Un tribunal espagnol suspend Telegram suite à une plainte liée aux droits d’auteurs puis annule son ordonnance
Un juge espagnol qui a décidé de suspendre le blocage de Telegram sur le territoire espagnol a fait volte-face. L’application de messagerie instantanée est accusée par plusieurs médias comme Mediaset, Atresmedia, Movistar et Egeda, de diffuser des contenus protégés par le droit d'auteur sans l'autorisation des créateurs. Après avoir décidé de suspendre temporairement Telegram faute d’une réponse de la part des autorités des îles Vierges, où est domiciliée la maison mère de la messagerie, le magistrat de l’Audience Nationale (un tribunal espagnol, NDLR) est revenu sur sa décision “disproportionnée”, demandant à la police un rapport sur l’impact d’une telle mesure sur les usagers.
Suite à une plainte de plusieurs groupes de médias audiovisuels, à savoir Atresmedia, Mediaset, Movistar et Egeda (société représentant les ayant-droits du foot espagnol, de Mediapro et de Movistar Plus+, NDLR) pour violation des droits de la propriété intellectuelle, le juge Santiago Pedraz a décidé, vendredi dernier, de suspendre temporairement Telegram.
Silence radio chez Telegram et les îles Vierges
Dans son ordonnance, le magistrat accordait un délai de 3H aux opérateurs de télécommunications et fournisseurs d’accès à Internet en Espagne pour appliquer cette “suspension temporaire”. Il justifiait sa décision par l’absence de réponse de la part des autorités des îles Vierges britanniques, où est domiciliée la société qui gère l’application de messagerie instantanée.
Les autorités des îles devaient fournir au juge espagnol “certaines données techniques”, qui permettraient “d’identifier les propriétaires” de comptes ou de canaux qui diffusent les vidéos des chaînes de télévisions plaignantes. “Le manque de coopération des autorités des îles Vierges, à qui il est seulement demandé de communiquer avec les responsables de Telegram, signifie que les mesures conservatoires doivent être adoptées”, a-t-il décidé en fin de semaine dernière. Idem chez Telegram: silence radio.
L’application était tout de même accessible le weekend, mais le magistrat de l’Audience nationale a vite été la cible de critiques de la part d’associations de protection de consommateurs. Facua, une de ces ONG, a alerté contre les “énormes dommages” qu’une suspension pourrait provoquer “aux millions d’utilisateurs”. “C'est comme s'ils fermaient Internet parce qu'il y a des sites qui hébergent illégalement des contenus protégés par le droit d'auteur”, estime son secrétaire général, Rubén Sánchez.
Hier, lundi 25 mars, Santiago Pedraz a fait volte-face. Son ordonnance est annulée. Le juge qualifie sa décision de “mesure excessive et non proportionnée”, qui fait fi des conséquences de cette suspension sur les utilisateurs. Dans la foulée, il a chargé le bureau d’information générale de la police de rédiger un rapport sur Telegram. Il est notamment question de l’impact d’une suspension sur les utilisateurs.
L’appli déjà suspendue ailleurs, des canaux censurés en France
À l’instar d'autres applications comme TikTok ou WhatsApp, Telegram, dont le nombre d’utilisateurs avoisine les 800 millions, a déjà été suspendu dans certains pays. En 2022, Berlin a menacé d’interdire la messagerie en exigeant de Google ou d'Apple qu'ils retirent l'application de leurs stores, en raison de certains groupes de discussions opposés à la vaccination obligatoire. Un accord a été trouvé entre le gouvernement allemand et l’application, mais une amende de 5 millions d'euros a été infligée fin 2022 à la messagerie.
L’année dernière, c’était le Brésil qui suspendait, momentanément, l’application, après que celle-ci ait refusé de fournir au gouvernement des informations sur des groupes néonazis. L’on reproche notamment à la société, dont le siège est situé à Dubaï, de ne pas modérer ou très peu les contenus publiés sur ses canaux.
En France, comme dans de nombreux autres pays occidentaux, des messageries comme Telegram ou Signal sont interdites aux membres du gouvernement et aux fonctionnaires. Si Paris n’a jamais suspendu Telegram, des canaux ont déjà été censurés. En février dernier, quelques jours après la révélation par l’organisme français de lutte contre les ingérences étrangères d’un “réseau de propagande russe” à destination des États-Unis et de l’Europe, au moins une vingtaine de canaux Telegram ont été supprimés.
En octobre 2023, après un été marqué par des manifestations de grande ampleur, Matignon, dirigé par Gérald Darmanin, exprimait le souhait du gouvernement de pouvoir accéder aux conversations chiffrées des messageries comme Telegram ou WhatsApp. Le ministre de l’Intérieur avait évoqué une “porte dérobée” mais les spécialistes affirment qu’un assouplissement du chiffrement de bout en bout pourrait aussi servir des personnes ou organisations malveillantes. Doit-on s’attendre un jour à une suspension si Telegram rejetait une demande officielle comme cela a été le cas au Brésil et en Espagne ?
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.