Steaks contaminés par E.coli : la culpabilité de parents pourtant innocents

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Par AFP
Publié le 07 juin 2017 - 15:16
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Photo prise le 15 juin 2011 à Lille de l'entrée du service des urgences du CHU, où quatre enfants on
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
Deux responsables de la société fournisseuse de Lidl, SEB, sont jugés de mardi à jeudi notamment pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité".
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Nuire gravement à la santé de son enfant en le nourrissant: plusieurs parents ont exprimé, mercredi devant le tribunal correctionnel de Douai (Nord), la culpabilité qui les a rongés après les graves maladies contractées en juin 2011 à cause des steaks contaminés à la bactérie E.coli, achetés chez Lidl.

"Même si mon cerveau me dit que j'ai pas fabriqué ces steaks, mon coeur, lui, me dit que je les ai donnés à manger à mon enfant", lâche une mère, Lydie, à la barre.

Comme son fils, une quinzaine d'enfants, originaires des Hauts-de-France et à l'époque âgés de sept mois à huit ans, ont développé des syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) et leurs conséquences graves sur les reins, à cause de la bactérie E.coli0157H7, variante dangereuse de l'E.coli.

Deux responsables de la société fournisseuse de Lidl, SEB, sont jugés de mardi à jeudi notamment pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité".

Le procès sera l'occasion pour Lydie de trouver "d'autres coupables que moi, car j'ai trop culpabilisé", souffle-t-elle.

Priscilla, la mère de Nolan, petit garçon paralysé dès ses deux ans à 90% et handicapé mental, a vécu le même type d'enfer moral: "On lui donne à manger, on n'imagine pas que ce steak haché pourrait mettre sa vie en danger. J'ai culpabilisé en me disant que c'était ma faute, parce que j'ai nourri mon fils. J'en ai pris plein la tête par des gens méchants".

"C'est nous qui avons cuit le steak, qui l'avons nourri", abonde Angélique, la mère du petit Evan. La viande industrielle est devenue son cauchemar: "On ne mange plus de boeuf. Et je n'en peux plus de voir les steaks hachés dans les congélateurs des magasins".

"Si ces steaks hachés (congelés) pouvaient ne plus être en vente, je serais heureuse", s'exclame Priscilla. "Mais ça continue, on a l'impression que c'est pas grave, on s'en moque, ça les touche pas eux, c'est juste des familles", poursuit-elle dans une charge contre la filière bovine.

- 'Votre quotidien va changer'-

La mère de Nolan s'en est prise ensuite à la société SEB, dont les deux dirigeants poursuivis ont décidé, entre autres manquements, de ne pas conduire d'analyse spécifique à la souche 0157H7 alors que les lots de steaks mis en cause présentaient un important taux de bactérie E.coli.

"Mon fils sera handicapé lourd toute sa vie, par cette négligence" consistant à penser que "ces viandes remplies de bactéries (...), peut-être ça fera quelque chose, peut-être rien", a-t-elle dit. Le souvenir de Nolan, présent la veille dans son fauteuil roulant, émettant parfois de légers râles, est revenu hanter l'assistance.

Les parents ont décrit tour à tour, à la barre, le supplice de leur enfant aux premiers jours de leur maladie.

Le témoignage de Priscilla, trémolos dans la voix, résumait toute leur détresse: "Quand on a mis Nolan sous perfusion, je suis restée près de lui, impuissante, à le regarder souffrir toute la nuit, jusqu'à un moment où il est devenu bleu et n'a plus parlé".

Le lendemain, "on nous a dit de faire un choix: laisser partir notre enfant ou le faire vivre à travers les machines", raconte-t-elle. "La neurologue m'a dit:+Votre fils aujourd'hui c'est un légume, il ne mangera plus, il faudra une voiture, une maison spécifiques, votre quotidien va changer, ça va être dur+".

Après quoi Guy Lamorlette, 76 ans, l'ex-PDG de SEB poursuivi, a répondu, interrogé par la présidente: "On ne peut rien ajouter à ça. C'est vrai que c'est dramatique. Mais qu'ils pensent qu'on a fait ça volontairement, non". Le dirigeant a repris ensuite son argumentaire pointilleux sur certains détails techniques de l'affaire, ses circonvolutions étudiées trahissant sa conviction d'être innocent.

"Sans limites", "d'une infinie lâcheté": les avocats des parties civiles n'avaient ensuite pas de mots assez forts pour traduire les sentiments de leurs clients, écoeurés sur leurs bancs.

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