Quels sont les motifs avancés par le Conseil constitutionnel pour valider l'essentiel de la réforme des retraites ? Explications
Vendredi 14 avril dernier, le Conseil constitutionnel a admis que la réforme des retraites passe par le biais d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale, en procédure accélérée et sans vote du Parlement. Seules quelques mesures émises par la droite sénatoriale ont été censurées. Le Conseil a également écarté une des deux propositions de référendum d’initiative partagée (RIP) présentée par la NUPES.
Quelques journalistes ont été autorisés à prendre connaissance de la décision en conférence de presse, qui s’est tenue sans micro ni caméra.
Le passage en force procédural est constitutionnel
L’âge légal de départ à la retraite est désormais porté à 64 ans, et la durée de cotisation sera de 43 ans dès 2027. Le projet de réforme comportait pourtant de sérieux griefs d’inconstitutionnalité, à commencer par la procédure utilisée pour le faire adopter. Le Conseil a bien remarqué le « caractère inhabituel » de cette dernière, mais ne l’a pas censurée pour autant.
En dehors de l’usage du célèbre article 49.3, le gouvernement a déployé cumulativement toutes les armes mises à sa disposition par la Constitution pour réduire le débat parlementaire. Il a notamment dégainé l’article 47.1, pourtant jamais utilisé depuis 1958. Ainsi, le texte a pu être transmis au Sénat vide des amendements proposés par les députés de l’Assemblée nationale. Une fois le texte arrivé en chambre haute, l’exécutif a activé l'article 44.3. Il a donc pu bloquer le vote des sénateurs sur les seuls amendements qu’il a choisi de retenir.
Cet enchaînement procédural a été rendu possible par l’effet de manche suivant : la réforme des retraites était comprise dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Là encore, le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à y redire.
La réforme des retraites a sa place dans une loi de financement, mais pas les améliorations sociales
Pourtant, le projet portait sur des principes fondamentaux du futur régime des retraites, et pas sur des questions budgétaires. Supprimer des régimes sociaux et fixer l’âge minimum légal de départ à la retraite relevaient apparemment du domaine de la loi dite « ordinaire » plutôt que de questions de financement, mais pas pour le Conseil constitutionnel.
En revanche, le Conseil a estimé que les amendements de sénateurs choisis par le gouvernement n’avaient rien à faire dans une telle loi. Si bien que toutes les propositions de la droite sénatoriale acceptées par la majorité devront être rediscutées au Parlement dans le cadre d’une autre loi. Il s’agit d’améliorations importantes du dispositif, qui concernent l’index senior, le CDI senior, certaines modalités de recouvrement des cotisations sociales, le départ anticipé de plusieurs catégories de fonctionnaires ou encore certains critères de pénibilités.
S’agissant des débats autour d’une loi de finance, le Conseil constitutionnel est habituellement attentif à un autre critère qui tombe sous le sens : sa budgétisation !
Or, le gouvernement n’a pas fourni d’étude d’impact précise quant aux motivations financières de la réforme, se justifiant tantôt par un besoin de rééquilibrer le régime des retraites, tantôt par la nécessité de dégager des fonds pour assurer la transition écologique. Ces inexactitudes n’ont toutefois pas constitué « des atteintes substantielles à la sincérité du débat parlementaire » aux yeux des « Sages ».
Une première demande de RIP rejetée
Enfin, les neufs conseillers ont rejeté une demande pour organiser un référendum d'initiative partagée (RIP). La NUPES l’avait saisi afin d’affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne pouvait excéder 62 ans.
Cette requête a recueilli le nombre de signatures nécessaires et son objet correspondait aux critères fixés par l’article 11 de la Constitution. Néanmoins, « à la date d'enregistrement de la saisine la proposition de loi visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n'emporte pas de changement de l'état du droit ».
L’institution a considéré que la question qui leur était posée ne constituait pas une réforme, puisqu’au jour de la demande, à savoir le 20 mars, la nouvelle loi n’était pas entrée en vigueur et que l’âge de départ à la retraite était toujours de 62 ans. Il faut déduire de ce raisonnement qu’il est donc impossible pour les citoyens de se prononcer sur une loi future.
Et comble de l’ironie, maintenant que la loi a été promulguée dans la nuit du 14 au 15 avril par le président de la République, il faut attendre au moins un an pour qu’une nouvelle demande de RIP soit recevable !
Néanmoins, une seconde demande de référendum, plus précise celle-ci, avait été déposée en parallèle le 13 avril, soit avant la promulgation de la loi. Le Conseil constitutionnel doit rendre son avis le 3 mai prochain. Restera-t-il sur sa position, si difficilement tenable ?
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