Syrie : un "crématorium" pour cacher des "meurtres", d'après les Etats-Unis

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 15 mai 2017 - 19:56
Mis à jour le 17 mai 2017 - 17:10
Image
Une image satellite du complexe pénitentiaire de Saydnaya, au nord de Damas, diffusée le 7 février 2
Crédits
© Handout / CNES/AFP
Une image satellite du complexe pénitentiaire de Saydnaya, au nord de Damas, diffusée le 7 février 2017 par Amnesty International
© Handout / CNES/AFP

Les Etats-Unis ont accusé lundi la Syrie d'avoir brûlé dans un "crématorium" une partie des milliers de prisonniers assassinés ces dernières années et ont exhorté la Russie à faire pression sur son allié pour qu'il mette fin à ces "meurtres de masse".

Le département d'Etat a voulu frapper les esprits en dévoilant des photos satellites "déclassifiées" de ce qu'il affirme être le tristement célèbre complexe pénitentiaire de Saydnaya, au nord de Damas.

Sur ces clichés datés d'avril 2017, d'avril 2016, de janvier 2015 et d'août 2013, on voit des bâtiments, dont l'un est légendé "prison principale" et l'autre "probable crématorium".

"Nous pensons que la construction d'un crématorium est une tentative pour dissimuler l'étendue des meurtres de masse perpétrés à Saydnaya", a accusé le secrétaire d'Etat adjoint pour le Moyen-Orient, Stuart Jones.

- 'Neige fondue' -

Sur une photo de janvier 2015, la légende "neige fondue sur une partie du toit" attesterait, selon le diplomate américain, de l'existence d'un "crématorium installé par le régime syrien".

Ces allégations relaient un rapport, photos satellites à l'appui, qu'avait publié en février Amnesty International.

L'organisation des droits de l'homme accusait le régime syrien d'avoir pendu 13.000 personnes entre 2011 et 2015 dans cette prison de Saydnaya et dénonçait une "politique d'extermination" constituant des "crimes de guerre et crimes contre l'humanité".

Amnesty n'avait cependant pas évoqué de "crématorium" et Damas avait contesté un rapport "totalement faux".

D'après M. Jones, "le régime syrien avait commencé en 2013 à modifier un bâtiment au sein du complexe de Saydnaya pour (en faire) ce que nous pensons être un crématorium".

Citant Amnesty, il a estimé qu'"entre 5.000 et 11.000 personnes avaient été tuées à Saydnaya entre 2011 et 2015", soit "50 meurtres par jour". Il n'a toutefois pas pu dire si le "crématorium" était toujours en service.

Ces accusations surviennent après la visite le 10 mai à la Maison Blanche et au département d'Etat du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, dont le pays est l'allié militaire de la Syrie.

"Le secrétaire d'Etat (Rex) Tillerson a été ferme et clair avec le ministre Lavrov: la Russie a une énorme influence sur (le président) Bachar al-Assad", a martelé la porte-parole du département d'Etat Heather Nauert. L'Américain a demandé au Russe que Moscou "contienne" Damas.

M. Jones n'est pas allé jusqu'à accuser la Russie d'être complice des "crimes de masse" perpétrés précisément à Saydnaya.

Mais il a rappelé que "les Etats-Unis avaient exprimé maintes fois leur consternation devant les atrocités commises par le régime syrien".

- 'Soutien inconditionnel russe' -

"Ces atrocités ont été perpétrées, semble-t-il, avec le soutien inconditionnel de la Russie et de l'Iran", a condamné le diplomate.

Après avoir vu mercredi le président Donald Trump, M. Lavrov s'était félicité d'une "compréhension mutuelle" et d'une volonté de "coopérer" entre deux puissances aux relations exécrables depuis 2012, notamment en raison du conflit syrien.

La guerre a fait depuis mars 2011 plus de 320.000 morts - même "plus de 400.000", a dit M. Jones en citant l'ONU -, déplacé plus de la moitié de la population et provoqué la fuite de millions de réfugiés.

Depuis six ans, ni Washington, soutien de l'opposition, ni Moscou, allié du régime, n'ont réussi à s'entendre pour faire cesser les massacres.

A la fin de la présidence de Barack Obama (2009-2017), les Etats-Unis s'étaient même mis en retrait du processus diplomatique et avaient laissé la Russie prendre la main.

Ainsi, dans le cadre de cycles de discussions au Kazakhstan, la Russie, la Turquie et l'Iran se sont entendus début mai sur la création de quatre "zones de désescalade" et des "zones de sécurité" censées faire baisser les violences.

Le département d'Etat se dit "sceptique" et préfère "soutenir" le processus de Genève de négociations indirectes entre le régime syrien et l'opposition sous l'égide de l'ONU. Ces pourparlers reprennent mardi mais sans grand espoir.

Le chef de la délégation de l'opposition, Nasr al-Hariri, a d'ailleurs jugé que le "crématorium" n'était qu'"une goutte d'eau dans la mer" et que "ce qui se passe dans les prisons du régime est bien plus atroce".

De son côté, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme a dit ne "pas (avoir) d'informations prouvant qu'il y a eu crémation". Mais "il y a un grand nombre de détenus qui ont été et qui sont toujours exécutés chaque jour à Saydnaya".

Cela poussera-t-il Donald Trump à réagir comme lorsqu'il a fait bombarder début avril une base militaire syrienne ?

"Quand il sera prêt à agir, il le communiquera à tout le monde", a éludé son porte-parole Sean Spicer.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Kamala Harris
Kamala Harris, ou comment passer de la reine de la justice californienne à valet par défaut
PORTRAIT CRACHE - Samedi 27 juillet, la vice-présidente américaine Kamala Harris a officialisé sa candidature à la présidence des États-Unis, une semaine après le retr...
03 août 2024 - 12:49
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.