Canada : le président de la Chambre des communes démissionne, après le scandale de l'hommage rendu à un ancien Waffen-SS. Trudeau sur la sellette ?

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Gilles Gianni, France-Soir
Publié le 27 septembre 2023 - 16:30
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Rota
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Dave Chan / AFP
De gauche à droite, Zelensky, Trudeau et Rota au Parlement canadien des communes, le 22 septembre 2023, Canada.
Dave Chan / AFP

SCANDALE - Vendredi 22 septembre dernier, Volodymyr Zelensky est reçu au Parlement canadien, dans le cadre d'une tournée en Amérique du Nord. Sa visite officielle poursuit un objectif clair. Accompagné de Roustem Oumierov, son ministre de la Défense, le Président ukrainien doit persuader le Canada d'augmenter sa participation aux fonds occidentaux alloués à l'effort de guerre contre la Russie.

Et à cet égard, Zelensky peut compter sur le "soutien indéfectible" de Justin Trudeau. En effet, depuis le début des hostilités en 2022, le Premier ministre canadien a joint le geste à la parole. Il a notamment soutenu l'adoption d'une mesure d'aide financière à hauteur de 5 milliards de dollars à destination de l'Ukraine. De plus, du matériel militaire a été envoyé à hauteur de 2 milliards de dollars.

À l'occasion de cette visite officielle, ce sont 650 millions de dollars supplémentaires qui vont être versés à Kiev, ces trois prochaines années. S'y ajouteront des véhicules blindés et des formations destinées à l'entraînement de pilotes d'avion de type F-16. Après l'annonce en juin dernier des États-Unis de l'octroi d'une aide de 1,3 milliard de dollars, l'ancien humoriste et acteur de la série "Serviteur du peuple", devenu politique, peut s'avouer satisfait. Volodymyr Zelensky se déclare "reconnaissant au gouvernement canadien et à l’ensemble du peuple canadien pour leur soutien sincère et puissant".

Terrible erreur 

Cette tournée s'achève cependant sur une grave fausse note. Le président de la Chambre canadienne des communes, Anthony Rota, qui accueillait à Ottawa Volodymyr Zelensky en compagnie de Justin Trudeau, a voulu faire, à sa demande, ovationner un vétéran présent au Parlement. Mais pas n'importe quel vétéran : il s'agit de Yaroslav Hunka (98 ans), un ancien membre du corps armé de la 14e division d'infanterie de la SS durant la Seconde guerre mondiale. Une division de la Waffen-SS qui est de facto reliée au parti nazi.

Une partie de la biographie de l'ancien soldat a été manifestement oblitérée, au profit d'une présentation pour le moins réductrice de son parcours. Hunka est décrit "seulement" comme un opposant farouche à l'armée russe, qui a lutté avant tout pour l'indépendance de l'Ukraine. Si Hunka a combattu l'Armée rouge sur le front de l'Est, la doctrine nazie au sein des rangs de cette "Division Galizien" ne fait aucun doute par ailleurs sur le plan historique. Et plusieurs sources détaillent les crimes contre l'humanité de cette branche armée appartenant au Troisième Reich. Malgré le caractère hautement condamnable de cette affiliation, par ce qu'elle représente, c'est l'ensemble des parlementaires, en compagnie de Trudeau et de Zelensky, qui a applaudi Yaroslav Hunka. Pour saluer ce dernier, le président de l'Ukraine a même brandi son poing pour l'occasion.

Réactions outrées

Les réactions de la communauté juive ont été outrées. Selon le journal américain Forward, Hunka a rédigé en 2010 sur son blog personnel un billet dans lequel il présente les années de 1941 à 1943 comme "les plus heureuses de sa vie". Des années durant lesquelles le pire s'est produit aux dépens de la communauté juive.

Sur son compte X-Twitter, la principale organisation américaine non partisane de lutte contre l'antisémitisme "Stop Antisemitism" a fermement condamné cette célébration très déplacée, en qualifiant Yaroslav Hunka de "monstre".

Au Canada, un pays qui se compose d'une importante diaspora ukrainienne, plusieurs associations juives essayent depuis plusieurs années de faire retirer divers monuments consacrés à des personnages présentés comme des "héros nationalistes antisoviétiques". Sans réel succès. Pourtant, certains d'entre eux ont collaboré activement à l'époque avec le régime nazi.

Pas d'excuses de Trudeau

Justin Trudeau n'a pas présenté d'excuses personnelles, à cette heure. "C’est profondément gênant pour le Parlement du Canada et par extension pour tous les Canadiens", a-t-il simplement déclaré, en se contentant de relayer les excuses émises par le président de la Chambre des communes qui "a pris la responsabilité" de cet hommage qui a présenté Hunka comme "un héros". Hier mardi 26 septembre, Anthony Rota a finalement démissionné de son poste. L'ensemble des partis politiques canadiens appelaient à cette décision, du leader conservateur Pierre Poilievre, jusqu'aux libéraux.

Poilievre exige aujourd'hui sur la chaîne CPAC des excuses de la part du Premier ministre Trudeau en personne. Selon lui, ce dernier doit assumer "la responsabilité de cet échec retentissant" qui pointe "sa négligence personnelle". 

De son côté, face au scandale qui prend de l'ampleur, le premier ministre du Canada, après avoir condamné un "hommage inacceptable" et "gênant", essaye de faire oublier ses propres applaudissements. À ses yeux, l'appui de son pays à l'Ukraine demeure l'élément essentiel : "L'important dans tout cela, c'est qu'on va continuer de rester ferme contre la Russie, contre la propagande et la désinformation russe", a-t-il affirmé.

Quoi qu'il en soit, personne à la tête de l'exécutif canadien ne semble s'être préoccupé de l'information relative à l'insoutenable passé de Yaroslav Hunka.

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