tant de temps), qui permettaient de faire de la démocratie, … mais sans la partie de la population qui aurait voulu en profiter également. 

Les mêmes amateurs du « rétablissement de libertés démocratiques », pourraient aussi s’intéresser aux parrainages pour l’élection du président de la République. Puisque cette règle, faite pour éloigner les candidatures manifestement « fantaisistes », a été en réalité utilisée, notamment par une tête pensante du MODEM il y a peu, pour empêcher de présenter tel candidat (comme F. Asselineau) qui propose de substituer aux règles actuelles, des règles différentes pour les relations entre les Etats du continent européen. 

Mais bon … 

 

Marcel-M. MONIN 

Maitre de conférence honoraire des universités

 

  1. Proposition n° 4013, à lire sur le site de l’Assemblée nationale  
  2. Nous ne disposons pas des informations qui permettent de donner la prévision du résultat des futures élections législatives avec une nouvelle loi électorale de ce genre. Il serait intéressant également de savoir si les utilisateurs de règles à calculer les résultats, ont pensé au système des apparentements. Qui était « gratiné » mais qui a été très efficace. (*)   

(*) Nous donnons (sous l’article 34) dans notre commentaire de la constitution « Texte et documents constitutionnels depuis 1958 » (Dalloz - Armand Colin) la liste des réformes des modes de scrutin depuis la Révolution, avec les objectifs poursuivis à chaque fois. 

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