Attentats terroristes : l'Etat islamique poursuit ses menaces

Auteur:
 
Matteo Puxton, édité par la rédaction
Publié le 29 novembre 2017 - 18:18
Image
Capture d'écran du film de Daech "La poussière de la bataille".
Crédits
©Capture d'écran
Malgré ses revers en Syrie et en Irak, la propagande de l'EI tourne à plein régime.
©Capture d'écran
Malgré ses défaites en Syrie et en Irak, l'Etat islamique conserve une forte capacité de nuissance et ne manque pas d'appeler ses partisans du monde entier à commettre des attentats terroristes. Matteo Puxton, agrégé d'Histoire, spécialiste des questions de défense et observateur de référence du conflit irako-syrien, fait le point en partenariat avec "France-Soir" sur les dernières menaces proférées par la propagande djihadiste.

Le 10 novembre 2017, l'Etat islamique publie le n°105 de son journal hebdomadaire en arabe al-Naba -dont la parution continue, malgré le recul territorial de l'organisation. La dernière page de ce numéro (Source Aymenn Jawad Al-Tamimi) comprend une infographie donnant des conseils aux partisans du groupe terroriste pour commettre des attentats dans leur pays, en infligeant un maximum de dégâts avec le minimum de moyens. L'infographie, intitulée "Conseils aux moujahidine qui sont dans la demeure de l'ennemi", insiste sur l'idée qu'il ne faut pas commettre une attaque pour rechercher la gloire, mais bien pour servir Allah. L'EI conseille à ses partisans de ne rien laisser au hasard, de choisir les cibles qui causeront le plus de dégâts à l'adversaire, de peser la balance entre la sécurité de la planification et les résultats, d'avoir un plan de secours si le plan original est compromis, de prévoir une voie de repli en cas de problème, et de se retirer par un moyen sûr, ou sinon de tuer jusqu'à la mort.

Infographie parue dans le dernier numéro d'al-Naba, avec la Tour Eiffel et Paris en arrière-plan.

La disparition territoriale programmée de Daech ne signifie pas en effet, que la menace terroriste a disparu, bien au contraire. L'Etat islamique a anticipé la perte de son territoire et s'est préparé depuis plusieurs années à un retour à l'insurrection et au terrorisme, déjà acquis en Irak, et qui s'installe également en Syrie. Dans le n°101 d'al-Naba paru le 12 octobre dernier, l'organisation djihadiste dit noir sur blanc qu'il faut désormais repasser à l'insurrection (Source thenational.ae), mettant en parallèle sa situation actuelle avec celle de l'Etat islamique d'Irak en 2006-2007, affaibli par les coups de boutoirs de l'armée américaine et des milices du "Sahwat", incapable de mener un combat conventionnel, et obligé de se réfugier dans la clandestinité. Le déroulement des combats en Syrie et en Irak confirme cette posture. Depuis la chute de Raqqa, l'Etat islamique n'a pas défendu les agglomérations qu'il contrôlait encore avec des moyens conséquents (avec l'exception notable d'al-Bukamal): Deir Ezzor, Mayadin ou al-Qaïm sont tombées assez rapidement parce que l'organisation n'a pas voulu y perdre trop d'effectifs, ayant dépensé beaucoup de moyens pour défendre Mossoul puis Raqqa. En témoigne aussi le matériel conventionnel important (chars en particulier) abandonné aussi bien à Mayadin qu'à Deir Ezzor (photos à voir sur le compte Twitter de Mathieu Morant, le 19 octobre et le 6 novembre). Le groupe n'a plus l'utilité d'un matériel conventionnel fourni dans le cadre de ses tactiques actuelles. Les vidéos de propagande militaire confirment ce passage à une mode opératoire relevant davantage de l'insurrection que du combat semi-conventionnel que l'on voyait encore jusqu'en septembre en Syrie. L'Etat islamique pratique désormais ce qu'il appelle la nikaya, la guerre d'usure, où il va s'agir d'épuiser l'ennemi.

Reportage photo de la wilayat Diyala (Irak, nord-est de Bagdad) montrant la fabrication d'engins explosifs improvisés. L'EI retourne à l'insurrection: la fabrication et la pose d'IED en sont l'une des pratiques habituelles dans l'histoire du groupe.

Dans le dernier discours audio d'Abou Bakr al-Baghdadi publié le 28 septembre, le calife autoproclamé appelle les partisans de l'EI à intensifier leurs attaques dans leurs pays, à défaut de pouvoir rejoindre le théâtre syro-irakien ou les autres branches de l'organisation. Le 24 septembre 2017 (voir ici un article du site Historicoblog4), la wilayat al-Barkah (en Libye) publie une vidéo montrant notamment l'attaque d'un checkpoint en août, pendant laquelle un combattant djihadiste menace d'attentats les Etats-Unis, la France et l'Italie (lire ici).

En octobre, toute une série de posters insérés sur Telegram et les autres réseaux sociaux invitent à frapper la coupe du monde football en 2018 en Russie. Les menaces continuent en novembre, avec des images montrant le joueur Lionel Messi derrière des barreaux, pleurant des larmes de sang, ou Cristiano Ronaldo à genoux devant un bourreau de l'EI qui s'apprête à l'égorger, quand ce n'est pas Neymar. Le 31 octobre, Sayfullo Saipov, un Ouzbek émigré aux Etats-Unis, tue huit personnes et en blesse onze autres avec son camion à Manhattan. Peu avant dans la même journée, le centre médiatique francophone An-Nur de l'Etat islamique avait publié sur les réseaux sociaux un poster, traduit en différentes langues, appelant à frapper au moment d'Halloween. Après l'attentat, de nombreux posters célébrant l'attaque sont publiés et d'autres menacent encore les pays occidentaux (source memri.org).

