Législatives 2017 : Macron va-t-il mettre fin à la "tradition" de nommer un président de la commission des finances issu de l'opposition ?

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 08 juin 2017 - 17:50
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L'Assemblée nationale à Paris le 19 avril 2010
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© LOIC VENANCE / AFP
La tradition de nommer un président de la commission des finances issus de l'opposition remonte à Nicolas Sarkozy.
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Les législatives qui s'annoncent semblent bien parties pour initier un changement de têtes à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron, lui, pourrait profiter de cette occasion pour nommer à la tête de la commission des finances un futur député LREM pour s'assurer d'une meilleure influence sur cet organisme puissant. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte en partenariat avec "FranceSoir" pourquoi le nouveau président pourrait rompre avec une tradition initiée par Nicolas Sarkozy.

Les élections législatives de juin 2017 risquent d'être singulières: impact de l'affaire Ferrand? Abstention record? Plus certainement, un renouvellement en profondeur et un rajeunissement des effectifs.

Dans ce contexte, les députés novices vont forcément devoir se fier à des collègues plus chevronnés qui seront notamment élevés au rang de président des commissions parlementaires. Ne soyons pas dupes, la modernité sera stoppée par les règles qu'impose l'efficacité parlementaire.

S'agissant de la commission des finances (dont le libellé exact est "commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire"), il est essentiel de garder en mémoire l'initiative politique prise par Nicolas Sarkozy en 2007: celle qui a consisté à confier à un membre de l'opposition le poste de président de la commission des finances. Cette décision résulte d'une promesse émise oralement et n'a donc qu'une valeur pseudo-coutumière à l'inverse d'un engagement juridique formel. Dès lors, le président Macron peut, d'un mot, revenir sur cette pratique que son prédécesseur François Hollande avait néanmoins poursuivie.

Pourquoi le ferait-il? Selon ma compréhension de la situation –et donc à valeur d'hypothèse de travail– le nouveau chef de l'Etat va devoir solder les comptes erratiques du dernier budget du duo Sapin–Hollande. Ceci va requérir des arbitrages courageux et cohérents. Parallèlement, la pratique des institutions dite "gaullo-mitterrandienne" que suit le président Macron ne rend pas partageuse. Un pouvoir tel que celui de la présidence de la commission des finances ne se brade pas dans les mains d'une opposition dont la force n'a jamais besoin d'être accrue même sous le prétexte de jouer "l'ouverture". Afin de pouvoir s'assurer de ne "voir qu'une tête", Emmanuel Macron va probablement rompre avec la fort jeune tradition qui, de surcroît, a généré bien des tensions entre le président de la commission et son rapporteur général.

Sans plonger dans toutes les arcanes de la discussion budgétaire, il est fondamental d'indiquer ici que les pouvoirs du président de la commission des finances sont très significatifs. En premier lieu, je retiens que le président a le pouvoir de contrôler la recevabilité financière prescrite par l'article 40 de la Constitution des amendements émis par les parlementaires. Ceci s'applique à tous les amendements quelle que soit la commission parlementaire chargée de la discussion d'un texte donné. Or, l'article 40 est un verrou crucial de la discussion budgétaire et parlementaire puisqu'il est ainsi rédigé: "Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique"De mémoire, les travaux parlementaires attestent que Jérôme Cahuzac qui fut président de la commission des finances de février 2010 à juin 2012 a fort bien su exercer son contrôle d'opportunité dérivé de l'article 40 précité.

Le président Macron, qui a opté pour un gouvernement "de droite et de gauche" ne saurait confier Bercy à deux hommes politiques de droite et, de plus, laisser l'opposition à la tête des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat. La législature qui s'achève avait vu Gilles Carrez (LR) présider la commission des finances à l'Assemblée et la sénatrice (PS) Michèle André celle du Sénat. Compte-tenu du champ de compétences de ces commissions des finances (lois de finances, participations de l'Etat, secteur des banques et assurances, France-Domaine, etc.) il est hautement réaliste d'envisager que là aussi, le vent du changement va faire son œuvre au profit d'une présidence dite "jupitérienne" et manifestement adepte de verticalité. Après tout, au regard de l'état de nos finances publiques et du besoin de mettre de l'ordre dans nos comptes, pourquoi ne pas revenir à la pratique qui a prévalu de 1958 à 2008?

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