Un front républicain macroniste-lepéniste en marche contre la gauche [2/5]

Auteur(s)
Wolf Wagner, journaliste indépendant pour FranceSoir
Publié le 09 juin 2022 - 18:52
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Emmanuel Macron reçoit Marine Le Pen à l'Elysée, le 6 février 2019 dans le cadre du 'grand débat national'.
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PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP/Archives
Emmanuel Macron et Marine Le Pen, deux figures politiques aux intérêts fluctuants.
PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP/Archives

CHRONIQUE — Durant cette campagne des législatives, on assiste à un consensus au sein des élites et de la macronie pour tenter de travestir le concept de « front républicain ». Le but ? S'allier implicitement avec l'extrême-droite afin de limiter la percée de la gauche au sein de l'Assemblée nationale. Lutter Ensemble ! pour la défense des « valeurs républicaines », de manière à rassembler bourgeois et autres sociaux-démocrates, non plus contre Marine Le Pen, mais contre Jean-Luc Mélenchon et contre la NUPES.

Décryptage d'une farce politicienne à la française, où les liens existants entre lepenisme et macronisme sont en réalité bien plus solides et pérennes qu'il n'y paraît : épisode 2/5.

Le premier volet de cette chronique : Un front républicain macroniste-lepeniste en marche contre la gauche [1/5]

Législatives : le front républicain change de cible.
NUPES, la nouvelle alliance à abattre. Le RN épargné.

Conséquence directe de cette nouvelle union de la gauche : panique chez le RN, mais aussi et surtout en Macronie ! Branle-bas de combat immédiat face à cette coalition potentiellement handicapante, voire dangereuse, au vu des premiers sondages

Le passage au quinquennat, ajouté au fait d'avoir calqué le scrutin des élections législatives sur celui de la présidentielle, était censé affaiblir le risque de cohabitation. Or, cette nouvelle alliance fait peser le danger d'une prise de pouvoir de l'Assemblée par la gauche, ou, a minima, menace la majorité présidentielle de faire face à de compliqués débats parlementaires lors de l'adoption des textes les plus polémiques.

Côté RN, Marine Le Pen ne veut pas croire à l'arrivée massive de la gauche au sein de l'hémicycle et entend le faire savoir, quitte à jouer aux côtés de l'adversaire d'hier, Emmanuel Macron. En ce sens, elle affirmait sur TF1 le 10 mai dernier : « La logique des institutions veut que le président de la République ait une majorité ». Ajoutant que « ceux qui racontent autre chose racontent des fables ». Une déclaration qui fait dire à BFM qu'elle vise là : « sans la nommer, l'union de la gauche et en particulier les Insoumis et leur rhétorique du "troisième tour" qui pourrait permettre, d'après eux, de mettre Jean-Luc Mélenchon à Matignon. ».

Voir aussi : Enjeux des législatives: chimère du "troisième tour" et recomposition des partis

Le 18 mai dernier sur France Inter, la volonté actuelle du RN de s'inscrire dans le cadre d'un front républicain va prendre forme de manière claire lorsque Marine Le Pen déclara au sujet du chef de file de la NUPES : « Il est déterminé à faire élire Emmanuel Macron. Ça fait trois fois qu'il le soutient. (…) Si vous appelez cela une opposition déterminée, bah je suis désolée, mais on n'a pas la même définition ». Elle poursuit en appuyant sur le besoin d'avoir une opposition responsable « c'est-à-dire pas une opposition qui va se battre pour avoir le burkini dans les piscines, parce que c'est ça Jean-Luc Mélenchon, c'est l'abandon des valeurs de la laïcité, c'est l'abandon des valeurs républicaines. (…) Et je dis aux Français qu'il ne faut surtout pas qu'ils envoient ça à l'Assemblée nationale ».

« L'abandon des valeurs républicaines », « il ne faut surtout pas qu'ils envoient ça à l'Assemblée nationale » : par l'emploi de ces seuls mots, Marine Le Pen montre qu'elle est prête à jouer le jeu d'un front républicain contre la NUPES. Celle qui, un mois auparavant, était victime d'invectives similaires, se sert à présent sciemment du même réquisitoire pour tenter de discréditer la coalition de gauche.

