Fact-checking : le journaliste de l'audiovisuel public Julien Pain prend (toujours) "les gens pour des cons"

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GG, RP, France-Soir
Publié le 26 juillet 2023 - 16:00
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fausses nouvelles
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"Fake news" = "Fausses nouvelles".
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FACT-CHECKING - Un extrait vidéo de la conférence intitulée "Que croire, qui croire ?", à laquelle le journaliste de France-Info Julien Pain a participé le 23 avril 2022 à Toulouse dans le cadre des "Rencontres de l’Esprit critique" (REC), a refait surface ces derniers jours sur le réseau social X (nouveau nom de Twitter).

Ce contenu a notamment été relayé dans un Xitt (un message du réseau social X) par l’actrice franco-américaine Béatrice Rosen qui approche le demi-million de vues : 

Dans cet extrait, Julien Pain évoque son activité de "fact-checker" en temps de Covid. À l’instar d’autres confrères au sein de "cellules de fact-checking" (Les Décodeurs pour Le Monde, Checknews pour Libération...), le journaliste s’est livré au périlleux exercice de décider du "vrai" et du "faux" à propos d’informations relayées par des médias concurrents ou sur les réseaux sociaux. Une démarche qu'il a aussi appliquée, de façon pour le moins aventureuse, envers des hypothèses et des études issues de la recherche scientifique.

Un story-telling au mépris des faits

Dans le cadre de l'émission "Le vrai du fake", Julien Pain a réalisé une médiation de l'information entre l'actualité scientifique et le grand public pour le moins binaire. En effet, il n'a guère laissé de place aux sources et analyses divergentes de celles utilisées et exprimées par le gouvernement, les autorités de santé ou encore issues de la communication de l'industrie pharmaceutique (quand toutefois ces dernières existaient).

Traitements précoces, masques, origine du Sars-CoV-2, efficacité des vaccins et effets secondaires : plusieurs questions ont été traitées en suivant "un narratif". Qui s'en détachait, du scientifique internationalement reconnu par ses pairs à la sommité mondiale apportant un éclairage différent sur la gestion de crise, se retrouvait disqualifié du champ médiatique sans autre forme de procès ou amalgamé à des profils "complotistes" qualifiés "d'extrême-droite" :

Si Pain s'en défend avec une triple dose de mauvaise foi (cf. lien précédent), ce choix a eu pour conséquence directe de produire une information peu critique envers la gestion politico-sanitaire du Covid. Une gestion plus politique que sanitaire sur laquelle aujourd'hui le journaliste se défausse.

Certes, le journaliste de France-Info "regrette la façon" avec laquelle il a "traité" la crise sanitaire. Il explique avoir "attendu des scientifiques des réponses certaines alors qu'ils n’en avaient pas". Après avoir lui-même participé au discrédit de plusieurs d'entre eux, pourtant au top niveau dans leurs domaines et qui ont su offrir des réponses et des solutions face à la Covid, la pilule est dure à avaler !

Mais lorsque le journaliste du service public de l’audiovisuel affirme ensuite que son approche a été "une manière de prendre les gens pour des cons", il charge aussitôt le gouvernement. Selon lui, ce dernier aurait intimé à la sphère médiatique un tel comportement car il "disait que les gens ne sont pas capables d’accepter cette incertitude" liée à la pandémie.

"Trop bêtes pour comprendre"

Autrement dit, il fallait éviter que les citoyens, "trop bêtes pour comprendre", puissent se "mettre à paniquer et à courir comme des poulets sans tête". Et aborder par conséquent les sujets autour de la Covid d’une manière qui ne reflétait pas toujours la réalité, en étant prêt à mettre sous le tapis certains faits et éléments à cause d'une peur collective présumée, parce qu'il fallait "calmer la population" à tout prix. 

Voici un autre argument particulièrement maladroit (ou hypocrite ?) puisque tous les médecins, chercheurs et statisticiens qui ont avancé des données incontestables (issues de Santé Publique France et de l'INSEE), montrant rationnellement le peu de dangerosité du Sars-CoV-2 pour la population générale âgée de moins de 60 ans ont été... ridiculisés, censurés et privés d'antenne par la plupart des rédactions de la presse mainstream disposant d'une cellule de fact-checking, dont celle de France-Info.

Auparavant, pourtant, nul ne semblait se soucier de ce qui faisait peur ou non : le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon égrenait quotidiennement en avril 2020 les morts de la Covid-19, sans relativiser le bilan par rapport à d'autres pathologies et sans indiquer de façon explicite l'âge médian des victimes (82 ans).

Outre l’évocation d’un lien déplacé avec le pouvoir politique qui transpire des propos de Julien Pain, ce qui est présenté par de nombreux observateurs sur les réseaux sociaux comme ses "aveux", n'est en rien une nouveauté. Ces dernières années*, le journaliste a déjà publié une vidéo dans laquelle il affirmait que "nous, les médecins, les politiques et nous les journalistes, on s’est (...) planté." 

