Emplois fictifs : qu'est-ce que c'est et quelle peine encourue ?
Une nouvelle affaire d’emplois fictifs secoue l’actualité avec des révélations selon lesquelles l'épouse d’un candidat à l'élection présidentielle aurait été son attachée parlementaire, avant de devenir celle de son suppléant, et aurait ainsi touché plus de 500.000 euros de fonds publics, sans travail effectif en contrepartie.
La question de ces emplois dits "familiaux" (très utilisés puisque 20% des parlementaires y avaient recours en 2014 à en croire leurs déclarations d’intérêts et d'activités à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique) revient régulièrement sur le devant de la scène.
Cette pratique n’est cependant aucunement illégale, puisque il est parfaitement possible d'embaucher des proches –son conjoint ou ses enfants par exemple– comme collaborateurs à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Mais encore faut-il qu’elle ne dissimule pas des emplois fictifs.
C’est que l'enveloppe qui sert à rémunérer ces assistants, basés à l'Assemblée ou dans les permanences des circonscriptions, vient s’ajouter à l'indemnité du député qui constitue son salaire et provient des caisses parlementaires, à hauteur de 9.561 euros mensuels qui lui permet de rémunérer jusqu'à cinq collaborateurs.
Selon le règlement de l’Assemblée nationale, le collaborateur joue "le rôle que chaque député lui fixe à l’intérieur de l’équipe qu’il a recrutée". D’où l’importance que l’emploi corresponde bien à un travail effectif (secrétariat, tenue de l’agenda, permanence téléphonique, rédaction des discours ou préparation de propositions de lois et d’amendements).
Quels sont les risques s’il s’avère que le collaborateur rémunéré n’a eu aucune activité réelle?
La notion d’"emploi fictif" n’existe pas directement en droit pénal, même si elle a été souvent utilisée lors de procès mémorables, concernant notamment le financement occulte de partis politiques et c’est donc la jurisprudence qui en dessine les contours.
Ce délit, car c’est bien d’une infraction pénale qu’il s’agit, peut-être caractérisé tout d’abord classiquement en droit du travail par le paiement récurrent d’un salaire au profit d’une personne bénéficiant d’un emploi fictif. Cela constitue indéniablement un acte de gestion contraire aux intérêts de la société, susceptible de donner lieu à poursuites pénales pour abus de biens sociaux comme dans cet arrêt du 28 mai 2003 (Cass crim n° 02-83.544).
Mais ce délit peut aussi être qualifié, comme la Chambre criminelle de la Cour de cassation l’a fait dans un arrêt du 30 mai 2001 (n°00-84102), de détournement de fonds publics (article 432-15 code pénal) si une dotation budgétaire permet le paiement d’une personne mise à disposition d’un parlementaire sans lui fournir aucun travail correspondant. Il est passible de 10 ans de prison et un million d’euros d’amende.
Le bénéficiaire des fonds pourra également être poursuivi pour recel de détournement de fonds publics, recel normalement réprimé par cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende, mais qui en l’occurrence pourrait être considéré comme aggravé (article 321-2 du code pénal) avec 10 ans de prison et 750.000 euros d’amende si "commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités procurées par l’exercice d’une activité professionnelle".
Alors extrême discrétion d’une collaboratrice préférant l’ombre à la lumière ou bien travailleuse fictive, mais bien rémunérée, l’enquête préliminaire dont le Parquet financier vient d’annoncer l'ouverture devra le déterminer.
Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat
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