Jordan Bardella, le numéro 2 du Rassemblement national, que RMC verrait bien prendre la succession de Marine Le Pen en 2027, va également abonder dans ce sens. Sur BFM, le 1er mai dernier, il déclare au sujet de l'affaire Taha Bouhafs : « Que la France Insoumise se complaise en ce type d'investitures démontre un tournant anti-républicain qui est majeur. Ils sont en train d'installer un fossé entre eux et les principes de la République. »

Par ce discours, répété depuis et identique à celui de Marine Le Pen, il confirme la stratégie de communication mise en place par le RN pour accuser la NUPES et Jean-Luc Mélenchon d’anti-républicanisme. Le RN montre ainsi qu'il cherche indéniablement à s'intégrer au cœur de ce « front républicain 2022 version législatives ».

Ce changement de ton dans la communication du Rassemblement national n'a pas échappé à Gérard Miller, dont l'idéologie proche de Jean-Luc Mélenchon est notoirement connue. Il s'amuse sur Twitter que le RN, victime hier du front républicain, s'associe aujourd'hui à celui-ci pour diaboliser la gauche : « Le Pen considère que Macron a déjà gagné et ne mène quasiment pas de campagne. Quant à Ménard, il appelle carrément à « faire bloc » derrière le président. L’extrême-droite à qui la macronie devait faire barrage vole à son secours. Pas rancuniers, les bougres ! ».

Pendant ce temps, du côté de LREM, on a également rapidement compris le danger que cette nouvelle union à gauche faisait planer sur le sort des élections. À un tel niveau qu'un conseiller de l'Élysée, dont les propos sont rapportés par Le Point, confie qu'il « commence à y avoir une vraie trouille dans la majorité sur la progression de la France insoumise », 

L'assurance de garder une mainmise totale sur l'Assemblée pour la macronie n'est plus acquise. Du coup, le parti présidentiel en profite pour copier l'adversaire en changeant lui aussi son nom en Renaissance et en créant sa propre alliance, Ensemble !, avec ses vassaux habituels que sont entre autres le Modem, Agir ou Horizons, le micro-parti d’Édouard Philippe.

Comme le rappelle Le Point dans son article, l'émergence des ces coalitions politiques a principalement pour but de permettre de passer le premier tour. Les élections législatives ont ceci de particulier qu'il faut réaliser un score minimal de 12,5% des électeurs inscrits pour accéder au second tour. Or, avec une abstention de 50%, cela place la barre à 25% des suffrages exprimés. Un score important à atteindre, justifiant par conséquent de rassembler les familles idéologiques derrière des candidatures uniques afin d'engranger le plus de voix possibles... quitte à voir émerger par la suite quelques frondeurs comme l'ont pu l'être en 2017 Martine Wonner ou Joachim Son-Forget.

 

Mélenchon, « l'autre Le Pen »

Et bien évidemment, dans ces « familles idéologiques », on retrouve les mêmes acteurs de l'entre-deux-tours de la présidentielle : politiques, intellectuels comme médias, mais qui délaissent à présent totalement leurs piques envers Marine Le Pen pour les orienter contre l'alliance de gauche. 

Tous y vont de leur petit mot pour diaboliser la NUPES et/ou Jean-Luc Mélenchon. À commencer par les médias :
Le Point, très prolixe en cette période, fera par exemple sa Une sur le leader LFI en titrant : « La vérité sur M. Mélenchon » avec pour sous-titre : « Europhobie, nationalisme, charlatanisme économique, goût pour les dictateurs. L'autre Le Pen ».

La Une du Point du 12 mai 2022
La une du Point du 12 mai 2022

Une couverture claire et précise quant à la cible du journal. Pour Le Point, si vous ne le saviez pas, « Jean-Luc Mélenchon = Marine Le Pen », ni plus ni moins. Voilà qui facilite l'analyse politique. À en croire Le Point, tout citoyen sensé et républicain ne peut donc ni choisir Le Pen ni Mélenchon. À lui donc d'opter intelligemment pour l'un des (seuls) choix politiques restants... On saisit parfaitement le chemin vers lequel souhaite nous attirer Le Point.