Lire sur le même sujet: Attentat de New York: le terroriste présumé Sayfullo Saipov "satisfait " de son acte

Poster diffusé par le centre médiatique francophone An-Nûr de l'EI juste avant l'attentat à Manhattan.

Le 9 novembre, quelques jours avant le deuxième anniversaire des attentats de Paris, le groupe média pro-EI Al-Wafa diffuse un poster menaçant la France de nouvelles attaques. Le 14 novembre, le même groupe diffuse sur Telegram une image menaçant de frapper le Vatican pendant les fêtes de Noël. Les djihadistes s'adaptent aussi à la menace; le 15 novembre, après l'interpellation de huit personnes en France et en Suisse discutant sur Telegram pour préparer des attaques au nom de l'Etat islamique, les Français de l'organisation conseillent une chaîne Telegram pour discuter de la sécurité informatique et empêcher les infiltrations. Le 18 novembre, un nouveau poster du groupe terroriste montre un bourreau ayant décapité le pape François et menaçant explicitement les chrétiens.

Voir aussi: Opération antiterroriste: 10 interpellations en France et en Suisse

L'EI diffuse des menaces contre la coupe du monde football 2018 en Russie, mettant en scène des joueurs célèbres comme Ronaldo.

Outre les efforts de la propagande de l'EI pour inciter aux attentats, le récit de Quentin Sommerville et Riam Dalati pour la BBC à propos de l'accord qui a permis à des centaines de combattants djihadistes de quitter le dernier carré tenu par le groupe à Raqqa renforce l'idée selon laquelle la menace perdure, et pas seulement par le fait des partisans de l'Etat islamique passant à l'acte dans leurs pays respectifs (source BBC).

Une des dernières productions de la propagande de l'EI menace l'Italie, et le Vatican, pour Noël.

Dans ce récit figure Abou Basir al-Faransi, un combattant du groupe terroriste qui semble-t-il a quitté Raqqa avant l'accord, et peut-être même avant que les combats de rues n'aient commencé. Désormais réfugié à Idlib, ville située dans un territoire largement dominé par l'organisation djihadiste rivale, Hayat Tahrir al-Cham, il affirme que des Français ont quitté le territoire contrôlé par l'EI pour réaliser des attentats en France. L'affirmation est évidemment impossible à vérifier précisément, et pose question quant à son authenticité, mais il n'en demeure pas moins que la menace posée par les djihadistes français de Daech cherchant à revenir sur le territoire national est bien réelle.

Infographie en anglais sur les opérations de la province de Diyala de l'EI, en Irak, entre mai et novembre 2017. Cette province est repassée à l'insurrection dès 2016.

Le 15 novembre, une courte vidéo, non officielle, circule sur les chaînes Telegram de l'EI, montrant des sites emblématiques de Londres détruits par des attentats à la bombe. La page 2 du numéro 106 d'al-Naba, paru le 17 novembre, est une infographie consacrée aux attaques menées en dehors du territoire syro-irakien de l'EI en 2017.

La page 2 du n°106 d'al-Naba résume les attaques menées en dehors du territoire de l'EI cette année.

Si l'Etat islamique est en passe de perdre le territoire qu'il contrôlait en Irak et bientôt en Syrie, il n'en demeure pas moins que l'organisation conserve des capacités, et notamment celle d'influencer, à distance, des candidats aux actions terroristes. La propagande du groupe, bien qu'en déclin (source BBC), est toujours là. Pour le mois de novembre 2017, le groupe salafiste a encore mis en ligne sept vidéos militaires, soit une tous les trois à quatre jours en moyenne, le rythme reste donc soutenu.

À LIRE AUSSI

Image
Un membre des troupes d'élite irakiennes brandit un drapeau retourné de l'Etat islamique, le 1er jui
Djihad - Que reste-t-il du territoire de l'Etat islamique en Syrie et en Irak ?
Les défaites de l'Etat islamique s'accumulent en zone irako-syrienne depuis plusieurs mois, avec notamment les chutes des ses deux "capitales", Mossoul et Raqqa. Matte...
17 novembre 2017 - 15:20
Politique
Image
Un membre du groupe Etat islamique à Raqqa, le 29 juin 2014.
Les djihadistes français dans la propagande de l'Etat islamique : l'exemple de Macreme Abrougui
L'Etat islamique a récemment modifié sa propagande au sujet des djihadistes français, les mettant moins en avant. Matteo Puxton, agrégé d'Histoire, spécialiste des que...
02 octobre 2017 - 16:23
Politique
Image
Capture d'écran du film de Daech "La poussière de la bataille".
"Le djihad médiatique, c'est la moitié du djihad" : comment l'EI fait évoluer sa propagande en vidéos militaires
L'Etat islamique a marqué le conflit en Irak et en Syrie par sa capacité à publier des montages vidéos de bonne facture pour appuyer sa propagande. Mais les formats ha...
07 septembre 2017 - 16:41
Politique

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.