Comment tout un système ruine nos vies et nos pensées ? "Civilisation mal-être" de Tristan Edelman
LIVRES - En juin dernier, l’artiste, énergéticien et philosophe Tristan Edelman a sorti son dernier ouvrage, Civilisation mal-être : en finir avec le capitalisme, aux éditions Talma Studios. Une critique forte du capitalisme et une analyse de la manière dont celui-ci pénètre notre quotidien. Edelman dénonce le salariat qui nous esclavagise et indique des portes de sortie : reprendre en main notre quotidien, se rebeller et réfléchir en société à créer une nouvelle forme de vie plus cohérente, à nouveau humaine tout simplement ! Dans le chapitre, "Dé-zombification du monde", Tristan Edelman met en exergue la perte d’énergie dont nous pâtissons tous et qui nous transforme en citoyens sans vie, inaptes à identifier nos réels besoins. Ce qui conduit à accepter trop souvent des politiques toxiques comme si elles étaient naturelles.
L’avenir peut s’écrire autrement !
Nous présentons un long extrait du livre de Tristan Edeleman ci-dessous :
Extrait :
Dé-zombification du monde (pp. 82 à 85 de Civilisation du mal-être)
Le Capital est profondément enraciné en nous. Il nous prend au plus intime du corps : cellules, neurones, nerfs, organes, réflexes. Le tour de force est la manière dont il congédie la mort pour en faire un fantasme terrifiant sur lequel on peut jouer à souhait. Le corps profond étant atteint, il s’agit de le regagner. Comment retrouver ce réel avec lequel il est bon de vivre ? Tout d’abord, ne nous trompons pas : notre corps est colonisé. Ceux qui prétendent que nous sommes tous actifs et participants au Capital, nous font croire au fatalisme de la marchandise comme d’une loi naturelle. Il s’agit d’une stratégie pour briser le mental et assurer le pouvoir. L’ultime rhétorique revient à démontrer que l’esclave souhaite son propre esclavage. On arrive à l’argument le plus spécieux qui soit : le colonisateur ne fait que répondre à la demande du colonisé. Il n’y est pour rien, il est bienveillant, il faut le remercier. Aussi étourdissant et scandaleux que cela puisse paraître, tout cela est vrai. Oui : le fatalisme et la servitude volontaire sont la base de notre système d’adhésion. Du moins tant que la personne ne ressent pas sa colonisation interne et qu’elle croit en les valeurs du colonisateur. Cependant, à partir du moment où elle ressent le mal-être de la domination et les valeurs démentes du colonisateur, alors son corps et sa conscience se réveillent. Elle renoue avec son propre mouvement réel et, dès lors, elle ne participe plus : elle est astreinte à coopérer. Consciente de sa condition, elle devient un esclave non soumis, un révolté, une menace, un espoir. Elle devient fil conducteur du Mouvement. Cette personne-là sait alors qu’il existe un autre corps, un autre monde. La priorité n’est pas de repenser l’éthique, l’effondrement et les représentations, mais de (se) ressentir et se relier intimement aux nécessités fondamentales du Mouvement.
Quand le libéral viendra vous dire que vous participez au système parce que vous utilisez un smartphone, vous pourrez lui répondre que vous n’aviez pas besoin de cet objet, mais qu’il vous a été imposé par un consortium capitaliste faisant en sorte de marginaliser toute personne qui ne l’utilise pas. Rien de naturel, rien d’indispensable. Par ailleurs, ne partageant point les valeurs de la marchandise, vous développez le plus possible les communications réelles. Vous vous considérez comme un esclave enchaîné qui fait au mieux à son niveau pour lutter contre le taux de profit, le travail et le confinement. Vous verrez derrière le sourire cool du libéral le rictus de l’avare vous envoyant les forces coercitives de l’État de droit pour réprimer toute alternative. On passe vite du sotfware au hardware. Il est plus facile de convaincre un esclave habitué à son esclavage dans un confort tout relatif que de faire croire à un esclave enchaîné sur l’entrepont qu’il est en train de faire une croisière touristique. Le sens du réel est une question de mémoire profonde, d’expérience vécue et directe.