Une Une dont souhaitera d'ailleurs se désolidariser Yann Castanier, le photographe ayant réalisé le cliché pour Le Point. Il s'en explique dans un tweet :

En retour, Jean-Luc Mélenchon qualifiera le journal de « tract d'extrême-droite ».

Le Point réagira face aux propos du leader de LFI, avant de renchérir quelques jours plus tard en titrant l'un de ses papiers : « Mélenchon : Macron face au « péril rouge ».

L'Express, de son côté, opte pour un ton plus mesuré, mais néanmoins sournois : « Universalisme, laïcité... Les oscillations de Jean-Luc Mélenchon ». Avant d'ajouter : « Il a longtemps clamé son attachement aux valeurs républicaines. On l'accuse de s'être trahi, lui-même dit qu'il a changé. Électoralisme dites-vous ? ».

D'une manière plus générale, durant cette campagne des législatives, plutôt que d'engager leurs journalistes dans la rédaction de papiers à charge contre la NUPES, les médias préfèrent offrir leurs colonnes à des intervenants ravis de s'en occuper à leur place :
- Marc Alpozzo sur Entreprendre intitule sa tribune : « Nupes : la dérive antidémocratique de la Gauche française ».
- Sud-Ouest donne la parole aux candidats socialistes dissidents : « Législatives en Dordogne : « Nous sommes des insoumis à la soumission aux Insoumis » ».
- Tout comme Libération : « Anti-Nupes, Carole Delga veut réformer le PS et propose «des États généraux de la gauche» ».

Même démarche du côté de l’intelligentzia des plateaux TV, ils sont nombreux à se bousculer pour faire un procès en anti-républicanisme à Mélénchon et/ou à la NUPES :
- Raphaël Enthoven : « Quand la NUPES aura implosé sous le poids de ses contradictions (c'est-à-dire bientôt), les électeurs se tourneront de nouveau, peut-être, vers les grandes figures de la gauche républicaine qui auront résisté à la danse du ventre d'un ogre. ».
- Éric Naulleau : « En tant qu'homme de gauche, je ne saurais voter pour un candidat qui se réclamerait de la NUPES (…). Pour moi la NUPES, c'est la gauche contre le peuple, c'est la gauche contre le progrès », « Moi je n'en veux pas à LFI d'essayer d'arriver au pouvoir au prix d'une démagogie... Si je leur en veux un peu parce que Jean-Luc Mélenchon était il y a très peu de temps un symbole républicain, un symbole laïcard, et maintenant c'est devenu un symbole de l'anti-République. Pour moi, c'est une longue dérive en dehors du champ républicain ».
- Caroline Fourest : « je pense que la vie politique serait plus claire si les formations assumaient ces clivages de fond, notamment ce qui sépare une gauche radicale, plutôt identitaire, hostile à l’Union européenne et à ses traités, et une gauche plus responsable, républicaine, laïque, universaliste. ».
- Olivier Marchal : « Mélenchon cet abruti », « ce mec est laid, il est laid à l'intérieur, c'est un usurpateur, c'est un espèce de tribun dangereux ».

Chez Les Républicains, dont le parti est en pleine déconfiture, pas le temps de s'enliser dans une communication à outrance sur le danger anti-républicain de Mélenchon, les cadres préfèrent miser sur le local et laisser de côté, pour le moment, les batailles d'étiquettes. Non sans tout de même prendre le temps de tacler dès que possible la gauche :
- Christian Jacob (LR) : Jean-Luc Mélenchon est « dans le même rôle que Marine Le Pen à l'élection présidentielle », c'est-à-dire « l'idiot utile d'Emmanuel Macron ».
- Laurent Wauquiez, au sujet du burkini autorisé dans les piscines de Grenoble par le maire écologiste rattaché à la NUPES, parle d'un « acte très grave en rupture avec les valeurs de la République qui me sont chères » 
- Nadine Morano : « Je sais que M. Mélenchon est contre nos institutions », « ceux qui porteront ce label NUPES, c'est un label anti-flics », « il faut que ceux qui nous écoutent comprennent le désastre que porte M. Mélenchon », « d'ailleurs les socialistes qui se sont démarqués de cet accord, je trouve, se sont grandis ».

