Annuler la dette ? Des économistes croient au Père Noël
Annulons la dette. Pour sortir du marasme dans lequel nous pataugeons depuis l’irruption du coronavirus, annulons la dette. C’est ce que clament et réclament plusieurs économistes ayant pignon sur rue. On ne les citera pas, car ils font très bien leur propre pub.
Mais de quelle dette s’agit-il ? De celle que le commun des mortels a souscrit pour acheter un appartement, une voiture, une machine à laver, un vélo électrique ? Bien sûr que non ! S’agit-il alors de ces sommes empruntées pour maintenir en vie une entreprise ruinée par la pandémie ? Encore moins ? Est-il question de ces ménages qui errent de découvert en découvert pour seulement payer leurs loyers, leur eau-gaz-électricité ? Pas davantage.
Les dettes qu’il s’agit d’annuler, ce sont celles de l’Etat. Ni vous ni moi. L’Etat avec un grand E. La Dette Publique. Avec un D et un E majuscules.
L’argument massue pour un tel tour de passe-passe, c’est que les gens ne sont pas stupides. Ils savent d’intuition 1) qu’un jour ou l’autre il faudra rembourser cette dette, 2) que ça ne pourra se faire que par une augmentation des impôts, et 3) que la perspective de cette nouvelle pression fiscale dans un pays déjà champion dans ce domaine, va décourager d’entreprendre quoi que ce soit. Or il nous faut absolument de la croissance pour réduire le poids de la dette. Car ce qui compte, nous disent ces bons apôtres, c’est le rapport de la dette publique à la richesse nationale (le PIB[1]), Produit Intérieur Brut). Soit !
A cause du virus, ce rapport est passé de quelques mois de 100% à 120% du PIB. Et Macron va terminer son quinquennat à 130, 140 voire 150 %. Un record absolu !
Du reste, cette explosion de la dette publique causée par la lutte contre les effets délétères du virus n’a-t-il pas ridiculisé un peu plus les tenants de l’orthodoxie budgétaire ? En quelques mois, le poids de la dette publique a augmenté de 20%. Où est le drame ? Les taux d’intérêt sont restés proches de zéro.
Mais cet argument se retourne contre les avocats de l’annulation de la dette publique. Pourquoi annuler une dette qui ne coûte rien ? Pourquoi annuler une dette que l’on peut renouveler indéfiniment par de nouveaux emprunts[2] sans hausse des taux ? Pourquoi risquer, par cette annulation même, la hausse des taux que les prêteurs exigeront immanquablement d’un Etat qui ne respecte pas sa propre signature ?
Un jour ou l’autre, sachons-le, les taux d’intérêt remonteront. Et ce sera très très douloureux pour les Etats impécunieux. Raison de plus pour ne pas précipiter ce moment fatidique
Il est vrai que la magie monétaire avec laquelle on veut nous hypnotiser aujourd'hui ne date pas de l’irruption du méchant virus qui nous gâche la vie pour de longs. Depuis la précédente « grande crise », celle de 2008, la Banque Centrale Européenne n’a fait que suivre, avec plus ou moins de retard, le mauvais exemple du Système de Réserve Fédérale des Etats-Unis en rachetant des dettes publiques, violant ses propres statuts.
Toutefois, les pays membres de l’Union européenne ne sont pas égaux quant à la capacité à répondre aux conséquences financières de la pandémie. Pour l’ensemble de l’année 2020, l’Allemagne aura émis 430 milliards d’euros de dette, la France 280 milliards, l’Italie 180 seulement et la Grèce rien du tout. Autrement dit, les pays-fourmis sont moins démunis que les pays-cigales pour affronter cet affreux hiver…
[1] Produit Intérieur Brut
[2] Ce que l’on appelle « rouler la dette » dans le jargon poétique des financiers.
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