Nous sommes bien en-deçà du changement de représentation à la manière des écologistes, qui tentent d’édifier une nouvelle pseudo-morale fondée sur la coercition "vertueuse" pour les autres et "la sobriété pour sauver la planète". Émettre de nouveaux commandements en réformant les représentations n’a jamais fait autre chose qu’éloigner la personne de l’expérience d’elle-même. Une pierre en plus à l’édifice spectaculaire du théâtre de la mort. Il s’agit d’un rapport au monde qui vient des tripes, du ventre, de la chair et des os. À chacun de faire son propre chemin de crise pour sentir et comprendre que le mode de vie capitaliste est toxique, et ce non seulement à travers ses produits, mais dans sa manière même de produire. Les produits (vegan, bio, énergies "propres", etc.) et les comportements (sport, méditation, tri sélectif, etc.), qui semblent les plus sains, n’échappent pas à cette logique. Le danger est que les défenseurs de ces produits et comportements participent d’autant plus au système qu’ils croient y échapper alors qu’ils le renouvellent.
Cantonnées dans des luttes partielles et donc récupérables, la plupart des associations écolos sont tombées dans le piège de la peur du virus, parce que justement elles en sont restées à la représentation et à l’éthique de la bonne santé. Elles n’ont pas assumé une critique intégrale de notre rapport aliéné à la toxicité intrinsèque du Capital et de toutes ses propositions. Nous avons pu suivre également le vaudeville des bobos qui, hier, se complaisaient dans les leçons de morale et les révolutions (sur le papier) pour, en un instant, s’incarcérer chez eux. Les masques sont tombés par millions.
En revanche, chacun a vu des personnes dont il était difficile de penser qu’elles ouvrent les yeux ; la perspicacité subsiste en elles, sans qu’il soit besoin d’exhiber les drapeaux. À ce titre, dans mon milieu d’énergéticien, pourtant dépolitisé, je participe à des groupes qui se sont formés dans le but de réfléchir et dénoncer la manipulation. Ce sursaut s’explique par le fait que, d’une part, étant habituellement attaqués par la médecine conventionnelle, ils en connaissent les rouages pervers, et, d’autre part, prônant une approche holistique, ils sont portés à regarder le monde comme un tout insécable et, enfin, travaillant sur le corps, ils sont parmi les premiers à subir les conséquences brutales de la marginalisation sociale. La prise de conscience et l’ardeur dans la lutte supposent souvent une persécution mondiale, une offensive de l’idéologie de la terreur et une prolétarisation extrêmement rapide.
Sortir du capitalisme implique de ressentir et revenir aux besoins premiers. Retrouver les appels du corps, le goût des aliments, les joies du déplacement. Sensations de plaisir, de souffrance, de joie, de tristesse, de colère ; aucune émotion n’est à exclure. Laisser son système immunitaire agir sans se précipiter sur des médicaments. Laisser son corps vivre sans le contrôle du mental. Laisser se dissoudre le règne de la mauvaise foi. Se laisser aller au vide et à l’ennui. Suivre le rythme des jours et des nuits, des repas et de la fatigue. Se nourrir aux bonnes informations avec un rythme personnel, afin de ne pas sombrer dans le désespoir ou les faux espoirs. Sortir de son ghetto narcissique, conjugal, social pour renouer avec le collectif. Et se rassembler, se rencontrer, se toucher : que la peur ne vienne pas raviner les coupures traumatiques du corps. En suivant ce fil intime corporel, on en viendra tout naturellement, selon un rythme à la fois personnel et collectif, à remettre en question radicalement les règles de comportement, l’éducation, la culture, l’histoire, le travail, le confort, la sécurité, le système de santé, l’agroalimentaire, la techno-science, l’information, le virtuel, la privatisation, l’État, la loi, le capital, le 2.0... Bref : notre rapport à la mort. Cette dernière ne sera plus ce squelette grimé qui jaillit des écrans et que l’on retrouve avec effroi pour avoir tenté de l’oublier. Les rhizomes du Capital se retirant de notre corps et de notre imaginaire, nous pouvons enfin suivre le mouvement du réel. L’état de guerre s’évanouissant en nous, il redevient stimulant de lutter en toute cohérence, et il redevient possible de vivre avec ce qui nous échappe ; en paix avec la mort.
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