 

Les ex-éléphants du PS barrissent bruyamment contre la NUPES

Et le défilé ne s'arrête pas là. Sans surprise, le son de cloche est identique du côté des « ténors de la gauche », comprendre des ex-éléphants du PS, pourtant ostensiblement considérés comme obsolètes par l’électorat de gauche au vu de leurs derniers résultats lors des différents scrutins auxquels ils ont participé. Du moins, pour ceux qui osent encore se présenter :
- François Hollande, fin avril, pensait que « cet accord ne serait pas accepté » par le PS. Raté. Un accord jugé « inacceptable » par l'ancien président de la République qui avait appelé le PS à plutôt proposer une alliance aux écologistes et aux communistes, sans LFI.
- Bernard Cazeneuve considère qu'il est inconcevable de s'allier avec LFI. Il quitte donc le PS en précisant que : « en politique, la défaite n’explique pas tout ni ne peut tout justifier ». Il considère qu'en acceptant cette alliance, la direction du PS s'est perdue vis-à-vis « d'un socialisme républicain ».
- Pour Jean-Christophe Cambadélis : « Le PS a perdu son âme pour un plat de lentilles », en acceptant de « vendre nos convictions pour quelques circonscriptions ». Il ajoute qu'il est « hostile à cet accord depuis le premier jour. D'abord pour des raisons programmatiques. (…) parce que le programme de Mélenchon, c'est 3 sorties: la sortie de l'Europe, la sortie de l'Otan et la sortie de l'OMC. (…) C'est réduire la France à la Corée du Nord si on sort de l'OMC, qui est le seul pays, a peu près, qui est sorti de l'OMC ».
- Pour Manuel Valls : « il y a à gauche, et ça a toujours été comme ça, le mythe de l'union. L'union pour l'union ». Il met ensuite en garde tous ceux qui souhaiteraient rejoindre la NUPES : « Moi pour dire les choses clairement, mon adversaire dans cette campagne, ce sont les extrêmes, mais c'est le Mélenchonisme. Parce que tout candidat ; qu'il soit ex-socialiste, ex-écolo, écolo, socialiste ; tout candidat de cette union populaire, c'est un candidat mélenchoniste (…) Et voter pour un candidat mélenchoniste, dans cette circonscription où je suis candidat ou ailleurs, c'est voter pour un candidat qui est contre l’Europe, contre l'alliance-atlantique qui change profondément notre diplomatie, c'est voter contre la police et la sécurité », « tous les candidats de cette soit-disant union populaire sont des mélenchonistes pour que Jean-Luc Mélenchon soit premier ministre et applique ce programme. ».

François Hollande, l'ancien président de la République socialiste,  est farouchement opposé à l'accord PS-NUPES. ©Ludovic MARIN / AFP 
François Hollande, l'ancien président de la République socialiste, est farouchement opposé à l'accord PS-NUPES. ©Ludovic MARIN / AFP 

En résumé, on retrouve ici des personnalités politiques issues du « vieux Parti socialiste ». Ces
personnalités, à l'origine des pires scores électoraux de l'histoire d'un parti dont elles ont précipité la chute au point qu'il soit aujourd'hui considéré dans « un état de mort quasi-cérébrale », entendent donc aujourd'hui dicter la manière avec laquelle la politique devrait être menée par la gauche, au moment où celle-ci trouve pour la première fois depuis bien longtemps la voie de l'union... sans eux ? 

Sur quelle légitimité ces ex-éléphants s'appuient-ils pour tenir ces propos ?

Comment font-ils pour émettre un jugement allant autant à l'inverse des désirs exprimés par ce qui semble être « tout le reste de la gauche » ?

Peut-être, tout simplement, parce qu'ils n'en font en plus partie.