Une déclaration qui, une fois de plus, veut "partager" la responsabilité des erreurs commises en temps de Covid. Dans le cadre des émissions de Julien Pain ou au travers de ses propos diffusés sur les réseaux sociaux, en voici quelques exemples :

1) Dans un Xitt datant du 11 septembre 2021, il reprend ces mots : "C'est l'argument en vogue contre les vaccins. Les vaccinés, notamment les plus jeunes, risquent une myocardite. C'est vrai le risque existe. Rappelons juste que même les jeunes ont 6 fois plus chance de faire une myocardite en attrapant le Covid. Allons au plus simple, les risques sont extrêmement faibles et les myocardites se soignent."

2) Dans un Xitt datant du 6 mai 2021, il écrit : "Beaucoup d’inquiétudes autour du pass sanitaire. Certaines complètement légitimes. D’autres non. Par exemple, non, le pass sanitaire ne sera pas un passeport vaccinal et n’imposera pas la vaccination. Et non il ne faudra pas le présenter pour aller au restaurant..."

3) Dans un Xitt du 9 avril 2021, il écrit : "Comme c'est une question qu'on m'a encore posée hier soir, je me dis que ça vaut le coup que je reposte ce thread. Oui, le vaccin vous protège vous. Mais oui aussi, il protège les autres, car il réduit le risque de transmission."

4) Dans un Xitt du 15 mars 2023, il écrit : "Que révèlent les #LockDownFiles, ces milliers de messages sur la pandémie échangés par des membres du gouvernement britannique. Surtout que, dans l'incertitude face aux virus, les politiques ont navigué à vue et pris des décisions en fonction de l'opinion publique."

Toutes ces affirmations ou prises de positions sont soit fausses, soit fallacieuses. Le problème n'est pas d'en faire aujourd'hui la démonstration de façon exhaustive (1a, 1b, 1c, 1d2, 3, 4). Mais de remarquer en quoi ce traitement de l'information, en fonction des données disponibles au moment de la publication de chaque message, représentait soit une négation de l'évolution de l'état de la science, soit la mise en avant de sources de moindre qualité, voire de seconde zone, au détriment de plus solides et d'un débat contradictoire.

Les mauvaises fréquentations

Le 5 juin dernier, Julien Pain a invité sur son plateau la Pr Karine Lacombe. La médecin souhaite donner une leçon de choses en matière scientifique.

Au moment où le journaliste évoque la problématique des médicaments "non testés" avant leur usage contre une maladie, celui-ci semble oublier que Karine Lacombe a été une fervente croyante des effets positifs du Remdesivir des laboratoires Gilead (aujourd'hui rebaptisé Veklury). 

À l'époque, pourtant, aucune étude sérieuse ne démontrait l'efficacité de cet antiviral injectable, dont l'utilisation auprès des malades représente un risque très élevé d'effets secondaires graves. Factuellement, son efficacité contre la Covid-19 est très difficile à démontrer.

Pourtant, lorsque Julien Pain pose la question "Quelle différence entre une opinion et un fait scientifique ?" et enchaîne en disant "petit rappel par Karine Lacombe qui rappelle évidemment ce qu'il s'est passé à l'IHU de Marseille", ce dernier laisse de côté l'opinion gênante de la médecin à propos du Remdesivir. Une "opinion personnelle" qui a été relayée dans les médias à plusieurs reprises, sans aucune base scientifique valide, au détriment "des faits établis". En revanche, l'hydroxychloroquine proposée aux patients de l'IHU-Marseille est un traitement qui a montré scientifiquement ses preuves contre la maladie. 

Cet impair de Mme Lacombe n'est hélas pas le premier. La même chose s'est produite lorsque celle-ci a déclaré le 8 septembre 2020 que le Sars-CoV-2 n'avait pas muté à une date où les scientifiques l'avaient déjà compris dès juillet.

Julien Pain n'a pas besoin de formation journalistique pour le savoir: des personnes qui se trompent régulièrement ne sont pas de bonnes sources... Le fait qu'il continue à inviter Mme Lacombe, nonobstant ses diverses frasques en matière de mésinformation, montre simplement l'absence "d'aveux" ou de "mea culpa" de sa part. Il persiste et signe en ne remettant pas en question sa manière de traiter l'information. Et tout cela n'a pas changé depuis la conférence des REC dont l'extrait vidéo fait le buzz, au regard des invités de la conférence devant lesquels il s'exprime en 2022.

De la question du choix des sources

En effet, qui est alors présent aux côtés du journaliste de France-Info ? 1) Clément Freze, 2) Pascal Wagner Egger et 3) Jean-Paul Krivine.

