A Hollywood comme en France, peu de place sur l'affiche pour les minorités
Le contraste ne pourrait être plus saisissant entre la sélection d'acteurs tous blancs des Oscars ces deux dernières années et le podium métissé des César, mais ces prix masquent une réalité plus complexe à Hollywood comme au cinéma français.
Les minorités, qui pèsent 40% de la population américaine, restent obstinément sous-représentées à l'écran et derrière la caméra à Hollywood, comme le constate le dernier rapport de l'université UCLA sur la question.
Pour autant, Omar Sy, star "Frenchie" à la carrière américaine en plein boom, souligne qu'il "y a beaucoup d'acteurs noirs ou hispaniques qui travaillent". Des Afro-Américains comme Denzel Washington, Wesley Snipes ou Dwayne Johnson tiennent souvent la vedette de films d'action, comédies ou films à suspense, même si des grands rôles de héros romantiques ou de super-héros leur échappent encore trop souvent. La diversité aux Etats-Unis progresse aussi grâce au petit écran et à des séries à succès comme Orange is the new black, Murder, Scandal ou Empire.
Omar Sy observe aussi que les studios produisent de plus en plus de grosses productions à visées mondiales comme X-Men ou Jurassic World, dans lesquelles il a joué: "ils essaient d'aller chercher des têtes dans tous les compartiments du monde", a-t-il raconté à l'AFP à l'occasion du festival du film français de Los Angeles, Colcoa.
Une tendance qui paie, étant donné que les minorités ethniques aux Etats-Unis sont celles qui achètent le plus de billets de cinéma. "Plus le casting ressemble au monde, plus le monde va voir les films", insistait le président de l'association américaine des propriétaires de salles (Nato) la semaine dernière en annonçant un box-office 2015 record.
En France, où les statistiques ethniques restent interdites, "c'est l'inverse: on a un palmarès d'acteurs et réalisateurs issus de la diversité récompensés mais si on regarde l'ensemble de la production, ils sont peu présents", poursuit Omar Sy, vedette du film de Roschdy Zem Chocolat, qui fera l'ouverture de Colcoa lundi.
Pour Nabil Ayouch, réalisateur de Much Loved, film franco-marocain programmé à Colcoa, les minorités sont encore trop souvent "cantonnées" à certains univers: "si on veut présenter un gendre à des parents, on va le créer noir ou arabe, ça fait rire", donne-t-il en exemple, allusion au succès en 2014 de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?. "Un flic, il sera noir ou arabe s'il habite en banlieue", ajoute-t-il.
Les acteurs noirs sont particulièrement peu représentés. "Pour Chocolat, j'avais besoin d'un acteur de couleur avec une notoriété, et la solution passait par un seul nom", en l'occurrence Omar Sy, remarque Roschdy Zem.
Mohamed Hamidi, dont la comédie La vache passera également à Colcoa, remarque cependant que le statut des minorités au cinéma français "progresse vraiment. Il n'y a qu'à voir les gros succès des vingt dernières années".
Les principaux rôles de Bienvenue chez les Ch'tis, Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, Intouchables étaient notamment tenus par des acteurs d'origine nord-africaine (Jamel Debbouze, Kad Merad, etc) ou noirs (Omar Sy). "Je pense que les Français de manière générale sont prêts", insiste Hamidi.
Nabil Ayouch fait valoir que les polémiques comme celles qui ont secoué les Oscars ces deux dernières années "permettent de changer de prisme de lecture" et parfois de forcer le progrès: l'Académie des arts et sciences du cinéma, qui décerne les prestigieuses statuettes, a ainsi annoncé des mesures pour doper la part de ses membres issus des minorités, qui plafonne à 7% actuellement.
Pour Ayouch, les patrons de studio doivent faire face à leur responsabilité: choisir un acteur issu d'une minorité pour le premier rôle d'une grosse production à plus de 100 millions de dollars peut certes comporter un risque financier, "mais si on avait continué à suivre nos goûts des années 60, l'industrie n'aurait pas évolué d'un iota". Les metteurs en scène aussi doivent "se battre pour imposer les acteurs issus de la diversité", renchérit Roschdy Zem.
Nabil Ayouch estime qu'il faut aussi échanger les concepts de rôles, un principe qui monte à Hollywood: lorsqu'un rôle est écrit pour un homme blanc, l'imaginer pour un Nord-Africain, un Noir, un Asiatique, voire une femme "pour prendre le réflexe que les rôles peuvent être tenus par tout type d'acteur".
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