Manifestation : un raté de l'exécutif signe de tensions
L'exécutif s'est offert un nouveau couac ce mercredi 22 en faisant volte-face au sujet de la manifestation anti-loi Travail, des atermoiements que certains attribuent à gauche à des tensions au sein de l'équipe gouvernementale sur la stratégie à suivre face aux syndicats.
Fin de matinée à l'Elysée: François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve se retrouvent, en marge du Conseil des ministres, pour tenter de trouver une sortie de crise, selon leurs entourages.
Deux heures plus tôt, la préfecture de police de Paris a annoncé l'interdiction de la manifestation prévue jeudi 23 par l'intersyndicale menée par la CGT et FO contre le controversé projet de loi Travail, une première depuis la tragique manifestation de 8 février 1962 au métro Charonne.
Les protestations politiques pleuvent de la gauche de la gauche au FN en passant par le PS. Les dirigeants syndicaux Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO) ont demandé à être reçus en urgence par M. Cazeneuve.
"En marge du Conseil des ministres, le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur se sont vus en convenant de proposer (à MM. Martinez et Mailly) un itinéraire extrêmement sécurisé, un parcours beaucoup plus facile à sécuriser", explique-t-on dans l'entourage de Manuel Valls.
En l’occurrence Bastille-Bastille, en faisant le tour du petit bassin de l'Arsenal, soit 1,6 kilomètre. Pas "statique" comme le souhaitait au départ le gouvernement, mais "pratiquement statique", résume une source gouvernementale. Une proposition acceptée par les syndicats, entraînant la levée de l'interdiction et un nouveau pataquès de communication.
L'exécutif n'aurait-il pas pu poursuivre les négociations sans annoncer d'interdiction? "C'est parce qu'il y a eu ce durcissement que les organisations syndicales sont revenues à la raison", affirme un conseiller. La CGT et FO sont "rincés. Il fallait faire un geste pour que les syndicats tiennent leurs troupes", analyse un conseiller gouvernemental.
Ou est-ce-que ces atermoiements masquent des désaccords au sommet de l'Etat - certains à gauche accusant Manuel Valls d'avoir été celui qui poussait trop en faveur de l'interdiction? Selon un député PS légitimiste, Hollande et Cazeneuve l'ont finalement emporté sur Valls.
François Hollande était sur une position "plus nuancée: fermeté avec menace pour faire plier mais pas interdiction sèche", explique un de ses proches. "Le petit jeu qui consiste à laisser penser qu'il y aurait eu une décision au sein de l'exécutif prise par le Premier ministre est une fausse question. Les décisions sont prises de manière collective", a démenti le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll après le Conseil des ministres.
"Tout a été fait ensemble" avec MM. Hollande et Cazeneuve pour que la manifestation puisse se tenir, a renchéri le Premier ministre lors de la séance des questions d'actualité à l'Assemblée.
L'entourage de François Hollande avait ajouté une certaine confusion, en affirmant mercredi matin que l'interdiction était "une décision de gestion opérationnelle de l'ordre public" incombant à la préfecture et que "l'arbitrage n'a(vait) pas été rendu par le président lui-même". Ce que certains ont pu interpréter, à tort selon l'Elysée, comme une prise de distance avec M. Valls.
Après le recours au 49-3 pour faire passer le texte en première lecture à l'Assemblée nationale, et le choix répété de ne pas céder à la fronde menée par la CGT, une interdiction aurait marqué une nouvelle crispation autour du dernier grand texte du quinquennat.
La CFDT, quoique soutien précieux du gouvernement sur la loi Travail, avait elle aussi "condamné" l'interdiction, s'ajoutant à l'émoi syndical. Au PS, les frondeurs ont tiré à boulets rouges, mais les critiques débordaient largement jusqu'aux légitimistes.
"Interdire la manifestation sur la loi Travail est une blessure démocratique et une provocation politique inutile", avait jugé l'ancien ministre Benoît Hamon. "Faute historique", fustigeait Christian Paul. "On aurait pu éviter cette montée de tension", a lâché le patron des députés PS, Bruno le Roux, soulignant que "la proposition par l'Etat de cet itinéraire avait été faite avant".
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