Nationalisation de STX : un choix stratégique pour éviter le transfert de technologies
Nous sommes nombreux à constater les succès d'Airbus: ce constructeur européen. Nous sommes beaucoup à regretter qu'un leader de l'industrie ferroviaire ne soit pas né d'un rapprochement entre Alstom -dépouillé de sa branche énergie- et Siemens. Dès lors, rien ne s'oppose -sur le papier- à l'élaboration d'un géant de la construction navale via la prise de contrôle des Chantiers de Saint-Nazaire par le groupe italien Fincantieri. Oui, une belle ambition européenne est possible et parfaitement crédible dans ce secteur d'activité. Alors tentons de la matérialiser! Pour ce faire, il faut réunir plusieurs conditions.
Pour un Etat lucide
Il faut, de prime abord, disposer d'un Etat lucide et non d'une équipe à la main qui tremble. Tel fût parfaitement le cas il y a un an, n'en déplaise aux affirmations du député et ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée Boris Vallaud dans Le Monde daté du 28 juillet, du temps de François Hollande.
Pour ceux qui ont examiné le dossier, il aurait fallu moins de 30 millions d'euros pour que DCNS puisse devenir actionnaire consistant et ainsi permettre l'émergence d'un bloc de contrôle français dans la mesure où l'Etat dispose d'ores et déjà de la minorité de blocage (33,33%).
Loin de disposer d'une vista industrielle et sociale, l'Etat du quinquennat précédent s'est parfaitement fait abuser par un opérateur italien dont il est fondamental de rappeler jusqu'à la nuit des temps qu'il a un plan stratégique de développement avec son partenaire chinois: China State Shipbuilding Corporation.
L'Etat de messieurs Sapin et Sirugue n'a pas eu le nez creux: il n'a pas détecté le faux-nez transalpin qui masque pourtant bien mal un futur programme de transferts de technologies vers l'Orient.
Pour un Etat maître des horloges
L'Etat sous gestion hasardeuse de François Hollande n'a pas cherché à élaborer un géant européen du secteur de la construction navale. Il a bien davantage traité un dossier de manière technocratique et fait passer le dossier alors STX de la corbeille arrivée à la corbeille départ. En clair, on a refilé le bébé au premier venu sans chercher à parvenir à tresser une corbeille de mariée.
On comprend pourquoi un journal du soir a pu titrer, en général, sur les méfaits de la "hollandie crépusculaire".
En décidant de nationaliser les Chantiers de Saint-Nazaire, la France du président Macron se donne du temps pour rechercher un futur tour de table capitaliste qui tienne la route et nous protège des écueils que ma contribution du 6 Avril 2017 prenait le soin de lister.
Pour un Etat chef d'orchestre
En économie de marché, l'Etat ne saurait avoir la prétention d'un stratège de type Deus ex machina. Je récuse cette vision qui parcourt encore certains esprits nostalgiques d'un pseudo-colbertisme d'évidence incompatible avec nos engagements internationaux notamment devant l'OMC. Des praticiens avisés comme le furent Bernard Esambert (conseiller de Georges Pompidou) ou Dominique de La Martinière à la tête de l'IDI (Institut de Développement industriel) savaient que l'Etat est une puissance mais qu'elle est relative à défaut de générer alors des externalités négatives.
A ce titre, il est totalement réaliste de faire jouer le droit de préemption sur 100% du capital de l'ex-STX pour moins de 100 millions. Ici, l'Etat n'engloutit pas à fonds perdus dans un canard boiteux mal soutenu par l'immortel CIRI mais dans une affaire rentable et prospère. L'Etat va par conséquent jouer un rôle assez subtil de passeur pour accompagner une transition de propriété puis une transmission pure et dure.
Pour un Etat pédagogue
Cette opération de Saint-Nazaire est une décision appropriée mais effectivement, il est crucial que nos partenaires étrangers et la communauté des investisseurs comprennent la problématique sous-jacente (emploi, savoir-faire, dimension militaire et navires de grande coque, etc).
Si Bruno Le Maire ne puise pas véritablement dans ses capacités de conviction, ceux qui hésitent à investir en France (business-friendly?) ne saisiront pas l'aspect temporaire de cette nationalisation et se croiront à l'aube de l'émergence d'un pays dirigiste des années 1970.
Gageons que l'ancien banquier d'affaires Macron saura souffler au président qu'il est devenu la recette du succès pour éviter que la solution apportée aux Chantiers de Saint-Nazaire ne vire au répulsif en matière d'attractivité de la France et du niveau de sécurité juridique apportée aux investissements privés.
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