- Un président Hollande qui avait articulé son discours de campagne autour de son ennemi : « la finance », mais qui lors de son quinquennat a largement contribué à l’émergence de lois néo-libérales sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, son jeune ministre de l'Économie (lois Macron et El Khomri en tête). Un président qui n'a même pas eu le cran de briguer un second mandat, tant le risque d'humiliation était grand.
- Bernard Cazeneuve, furtif Premier ministre de Hollande et ministre de l'Intérieur sous la même mandature, auquel le peuple de gauche reproche, entre autres, la bascule du pays dans un état d'urgence permanent depuis les attentats de 2015, ainsi que la mort de Rémi Fraisse à Sivens (81).
- Jean-Christophe Cambadélis, ex-Premier secrétaire du PS, vieil éléphant apparatchik entré au parti il y a 36 ans. Il traîne diverses casseroles derrière lui, comme celles d'emplois fictifs pour lesquels il a été condamné à de la prison avec sursis, ou encore celle où il est suspecté de détournement de fonds.
- Manuel Valls, alias « M. 5% ». Utilisateur névrotique du 49.3 pour faire passer les lois amorcées par Macron. Considéré comme un traître à gauche suite à la primaire de 2017 où il n'avait pas tenu son engagement de soutenir Benoît Hamon. Candidat officiellement investi par la macronie lors de ces élections législatives... et d'ores et déjà éliminé dès le premier tour, il n'a pas manqué de détermination pour essayer de faire réélire Macron (après avoir toutefois demandé son renvoi en 2016 lorsque ce-dernier n'était encore que son ministre de l'économie)... ou, à défaut, faire élire Pécresse. L'homme est si peu crédible qu'il est moqué jusqu'en Espagne.

Carton plein pour Manuel Valls
Dessin d'Ara, pour FranceSoir

Toutes ces personnalités politiques aux vestes réversibles ont été des « ténors du PS ». Toutes ont eu le loisir de gouverner et ont vu leurs politiques être profondément rejetées par un peuple de gauche dont elles se réclament pourtant toujours.

Si ces hommes politiques, dits de gauche, ne votent pas pour la gauche lors de cette élection, quel choix leur reste-t-il alors ? 

Celui de Macron.

Un constat déjà établi de longue date, mais qui se révèle enfin au grand jour. Entre les « ténors » du PS et les électeurs de gauche, le divorce semble à présent définitivement consommé.

En définitive, c'est encore Manuel Valls qui résume le mieux les choses. Dans une tribune parue dans L'Express, le 29 avril dernier, il écrit : « Quelques heures d'une discussion, asymétrique, entre un parti républicain très affaibli et un parti extrémiste revigoré, dont la décence et la cohérence politiques auraient imposé qu'elle n'ait même pas lieu. Du côté du Parti socialiste, aucune idée sur la table, pas de ligne rouge, pas réellement d'exigences. Il s'agit de sauver des personnes, des circonscriptions, des finances. Voici que l'on se vassalise pour ne pas s'appauvrir, que l'on vend son âme pour ne pas perdre la face. ».

Vendre son âme, perdre la face, afin d'essayer de sauver sa personne, sa circonscription, ses finances, sans aucune idée sur la table, sans ligne rouge, ni réellement d'exigence, ce sont bien évidemment des choses avec lesquelles Manuel Valls n'est pas familier.

Si Manuel Valls a touché juste dans cette tribune, c'est à l'écriture de sa première phrase : « Quelques jours seulement ont suffi pour que les masques tombent à gauche. ». Un constat assez largement partagé en effet.

Dessin de Ara, pour France-Soir
Dessin d'Ara, pour FranceSoir

Le subterfuge est donc manifeste. La cible des Hollande, Valls, Cazeneuve, n'a en réalité jamais été Emmanuel Macron, mais bien Mélenchon depuis toujours. Tous participent à cette chasse commune, si bien que l'on peut considérer qu'un front républicain, aux fortes teintes bourgeoises, s'appuyant sur une alliance allant de l'extrême-droite aux ex-éléphants (esseulés) du PS, est bel et bien en train de voir le jour en ciblant ouvertement la seule véritable force de gauche actuellement présente dans le paysage politique français.