1) Clément Freze est mentaliste, hypnotiseur et illusionniste psychologique. Un domaine d'activité artistique passionnant à première vue. Ce dernier a décidé de créer une chaîne YouTube, nommée "Fake-Up". La première vidéo de la série revient sur la gestion de la Covid d'une façon singulière : images et sons basés sur l'émotion, discours lénifiant et culpabilisateur, mise en exergue de mesures qui n'ont scientifiquement pas montré d'efficacité contre la pandémie, comme le confinement. Au passage, la mise en scène de Clément Freze accuse de fraude scientifique les travaux du professeur Raoult en édictant plusieurs contre-vérités. La défense de médecins liés par des conflits d'intérêts étonne tout autant qu'un mentaliste qui attaque un microbiologiste, infectiologue de renommée mondiale... Pourquoi ne pas avoir préféré expliciter en quoi les conflits d'intérêts posent au contraire de graves problèmes déontologiques dans le monde médical et scientifique ? Un fléau contre lequel une loi décrétée en 2011 oblige théoriquement à décliner ses conflits d'intérêts avant chaque intervention au sein du débat public. M. Pain ne veille pas à appliquer cette règle. À la minute 58 apparaît un interlocuteur, Henri Broch, zététicien, qui minore par ailleurs l'importance du LancetGate. Nous y reviendrons.

2) Pascal Wagner Egger est enseignant-chercheur en psychologie sociale et en statistique à l'Université de Fribourg. Il a été consulté à plusieurs reprises par des médias mainstream français, comme Le FigaroDans cette vidéo, l'enseignant prend bien soin d'indiquer que, par exemple, la théorie d'une fuite de laboratoire à l'origine d'une épidémie ne tient "pas du complot". Il faut simplement la prouver. Pour la prouver, il faut alors faire une enquête et ne pas estimer que celle-ci soit une idée complotiste farfelue. Patatras, peu après, Pascal Wagner Egger affirme que "les gens en bas de l'échelle sociale, qui ont un faible niveau social" sont ceux qui généralement "tiennent des théories du complot". Une logique qui a été celle de Rudy Reichstadt dans une étude sondagière publiée par la Fondation Jean-Jaurès. Problème : dans les items proposés à l'échantillon sondé, une proposition manque. Il s'agit de celle de la fuite "non intentionnelle" du virus qui, comme le suggère Wagner Egger, est un phénomène hélas bien connu du microcosme de la virologie. Au final, et en dépit de cette question bien mal posée, ce sont bien les populations "les plus défavorisées", "sans diplôme" et "les jeunes" qui sont celles qui ont gardé l'esprit le plus critique. Aujourd'hui, l'hypothèse scientifique d'un "gain de fonction" du Sars-CoV-2 développé en laboratoire est désormais envisagée comme la plus probable. Si cela ne démontre pas encore sa véracité, elle mérite enquête et "ne peut plus être écartée", selon Julien Pain.

3) Qui est enfin Jean-Paul Krivine ? Ancien ingénieur en informatique, il est le rédacteur en chef de la revue "Science et pseudo-sciences" et ancien président de l'AFIS (2019-2020), l'Association française pour l'information scientifique. Quelle est l'objectif de cette dernière ? "Promouvoir la science" et "mettre en garde contre les pseudo-sciences ou fausses sciences". Selon le journaliste Stéphane Foucart du Monde, l'AFIS est lié de multiples façons avec les industries de la chimie et des OGM. Dans son livre "Les Gardiens de la raison : enquête sur la désinformation scientifique", il rappelle que l'AFIS relaie "des éléments de langages" mis au point par l'industrie. Il nomme des membres de l'association qui sont embauchés par l'industrie lourde de la chimie, les plaçant en situation de conflit d'intérêts. En serait-il de même avec l'industrie pharmaceutique ? Il suffit de considérer quelques collaborateurs "pigistes" de la revue : Thomas C. Durand, Hervé Maisonneuve, Nathan Peiffer-Smadja, Yazdan Yazdanpanah ou encore Catherine Hill. Leur point commun ? Avoir tiré à boulets rouges sur toute autre approche médicale, scientifique ou statistique que celle de la doxa du Covid. Avoir tiré à boulets rouges, aussi, pour certains de façon véhémente, contre le professeur Raoult, l'IHU-Méditerranée et tous ceux qui opposaient une lecture scientifique différente de la crise, en dehors de la politique sanitaire gouvernementale ou des dépendances à l'industrie pharmaceutique. Henri Broch, précité, est membre de l'AFIS à part entière : une disputatio en vase clos n'aide pas à la pluralité des vues. Elle est stérile.

En somme, qu'est-ce à dire ? L'extrait vidéo qui fait le buzz montre un journaliste du service public de l'audiovisuel, contempteur régulier du service public français de la recherche (cherchez l'erreur), qui décide de se dédouaner de ses manquements durant la crise sanitaire devant des personnes qui... l'ont emmené dans le mur. 

De quelle manière ? Par exemple en faisant passer l'idée que l'Evidence-Based Medicine (favorite de Big Pharma avec ses tests "randomisés", "en double aveugle") est la seule méthode valable pour évaluer les médicaments. Une posture qui fait de plus en plus débat et qui représente une erreur de plus.

Bref, à défaut de représenter quelques aveux, cela montre  a minima de la part de Julien Pain un biais considérable dans sa manière d'acquérir des sources. "Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es". Et ad maxima, pour un journaliste payé par le contribuable, cela veut dire qu'il continue à prendre les citoyens pour "des truffes".

 

*Modifié. Au lieu de "ces derniers mois". La vidéo de Julien Pain date de 2021, nda.

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