Affaire Ferrand : la faute politique et morale de Macron ?

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Pierre Plottu
Publié le 01 juin 2017 - 10:52
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Emmanuel Macron à la basilique Notre Dame d'Afrique d'Alger le 14 février 2017
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Emmanuel Macron continue à défendre Richard Ferrand, qui compte au rang de ses plus proches, malgré le scandale qui éclabousse son ministre.
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On allait voir ce qu'on allait voir: Emmanuel Macron, flanqué de François Bayrou annonçait la fin des "affaires" politiques sapant la confiance des électeurs dans leurs élus. Le scandale éclaboussant Richard Ferrand, qui compte au rang des plus proches du nouveau président, est l'occasion d'en prendre plein les yeux.

"Tout changer pour que rien ne change", et si l'adage se vérifiait à nouveau? La question se pose au vu de la gestion de ce qui est devenu "l'affaire Ferrand" par Emmanuel Macron. Car il s'agit bien ici, n'en déplaise au porte-voix officiel de l'exécutif Christophe Castaner, d'une "affaire" bien que la justice ne se soit pas (encore?) saisie.

Homme neuf, jeune et hors des partis le nouveau président s'est bâti sur cette image d'un dirigeant putatif, puis élu, seul capable de renverser la table et de tourner la page des vieux syndicats d'élus dont les déboires avec la justice ont fait et font encore l'actualité. Incarnant au passage à la place FN un recours aux idées préconçues de certains électeurs ("tous pourris" et "on a essayé la gauche et la droite qui ont échoué, pourquoi pas lui maintenant?"). Si l'affaire du "PenelopeGate" a en partie contribué à faire chuter un Fillon promis à l'Elysée, elle n'a été que la goute d'eau qui a fait déborder le vase de l'opinion, permettant à un nouveau visage d'émerger. Macron l'a compris en surfant sur la moralisation de la vie publique, se hissant tout en haut de la vague digne d'un tsunami qui a balayé le paysage politique français.

L'argument, dans son programme mais pas au cœur des débats, lui a forgé cette image qui l'a porté à la tête du pouvoir, permettant au passage d'engranger un soutien de poids au moins, ici encore, en terme d'image avec le ralliement de François Bayrou.

Tout se déroulait idéalement jusqu'à ce que Le Canard enchaîné, encore lui, ne mette les palmes dans le cambouis. Richard Ferrand, qui compte parmi les plus proches de Macron, a utilisé un montage très particulier pour se constituer un patrimoine à peu de frais et sans risque. Un "crime sans victime" toutefois puisque les mutuelles "grugées" ont bénéficié au passage d'un service bien réel et a un prix concurrentiel. L'argent n'est pas public et, enfin, la méthode suffisamment élaborée pour naviguer à la frontière de la légalité sans tomber, jusqu'à preuve du contraire, du mauvais côté de la ligne rouge.

Sauf que. Quid de la moralité du procédé? Champion du risque face à la rente, Emmanuel Macron ne peut soutenir la méthode Ferrand. Ce serait qui plus est une prime à la roublardise. Ce serait incompris par les Français qui croient à la nécessaire moralisation -ce mot à un sens- des pratiques des élus; incompris par ce peuple dont l'immense majorité ne peut jouer de son pouvoir de décision ou de son influence pour orienter la chance comme l'a fait Ferrand. Ce serait une faute politique.

Mais en organisant une défense basée sur le silence pour éviter d'alimenter la chronique, Macron joue gros. D'autant que les seuls arguments utilisés sont pour ainsi dire "fillonesques" et comptent parmi les grands classiques du genre, les quelques relais d'En Marche autorisés à s'exprimer sur la question expliquant qu'il n'y a "rien d'illégal" dans la méthode Ferrand et que de toute façon ce sera aux "électeurs de trancher", comme si le président n'était pas le mieux à même de prendre une décision. Tout devait changer, pourtant.

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