Présidentielle - Santé : "C'est la fin de l'hôpital public d'ici 10 ou 15 ans"

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Propos recueillis par Damien Durand
Publié le 19 avril 2017 - 13:47
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Hôpital illustration.
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©Humbert Nicolette/Sipa
"Les mesures proposées ne sont pas à la hauteur de la fonction présidentielle" explique Antoine Vial.
©Humbert Nicolette/Sipa
A quatre jours du premier tour de l'élection présidentielle, la santé peine à s'imposer comme un sujet majeur de la campagne en dépit de l'urgence des réponses à apporter. Antoine Vial, auteur de "Santé: le trésor menacé" (L'Atalante) alerte sur l'indigence des propositions des candidats alors que tous les signaux sont au rouge.

A quelques jours du premier tour de la présidentielle, les questions de santé peinent à rythmer le débat, alors qu'elles sont pourtant au coeur des préoccupations de l'électorat, et qu'il y a urgence. Antoine Vial, expert en santé publique et membre du conseil d’administration de la revue Prescrire, dans un ouvrage –Santé: le trésor menacé (L'Atalante)– lance un message désespéré sur la situation sanitaire et hospitalière en France. A la veille de l'échéance, il répond aux questions de FranceSoir.

 

> Vous critiquez dans votre livre la faible place accordée aux questions de santé dans cette campagne. Y a-t-il une indifférence, voire un mépris face aux enjeux de la santé pour cette élection?

"Je ne parlerais pas de mépris mais de méconnaissance. Il y a une vraie fracture entre deux mondes, ceux qui ont accès aux soins facilement et qui ne perçoivent pas la réalité du reste de la population. Quand on se fait soigner dans des hôpitaux militaires, on peine à comprendre la réalité de l'hôpital Lariboisière.

"Bien sûr, on ne peut pas demander à un homme politique d'être partout, et de tout percevoir. La question que je me pose est donc de savoir s'ils sont vraiment bien conseillés. Prenez François Fillon par exemple, il est conseillé par Bernard Debré (député et urologue de profession, NDLR). Ce dernier a une vraie vision des questions de santé, mais a-t-il des problèmes pour se faire soigner? Je ne pense pas.

"La santé est vue par nos hommes politiques –et c'est quelque chose qui leur est enseigné dès l'ENA– comme un sujet sur lequel il n'y a que des coups à prendre, entre des hospitaliers qui peuvent facilement se mobiliser, et des médecins libéraux perçus comme des relais électoraux".

 

> Mais pourquoi les candidats ne se positionnent-ils pas franchement sur des sujets comme l'accessibilité médicale, ou les effectifs hospitaliers ? Il s'agit de sujet qui font presque l'unanimité dans l'opinion, non?

"Je me fais la même interrogation, et je n'arrive pas à avoir la réponse… Je pense que les dirigeants politiques ont peur de toucher à des sujets qui, une fois la réforme déclenchée, peuvent générer des effets qu'ils ne maîtrisent pas.

"Alors on se contente en attendant de mesures sans grande portée. Tous les candidats reconnaissent la gravité de la désertification médicale, mais la seule réponse apportée est la modification du numerus clausus qui ne changera pratiquement rien".

 

> Les candidats ont malgré tout des programmes à proposer. Sont-ils tous alors hors-sujet sur la résolution des problèmes de santé en France?

"Un président de la République, pour moi, doit avoir une vision, une ambition. L'hôpital public est menacé, alors si un président envisage réellement sa disparition, qu'il le dise, qu'il l'assume. Car c'est quelque chose qui va se passer d'ici dix ou quinze ans.

"Les mesures proposées ne sont pas à la hauteur de la fonction présidentielle. Tous les candidats veulent mettre en avant des dispositifs de type +maisons de santé+. Pourquoi pas, mais on parle là d'une mesure qui est du ressort d'un ministre de la Santé, pas au-delà.

"J'attends avec impatience le passage du premier tour, pour que nous puissions voir ce que les deux finalistes envisagent vraiment sur la question de la santé. J'espère qu'ils seront sollicités là-dessus, notamment par les journalistes. Si rien n'est fait, la France va se retrouver, réellement, dans une situation de misère médicale".

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