Au sommet UE-Amérique Latine, les deux blocs divergent à propos de la Russie et la guerre en Ukraine

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France-Soir
Publié le 24 juillet 2023 - 09:30
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Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'exprime lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet UE-CELAC, le 18 juillet dernier, à Bruxelles.
Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP

GÉOPOLITIQUE - Les pays de l’Union européenne (UE) ont échoué à faire condamner la Russie dans la déclaration finale du sommet UE-Amérique latine, qui s’est déroulé le 17 et 18 juillet dernier à Bruxelles (Belgique). Face à des Européens déterminés à récolter le maximum de soutiens contre Moscou, les 33 pays latino-américains n’ont pas affiché une position commune sur l’invasion russe de l’Ukraine, refusant de voir ce sujet accaparer les discussions. La question des réparations de la traite des esclaves, autre point de discorde dans les négociations, n’a pas non plus été intégrée dans la déclaration finale comme demandée par les États des Caraïbes.  

Il s’agit du troisième sommet entre les États de l'UE et de la Communauté d'États latino-américains et des Caraïbes (CELAC). Le dernier remonte à huit ans, c’est-à-dire à 2015. Les Européens espéraient rattraper le “temps perdu” avec une zone “abandonnée” au profit de la Chine et de la Russie mais le sommet, qui devait servir à l’UE à “retrouver de vieux amis” et “renforcer son partenariat” avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, a surtout fait les gros titres des journaux en raison des divergences entre les deux blocs à propos de la guerre en Ukraine.  

Lors de leur réunion lundi et mardi à Bruxelles, les Européens et les Latino-américains ont remis le sujet sur la table des discussions, ignorant la frustration de certains dirigeants de la CELAC face à l’insistance européenne. Les pays de l’UE entendaient ouvertement condamner dans la déclaration finale l’invasion russe de l’Ukraine mais les 33 pays latino-américains n’ont pas une position commune sur la question.  

Le Nicaragua inflexible 

"Nous avons besoin de nos amis proches à nos côtés en ces périodes d'incertitudes", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, peu avant le début du sommet. Charles Michel, président du Conseil européen, a de son côté affirmé au début de la réunion que “la guerre illégale menée par la Russie est une tragédie pour l’Ukraine et pour le monde”. L’insistance des pays européens et les déclarations de leurs dirigeants ont vraisemblablement convaincu la majorité des dirigeants latino-américains, sauf un pays, à savoir le Nicaragua.  

C’est le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar (ancien Young Global Leader) qui a révélé lundi soir que “presque tous les pays de l'UE, d'Amérique latine et des Caraïbes” étaient prêts à signer “un texte soutenant clairement l'Ukraine dans sa lutte pour l'indépendance et la liberté”, à part “un ou deux récalcitrants”. Il valait mieux “n'avoir aucune déclaration conjointe plutôt qu'une formulation qui ne veut rien dire”, a-t-il fustigé. 

Une information confirmée par le président français, Emmanuel Macron, qui a ajouté que "tous les membres sélectionnés sont alignés sauf le Nicaragua (...) Je respecte le processus interne de ne pas mettre en minorité un seul membre”. Selon d’autres sources, Cuba et le Venezuela se sont également opposés à l’adoption d’un texte condamnant la Russie. Mateusz Morawiecki, Premier ministre polonais, s’est montré plus compréhensif à l’égard des pays latino-américains, qualifiant la Russie “d’empire colonial”. “Ici, en Europe, c'est difficile à imaginer mais en Amérique latine la Russie est présentée comme un pays pacifique qui a été agressé par l'Otan”, a-t-il commenté. “Je dirais que, de par sa politique agressive, la Russie poursuit une politique colonialiste et c’est un empire colonial”, a-t-il ajouté. 

La position européenne est partagée par le ministre chilien des Affaires étrangères, Alberto Van Klaveren, qui a vite écarté un possible accord entre les deux blocs. “Nous sommes très surpris qu'il y ait des membres de notre groupe qui s'opposent à une résolution sur la guerre en Ukraine. C'est une guerre d'agression”, a-t-il dit. 

Des positions qui ont fait réagir le Premier ministre de Saint-Vincent et les Grenadines, Ralph Gonsalves, actuellement président de la CELAC. "Je peux comprendre que les États membres de l'Union européenne soient préoccupés par la situation en Ukraine. Mais ce sommet ne doit pas devenir un nouveau champ de bataille inutile pour les discours sur cette question", a-t-il justifié. 

L’UE investit 45 milliards dans la région latino-américaine 

10 jours avant la tenue du sommet, l’Union européenne a proposé un texte initial de la déclaration comportant plusieurs paragraphes de soutien à l’Ukraine. Les pays d’Amérique centrale et latine ont rejeté les propositions de l’UE, suggérant une contre-proposition de texte évoquant les réparations coloniales de la traite des esclaves. “Le texte sur l’Ukraine était très équilibré”, a affirmé un diplomate européen. Mais les États membres de la CELAC “ont supprimé tout ce qui concernait l’Ukraine”. 

Les négociations durant le sommet n’ont pas abouti à l’objectif désiré par les Européens, celui de faire condamner la Russie. La déclaration finale a ainsi été adoptée par 59 des 60 pays, qui se sont mis d’accord sur un texte exprimant une “profonde inquiétude face à la guerre en cours contre l’Ukraine”, sans mentionner le rôle de la Russie. “Nous exprimons notre profonde inquiétude face à la guerre en cours contre l’Ukraine, qui continue de causer d’immenses souffrances humaines et exacerbe les fragilités existantes dans l’économie mondiale (...) En ce sens, nous soutenons la nécessité d’une paix juste et durable”, peut-on lire. 

Une déclaration tout de même saluée par Olaf Scholz, chancelier allemand. “Il est remarquable que nous ayons trouvé une formulation qui puisse rallier un grand nombre de personnes, ce que nous n’attendions peut-être pas dans le passé (...) J’ai l’impression qu’il y a un changement au niveau mondial. La Russie montre de plus en plus qu’elle a des intérêts impérialistes”, a-t-il indiqué. 

La question de la réparation de la traite des esclaves ne figure pas non plus dans la déclaration commune, qui évoque juste “la reconnaissance” et le “profond regret” des “souffrances indicibles infligées à des millions d’hommes, de femmes et d’enfants du fait de la traite transatlantique des esclaves”.  

Ce sommet a aussi été l’occasion pour l’UE d’annoncer, par la voix de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, un investissement de 45 milliards d'euros dans l'économie de la région latino-américaine, dans le cadre de la stratégie "Global Gateway", qui constitue une réponse européenne au programme chinois des "Nouvelles routes de la soie". Plusieurs accords ont été signés entre les pays des deux blocs. Le prochain sommet UE-Amérique Latine aura lieu en 2025, en Colombie. 

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