Loi Sapin II sur la transparence : un test pour rassembler la gauche
A moins d'un an d'une présidentielle plus que périlleuse pour la gauche au pouvoir, ce texte entend poursuivre "le récit du Bourget", référence au fameux discours de campagne de François Hollande ("Mon véritable adversaire, c'est le monde de la finance"), selon ses rapporteurs socialistes, Sébastien Denaja, Romain Colas et Dominique Potier. Reste à savoir si le conflit persistant autour du projet de loi travail ne va pas parasiter l'ambiance.
Vingt-trois ans après sa première loi anticorruption, Michel Sapin, ministre des Finances et proche du président, porte ce vaste projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique devant notamment permettre à la France de "rattraper son retard". Ses collègues Jean-Jacques Urvoas (Justice), Emmanuel Macron (Economie) et Stéphane Le Foll (Agriculture) pilotent les volets de leur compétence. Près de 1.500 amendements ont été déposés sur ce texte de 57 articles, globalement bien vu par tous les groupes de gauche mais partageant la droite.
Outre une transparence accrue, "condition sine qua non pour que nos concitoyens retrouvent confiance dans les institutions publiques et dans une économie ouverte et saine", l'objectif est d'encourager "le financement de l’économie réelle" mais aussi de lutter "contre la finance qui corrompt", selon M. Sapin. Dans le classement de l’ONG Transparency international, la France occupait en 2015 le 23e rang en termes de lutte contre la corruption, sur 104 pays notés.
Et, en 2014, l'OCDE n'avait pas trouvé à la hauteur l'arsenal de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers issu notamment de la loi Sapin I, et épinglé le peu d'allant pour poursuivre les entreprises nationales s'en rendant coupables. Une série de sociétés françaises ont été condamnées à l'étranger, pour l'essentiel aux Etats-Unis, comme Alstom, Total, Technip ou Alcatel.
Outre la possibilité de condamner en France un dirigeant pour des faits de corruption à l'étranger ou le pouvoir donné à certaines associations d'ester en justice, le projet de loi crée une "Agence française anti-corruption" et un cadre de protection pour les lanceurs d'alerte.
L’affaire des Panama Papers ou celle des Luxleaks ont mis en lumière récemment le rôle crucial des lanceurs d’alerte, mais aussi les risques professionnels et personnels encourus. Le lobbying doit aussi être plus encadré avec ce texte.
Si le gouvernement a retiré le controversé dispositif de transaction pénale, qui devait permettre aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de payer une amende pour s’éviter un procès -sur le modèle du "plaider coupable" américain-, une alternative a été introduite en commission par certains socialistes. De quoi alimenter des débats "âpres", a prévenu le président de la commission des Lois, Dominique Raimbourg (PS), selon lequel le ministre de la Justice est "opposé à tout mécanisme de transaction".
Dans une période pré-électorale où la majorité recherche des marqueurs de gauche, la rémunération des dirigeants d'entreprises s'est rajoutée au menu du projet de loi. Finalement décidé à légiférer après les nouvelles polémiques concernant Carlos Ghosn (Renault) et Carlos Tavares (PSA), l'exécutif a opté pour rendre contraignants, via un amendement PS, les avis des assemblées générales d'actionnaires.
Quant à la transparence accrue pour lutter contre l'évasion fiscale, les rapporteurs vont proposer d'étendre à tous les pays mais sous conditions le "reporting" public des activités des multinationales. Promesses d'autres discussions dans l'hémicycle, les mesures pour assouplir les règles d'entrée dans certains métiers font craindre à l'artisanat "nivellement par le bas" et "concurrence déloyale".
L'UPA a envoyé des "boxes" à six ministres pour s'"improviser artisan", ironisant sur un Manuel Valls reconverti en plâtrier, Michel Sapin en boulanger, ou Emmanuel Macron en esthéticien.
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