Présidentielle : Comment les candidats sont-ils remboursés de leurs frais de campagne ?

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction
Publié le 28 avril 2017 - 19:19
Mis à jour le 29 avril 2017 - 18:50
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Des Français votent à l'Ambassade de France à Tokyo le 23 avril 2017
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© Behrouz MEHRI / AFP
La barrière des 5% au premier tout permet de multiplier par 10 le niveau de remboursement.
© Behrouz MEHRI / AFP
Des scores des candidats à la présidentielle dépendent, outre le succès de leurs idée, le niveau de remboursement des frais de campagne. Quelques voix peuvent créer une différence vertigineuse, et les abus être punis comme le rappel Jean-Philippe Morel, avocat au Barreau de Djon et partenaire de "FranceSoir".

Les campagnes électorales ont un coût pour le budget de l’Etat, et donc pour les Français, qu'ils votent ou qu’ils s’abstiennent.

Le financement public des campagnes électorales et de la vie politique permet d'éviter, dans une certaine mesure, le lobbying des grands groupes qui pourraient financer la vie politique dans l'attente de renvois d'ascenseur, une fois l’élu aux responsabilités. La loi française fixe donc un cadre strict au financement électoral des campagnes politiques.

Il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, avant la loi du 11 mars 1988, aucun cadre légal précis n'existait vraiment. Depuis lors, à savoir depuis la campagne présidentielle de 1995, les candidats ne peuvent pas dépenser sans compter. Ils doivent également, au sens strict, "rendre des comptes".

Les dépenses d'une campagne électorale française sont sans commune mesure avec les dépenses que peut engendrer une campagne américaine. La somme faramineuse de 1,13 milliard de dollars a ainsi été dépensée par le candidat démocrate en 2012. Depuis 2010 et l’arrêt "Citizens United vs. Federal élection Commission", la Cour suprême américaine a rendu les financements quasiment illimités et ouverts aux entreprises.

En France le système de financement est différent de celui des États-Unis puisque les candidats ne peuvent pas dépenser sans limite: le plafond de dépenses, est fixé à 16,851 millions d’euros pour chacun des candidats présents au premier tour et à 22,509 millions pour ceux du second tour.

La volonté de moralisation de la vie politique a fixé depuis la loi du 19 janvier 1995 le principe de l'interdiction de financement électoral par les personnes morales, autres que les partis. Il est interdit aux sociétés commerciales de financer la vie politique. Seules les personnes physiques peuvent faire des dons et apporter des avantages en nature. Les dons des particuliers sont admis et limités à 4.600 euros par donateur, tout don égal ou supérieur à 150 euros doit être obligatoirement effectué par chèque, virement ou carte bancaire pour lutter contre le blanchiment.

Lors d’une campagne, "pour rentrer dans ses frais", tout candidat vise le Graal des 5%, le seuil de déclenchement des remboursements aux frais réels. Or seuls 5 candidats sur 11 ont dépassé le 23 avril 2017 les 5% des suffrages exprimés. Le candidat Nicolas Dupont-Aignan a approché ce seuil symbolique mais devra se contenter de 4,7% et ne pourra pas compter sur le remboursement total de ses frais de campagne.

Les candidats qui ont dépassé les 5% au premier tour de l'élection présidentielle pourront se faire rembourser plus jusqu’à un peu plus de 8 millions d'euros (8.004.225), soit 47,5% du montant maximal des dépenses électorales autorisées. Il va néanmoins de soi que l’État ne rembourse que les dépenses réalisés. Par exemple, si un candidat obtient plus de 5 % des suffrages et qu’il a dépensé moins de 8 millions euros, il ne lui sera remboursé que les frais qu’il a réellement engagés pour sa campagne électorale. Ceux qui n’ont pas atteint ce précieux seuil de 5% recevront jusqu’à 800.423 euros forfaitaires, dix fois moins.

Le financement public impose des contreparties de contrôle, à savoir la tenue d’un compte de campagne qui retrace très précisément l’origine des recettes et la nature des dépenses engagées. L’obligation de dépôt du compte de campagne ainsi que la présentation de ce compte par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés s’imposent à tous les candidats

Le candidat ne peut pas le gérer personnellement et doit nommer un mandataire financier chargé de cette tâche. Le compte doit ensuite être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La sanction d'une irrégularité liée au compte de campagne, même d'une particulière gravité (dépassement de plafond, dissimulation de recettes ou de dépenses électorales, ...), n'entraîne pas de sanction d'inéligibilité, mais le non remboursement.

On se souvient qu'en 2012 les comptes de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ont été rejetés par la Commission nationale des comptes et des financements politiques en raison du dépassement par le candidat du plafond des dépenses autorisées. Après son recours de cette décision auprès du Conseil constitutionnel, celui-ci a confirmé en juillet 2013 le rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, pour un dépassement de 2,1% (un peu plus de 466.000 euros) du plafond autorisé. Cette décision a privé mécaniquement l’UMP du remboursement par l’Etat de 10,6 millions d’euros de frais. L’ex-président a été tenu de verser au Trésor public le montant du dépassement des dépenses. L'UMP a alors lancé une "grande souscription nationale" le fameux  "Sarkothon".

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