Les symboles européens en France, un statut ambigu

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La Maison de l'Europe de Paris, édité par la rédaction
Publié le 30 août 2017 - 15:07
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Reflets de drapeaux européens à l'entrée de du siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 21
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© GEORGES GOBET / AFP/Archives
Le drapeau européen fait partie du paysage républicain français.
© GEORGES GOBET / AFP/Archives
Entré à l’Assemblée nationale le 19 juin dernier, Jean-Luc Mélenchon a vivement critiqué la présence du drapeau européen au sein de l’hémicycle. Cette contestation n’est pas nouvelle et illustre l’ambiguïté de la position française vis-à-vis des symboles de l’Union européenne. En effet, malgré leur usage de plus en plus courant au sein de l’Hexagone, la France refuse toujours de les reconnaître de manière officielle.

Si le drapeau étoilé flotte aujourd’hui au sein de l’Assemblée nationale, il n’y a été autorisé qu’en 2012, soit cinq ans après sa reconnaissance officielle au sein de l’Union. Ce retard surprend puisque, depuis un certain nombre d’années, la présence européenne sur les bâtiments publics ou pendant les cérémonies officielles s’est banalisée. Présent sur le fronton des écoles, sur la photo officielle du président de la République depuis 2007 et devant les mairies, le drapeau européen fait partie du paysage républicain. Cette présence croissante en fait l’image la plus visible de notre appartenance à l’Union européenne (UE).

Le drapeau fait en effet partie des cinq symboles répertoriés dans la Déclaration 52 relative aux symboles de l’UE annexée au traité de Lisbonne. Mais connaissez-vous les quatre autres?

Ceux-ci sont semblables aux symboles nationaux classiques. On y retrouve l’hymne européen tiré de l’Ode à la joie (la 9ème symphonie de Beethoven), la devise "Unie dans la diversité" ainsi que l'euro comme monnaie commune. Enfin l’Europe célèbre sa fête le 9 mai, date anniversaire de la déclaration Schuman du 9 mai 1950 qui initia la construction européenne.

Seize des vingt-huit pays de l’UE ont reconnu officiellement ces symboles. Ce n’est pas le cas de la France ni des Pays-Bas qui en sont pourtant des membres fondateurs. Comment expliquer cette résistance?

En 2005 les deux pays rejettent le projet de Constitution pour l’Europe. Le "non" français, issu d’un référendum qui divise encore aujourd’hui, marque le refus d’un approfondissement politique de la construction européenne. Ainsi, en 2007, pour faciliter l’adoption d’un nouveau traité (le traité de Lisbonne), les Etats européens renoncent à mentionner les symboles de l’Union dans le texte, retirant tous les éléments symboliques ou touchant à la souveraineté des Etats. Absents du corps du texte, ils ont toutefois été rattachés au traité via la Déclaration 52. Non obligatoire, celle-ci est signée par seize Etats européens dont quatre des six membres fondateurs. Ces derniers affirment que les symboles précités "continueront d'être, pour eux, les symboles de l'appartenance commune des citoyens à l'Union européenne et de leur lien avec celle-ci".

La non-reconnaissance française n’empêche pourtant pas certains politiques de mettre en avant ces signes de l’Union pour afficher leur adhésion aux idéaux européens. Le cas le plus emblématique est l’arrivée d’Emmanuel Macron au Louvres sur fond d’hymne européen le soir de sa victoire. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait également fait le choix de l’Ode à la joie lors du défilé du 14 juillet succédant à son élection.

Pour autant, la loi française n’impose pas l’affichage du drapeau européen sur ses bâtiments publics. Au contraire, d’après une circulaire de 2014 sur la célébration des fêtes nationales et commémoratives: "seul le drapeau tricolore doit être pavoisé, à l’exception du 9 mai, journée de l’Europe où la présence du drapeau européen est également obligatoire". Seule exception, depuis 2013, les écoles doivent apposer sur leur façade le drapeau tricolore et le drapeau européen.

Aujourd’hui, alors que le drapeau européen est visible partout, que l’euro circule dans toutes les mains et que de nombreuses fêtes de l’Europe sont organisées, la situation française est d’autant plus ambiguë. Pourtant cette question revêt toujours un caractère symbolique et politique fort que les critiques à propos du drapeau européen illustrent. Si Jean-Luc Mélenchon en est un exemple récent, déjà en 2010, Nicolas Dupont-Aignan avait posé une question à l’Assemblée nationale concernant la présence de ce drapeau lors de la célébration des fêtes nationales.

Prenant le contre-pied des critiques souverainistes, des avis favorables à l’adoption officielle de ces symboles se sont récemment fait entendre. A Berlin, le 11 mai dernier, Valéry Giscard d’Estaing, a justement lancé un appel au président de la République recommandant que la France reconnaisse les symboles de l’UE. Même appel du côté de la société civile avec le Mouvement Européen-France dont le président, Yves Bertoncini, a, pour l’occasion, porté le drapeau européen au sommet du Mont-Blanc.

Le gouvernement garde pour l’instant le silence. Un acte de reconnaissance serait en effet une main tendue à l’UE qui risque d’entrainer de vives réactions de la part de ses opposants. Il s’agirait pourtant de faire preuve de plus de cohérence et d’assumer ouvertement l’usage, déjà effectif, des symboles européens.

(Avec la contribution du Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)

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