L’Union européenne envisage-t-elle de rendre son règlement sur l’intelligence artificielle plus restrictif ?

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France-Soir
Publié le 12 octobre 2023 - 13:06
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F. Froger/Z9 pour France-Soir
Alertée par des experts concernant l'IA, VDL s'inquiète d'un risque d’extinction de l’humanité.
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MONDE - Adopté par le Parlement européen en juin, le règlement sur l’intelligence artificielle (Artificial Intelligence Act) est actuellement examiné par la Commission européenne et le Conseil européen. Selon Bloomberg, les négociateurs européens envisagent de renforcer la réglementation pour cibler particulièrement les géants du secteur, à l’image de GPT-4 de la startup OpenAi ou encore Llama2 du groupe Meta (maison mère de Facebook, NDLR). Si la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen estime que le risque d’une prolifération de l’IA est égal à “d’autres risques menaçant la société tout entière, comme les pandémies et la guerre nucléaire”, les entreprises s’inquiètent d’une législation très restrictive.

Le règlement européen sur l’intelligence artificielle prévoit une obligation pour les sociétés d’évaluer les risques de leurs solutions et d’étiqueter les contenus générés par l’IA (images, vidéos, etc.) ainsi qu’une interdiction des “usages intrusifs et discriminatoires” de l’IA comme les systèmes d’identification biométrique. Les systèmes d’intelligence artificielle seront également classés selon un niveau des risques, allant de “minime” à “inacceptable” s’ils présentent “un préjudice significatif pour la santé, la sécurité, les droits fondamentaux des personnes ou l'environnement”.

L’UE veut un texte plus strict malgré les inquiétudes

Le texte a été adopté le 14 juin 2023 par une écrasante majorité du Parlement européen et doit désormais être examiné par la Commission et le Conseil européen. L’interdiction de l’identification biométrique est l’une des principales divergences entre le Parlement et les autres institutions, puisque la version proposée par la Commission européenne en 2021 ouvrait la voie à cette pratique avant que les eurodéputés ne l’interdisent. Une telle pratique rappelle, aux yeux de beaucoup, la vidéosurveillance de masse et le système de crédit social chinois.

En juillet, les dirigeants de 150 entreprises européennes, dont des sociétés françaises comme Airbus, Blablacar, Capgemini ou encore Ubisoft ont effectivement signé une lettre ouverte mettant en garde contre les conséquences de l’AI Act.

L’appel de la sphère économique est-il tombé dans l’oreille d’un sourd ? Selon l’agence de presse Bloomberg, spécialisée dans l’information financière et économique, les représentants de l’Union européenne envisagent des contraintes supplémentaires. Celles-ci visent spécialement les géants de l’intelligence artificielle sans concerner les nouvelles startups.

“Des centaines de développeurs, d’universitaires et d’experts de premier plan dans le domaine de l’IA ont alerté sur le risque d’extinction de l’humanité, justifie Ursula von der Leyen. De l’avis de la présidente de la Commission, réduire les risques de l’IA “devrait être une priorité mondiale, au même titre que d’autres risques menaçant la société, comme les pandémies et la guerre nucléaire”.

Bloomberg souligne que le projet est préliminaire et n’a pas encore été formalisé par écrit. Il est précisé que cette approche pourrait être semblable à celle du Digital Services Act (DSA), entré en vigueur en août 2023. Les plateformes et les sites Web doivent, sans exception, prendre des mesures pour protéger les données des utilisateurs et surveiller les activités illégales, mais les géants de la tech comme Alphabet (maison mère de Google), Meta, AliExpress et TikTok sont soumis à des contrôles plus stricts.

Ces derniers doivent être capables “d’analyser tous les ans les risques systémiques qu'elles génèrent” comme la propagation de haine et de la violence en ligne, et de prendre les mesures nécessaires pour les atténuer.

La course à la normalisation

Les négociations en cours au sein de l’Europe sont aussi appréhendées par des entreprises françaises et allemandes. Dans une lettre ouverte, Bitkom et Numeum, deux associations représentant les intérêts de plus de 5 000 entreprises du secteur des nouvelles technologies dans les deux pays, ont appelé les législateurs à maintenir une “approche fondée sur les risques afin de garantir que l’Union européenne renforce la compétitivité et le potentiel d’innovation” afin de ne pas se faire dépasser par les Américains et les Chinois.

Une fois entré en vigueur, l’AI Act devrait être le premier règlement à être mis en place par un gouvernement occidental. Il s’agit bien d’une course contre-la-montre puisque la Chine, de son côté, a déjà promulgué ses réglementations en août 2023. “Le pire scénario serait une Europe qui investit beaucoup moins que les Américains et les Chinois”, a déclaré le président de la République Emmanuel Macron en réponse aux préoccupations des grandes entreprises face à une réglementation trop sévère.

Les deux premières puissances, dont la rivalité économique et militaire s'étend désormais à la technologie, sont déjà en concurrence dans la normalisation de l’IA. En juin, Washington a d’ailleurs réintégré l’UNESCO cinq années après avoir claqué la porte, pour contrecarrer l’influence de Pékin, devenue premier contributeur de l’agence onusienne depuis le départ des Etats-Unis.

L’Oncle Sam s’est également rallié à l’UE pour mettre en œuvre un "code de conduite" commun, afin d’éviter que des standards chinois ne soient adoptés à travers le monde. Le Vieux Continent souhaite, par la même occasion, se rapprocher du Japon et Tokyo devrait proposer, lors d’un futur sommet du G7, un code de conduite commun.

L’intelligence artificielle suscite également l’inquiétude au Royaume-Uni et les politiciens ont exprimé fin juillet leur crainte d’une “prise de contrôle” par l’IA et leur remplacement par “des bots avec une connaissance plus approfondie, une productivité plus élevée et des coûts de fonctionnement inférieurs”.

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