Et de ce nouvel état de fait, la NUPES a conscience. Ses représentants vont d'abord s'en amuser en moquant ce que leur nouvelle union semble provoquer comme peur chez leurs adversaires.

La moquerie s'estompe vite en revanche lorsque la polémique autour de Taha Bouhafs prend de l'ampleur. Une affaire qui a rapidement secoué la jeune alliance. Alimentée d'abord en interne par un Fabien Roussel farouchement résolu à éjecter le jeune postulant à la députation, le camp d'en face ne rêvait quant à lui pas de meilleur sujet pour pouvoir taper à l'unisson sur la NUPES et sur son journaliste-militant, à qui il est reproché une agression sexuelle et une condamnation pour injure publique, pour laquelle il a fait appel. Un os à ronger idyllique pour ce front républicain « version législatives 2022 » qui peut alors allègrement orienter sa communication sur l'anti-républicanisme de Bouhafs, et donc par extension, de Mélenchon et de « cette gauche-là » en général.

Face à la vindicte grandissante, les cadres de LFI seront forcés de monter au créneau et de sortir les crocs dans la presse, tandis que Taha Bouhafs, de son côté, a décidé de retirer sa candidature pour faire taire la polémique.

 

L'étiquette NUPES recalée par Beauvau, Ensemble ! validé

L'affaire Taha Bouhafs s'estompant peu à peu, c'est un autre sujet qui domine l'actualité et que ne va plus du tout faire rire les membres de cette nouvelle alliance de gauche. En effet, suite à une circulaire, le ministère de l'intérieur a décidé de lui refuser l'étiquette NUPES, en prétextant une obscure raison de couleurs politiques, alors que dans le même temps il a validé celle d'Ensemble !. C'est-à-dire qu'il n'est pas possible pour les candidats NUPES issus du PS, du PCF, de LFI, de EELV ou autres, d'être référencés sous cette étiquette, quand les candidats de Renaissance, du Modem et tous les autres satellites de la macronie, eux, le pourront sous celle d'Ensemble !.

Conséquence directe : le soir du premier tour des législatives, plutôt que de voir le score de chaque candidat regroupé sous une même étiquette de gauche, ils seront tous comptés séparément. Là où les chiffres de la majorité présidentielle seront, eux, dénombrés Ensemble!.

Un tour de passe-passe qui a fortement agacé la coalition de gauche. Un recours a été déposé au Conseil d'État, qui a depuis donné raison à la NUPES. La coalition de gauche pourra donc finalement bien se ranger derrière une seule et même étiquette. En attendant, Mélenchon, à défaut de questionner – pour ne pas dire incarner – la République, s'est tout de même interrogé sur la vitalité de la démocratie française : « Effacer ses adversaires du tableau des résultats, est-ce encore la démocratie ? ».

Manuel Bompard (LFI/NUPES), sur Twitter, entend répondre point par point au ministère de l'Intérieur. Il ne comprend notamment pas la différence de traitement entre NUPES et Ensemble ! : « Selon la circulaire, "cela tend à démontrer la volonté pour ces candidats de rester attachés à leur parti d’origine". Pourtant LREM et le MoDem n’ont pas fusionné. Ils ont chacun investi des candidats selon leurs règles propres. Pourquoi cet argument ne leur est-il pas appliqué ? ».

Finalement, face à cette restructuration de la gauche, tous les coups sont permis. Les lances à incendie ont été sorties, tant du côté du RN que de celui de la macronie. Les deux courants ont visiblement décidé d'attaquer conjointement et de plein fouet l'adversaire le plus dangereux à leurs yeux : la NUPES. 

La suite de cet article est à lire ici :

Bourgeois de gauche et sociaux-démocrates, seul véritable enjeu électoral pour la macronie

En réalité, le seul réel enjeu, dans cette grande farce politique à laquelle nous assistons durant cette campagne, consiste à garder dans le giron de ce « front républicain de droite » le camp des bourgeois de gauche et des sociaux-démocrates. Toute la stratégie de communication...

Un front républicain macroniste-lepeniste en marche contre la gauche [3/5]

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