Génocide rwandais : l'opération Turquoise aurait permis de fournir des armes aux génocidaires hutus

Auteur(s)
Maxime Macé
Publié le 28 juin 2017 - 14:43
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Opération turquoise au Rwanda en 1994.
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©Hocine Zaourar/AFP
Selon Patrick de Saint-Exupéry, l'opération Turquoise aurait permit d'acheminer des armes aux forces du gouvernement génocidaire hutu.
©Hocine Zaourar/AFP
Selon le témoignage d’un haut fonctionnaire rapporté par la revue "XXI", l’ordre officiel de réarmer les génocidaires hutus lors de l'opération Turquoise en 1994 a été donné par l’Élysée. Alors secrétaire général de l' Elysée, Hubert Védrine est directement mis en cause.

Les accusations sont graves et le dossier de la France dans le génocide rwandais s'épaissit encore un peu plus. Dans le dernier numéro du magazine XXI, le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, spécialiste du conflit, évoque l'existence d'un document compromettant à l'encontre d'Hubert Védrine, alors secrétaire général de l'Élysée sous la présidence de François Mitterrand.

Le 6 avril 1994, l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana est abattu alors qui devait atterrir à Kigali, la capitale du Rwanda et le chef de l'Etat est tué. Le pouvoir échoit alors au colonel Bagosora, extrémiste hutu, qui fait assassiner la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, hutue modérée. Dès le lendemain du crash de l'avion présidentiel, les massacres systématiques de Tutsis commencent, perpétrés aussi bien par les milices extrémistes Interahamwe que par les membres de l'armée rwandaise, garde présidentielle en tête.

Le 22 juin 1994, la France, avec l'aval des Nations unies, lance l'opération Turquoise depuis le Zaïre, destiné officiellement à arrêter les massacres en cours alors que le gouvernement hutu se repli vers l'ouest du pays face à l'avancé du Front patriotique rwandais (FPR) de l'actuel président tutsi Paul Kagamé qui a lancé une opération d'envergure depuis l'Ouganda pour défaire les extrémistes hutus.

Selon l'enquête de XXI, s'appuyant sur le témoignage d'un haut fonctionnaire ayant eu accès aux archives françaises (ouvertes en partie en avril 2015 par François Hollande), l'opération Turquoise aurait permis d'acheminer des armes aux forces du gouvernement génocidaire alors en plein débâcle face au FPR, en violation de l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies un mois plus tôt. Une affirmation qui vient corroborer la thèse que la France, sous couvert de sauver les populations tutsies, aurait voulu sauver un régime qu'elle a longtemps soutenu. Ce réarmement aurait été validé par une note manuscrite d'Hubert Védrine: "Elle disait qu'il fallait s'en tenir aux directives fixées, donc réarmer les Hutus", explique Patrick de Saint-Exupéry. Et d'ajouter que "le 16 avril 2014, entendu devant la commission de la défense de l'Assemblée nationale, Hubert Védrine a dit, je cite: +Ce n'est pas la peine de découvrir sur un ton outragé qu'il y a eu des livraisons qui ont continué (…). Cela n'a rien à voir avec le génocide+".

Selon le journal Le Monde, un ancien officier de l’armée de terre, Guillaume Ancel, déployé au Rwanda dans le cadre de l’opération Turquoise, confirme ces accusations. Il affirme avoir vu la réalisation d’une de ces livraisons dans la deuxième quinzaine de juillet 1994. "Le commandant adjoint de Turquoise sur la base de Cyangugu m’a demandé de retenir l’attention de journalistes pour laisser passer un convoi d’armes vers le Zaïre. (…) Il y avait une dizaine de camions chargés de containers. (…) J’étais effaré que nous fassions cela alors que nous les avions en partie désarmés et que nous savions qu’ils avaient du sang jusqu’au cou", fait-il savoir.

Par ailleurs, l'Etat français est régulièrement accusé par le président Kagame et les associations de victimes du génocide d'avoir apporté un soutien logistique, militaire et financier au régime de Juvenal Habyarimana et d'avoir facilité l'exfiltration de hauts dignitaires du régime génocidaire alors que ceux-ci perdaient le conflit qui les opposaient aux rebelles du FPR.

En une centaine de jours, entre avril et juillet 1994, quelque 800.000 personnes, essentiellement issues de la minorité tutsie, ont été tuées selon l'ONU. Les répercutions de ce conflit ont été catastrophiques pour la région des Grands Lacs, notamment dans l'est de la République démocratique du Congo où les massacres liés au génocide se sont poursuivis pendant de longues années.

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