Covid au Royaume-Uni : Rishi Sunak défend les décisions du gouvernement Johnson
MONDE - Quelques jours après l’audition de l’ancien Premier ministre britannique, Boris Johnson, devant la commission d’enquête publique sur la gestion de la pandémie de Covid-19, c’est au tour de Rishi Sunak de revenir sur les circonstances et les coulisses des principales décisions du gouvernement à cette époque-là. L’actuel Premier ministre, qui était chargé du Trésor sous Boris Johnson, a affirmé lundi 11 décembre 2023 ne pas partager la description d’un exécutif “incompétent”, “incapable” et “en proie à des luttes intestines”, faite par d’anciens collaborateurs du cabinet durant cette enquête. S’il a exprimé sa “profonde désolation” aux familles des victimes de la pandémie, il insiste que les “débats qui faisaient rage” au 10 Downing Street “n'étaient pas nécessairement une mauvaise chose”. Rishi Sunak, qui a défendu son programme “Eat Out to Help Out” visant à protéger les emplois des secteurs de la restauration et de l’hôtellerie, a également été interrogé sur ses propres échanges WhatsApp avec les autres dirigeants, affirmant ne pas les avoir gardés.
Avant l’audition du Premier ministre britannique, la commission d’enquête, annoncée en mai 2021 et mise en place en juillet 2022, a entendu, depuis le début des audiences en juin 2023, de nombreux anciens collaborateurs de Boris Johnson au gouvernement. Les interventions des experts, des juristes et des spécialistes de gestion des situations de crise ont vite cédé place aux audiences les plus attendues : celles des membres de l’exécutif, dont les échanges sur WhatsApp avaient été divulgués au public par The Daily Telegraph et son enquête sur les “Lockdown Files”.
Parmi les premiers dirigeants à s’être expliqués devant les avocats, les témoins et Heather Hallett, présidente de la commission, figurent Lee Cain, directeur de la communication, et Dominic Cummings, conseiller politique de l’ex-Premier ministre. Leurs témoignages, dans lesquels Boris Johnson a été qualifié de “girouette”, “d’incompétent” et de “menteur”, en disaient beaucoup sur l’ambiance qui régnait au coeur du pouvoir lors des premiers mois de la pandémie. Les messages WhatsApp révélés par les “Lockdown Files” dépeignaient des collaborateurs très souvent en désaccord sur les principales décisions comme le confinement et le port du masque, et en proie à “l'incompétence” et à une “incapacité à se décider”.
Jamais sans l’avis des scientifiques...
Ce n’est pourtant pas le souvenir que Rishi Sunak garde du gouvernement à cette période. Le Premier ministre a estimé qu’il n’était pas “nécessairement une mauvaise chose” que les échanges aient été houleux, compte tenu des décisions à prendre. "Il est vrai qu'il y a eu un débat vigoureux parce qu'il s'agissait de décisions incroyablement lourdes de conséquences pour des dizaines de millions de personnes dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de l'économie, du social (...) Il s'agissait de décisions incroyablement importantes, qu'aucun Premier ministre n'a prises depuis des décennies, sinon jamais", a-t-il ajouté.
Il rappelle néanmoins ne pas avoir directement travaillé au cabinet du PM ni au siège du gouvernement. “Il m'est donc difficile de commenter cela autrement que par mes interactions" (avec ses collaborateurs et son ex-patron).
A propos des décisions prises par Boris Johnson et ses ministres, Rishi Sunak a sans cesse insisté sur le fait que celles-ci étaient basées sur “les conseils des scientifiques”. “Mon souvenir fort de cette période est que le gouvernement a agi, je pense, presque immédiatement, sur les recommandations du Sage (Scientific Advisory Group for Emergencies, Groupe consultatif scientifique pour les urgences, NDLR)”, a-t-il déclaré. “Évidemment, ces conseils ont changé au fil des semaines (...) mais en grande partie, je me souviens que le gouvernement a agi sur les conseils qui ont été donnés”.
L’ancien ministre chargé du Trésor a dit ne pas se souvenir de la réunion du gouvernement au cours de laquelle le confinement a été décidé ni du débat qui a précédé, réitérant que “toutes ces réunions se sont basées sur les avis scientifiques qui ont été émis”.
Etait-il opposé au confinement ? Rishi Sunak a précisé que la déclaration du juriste Hugo Keith selon laquelle il était “violemment opposé à un confinement” était une “description erronée” de sa position. “J'étais opposé à un firebreak lockdown (confinement de courte durée visant à réduire la propagation du virus, NDLR) en septembre parce que je ne pensais pas qu'il aurait atteint les objectifs déclarés, ce que la plupart des gens reconnaissent maintenant et j'ai eu des preuves. Cela n’a pas évité la nécessité d’un deuxième confinement”, dit-il.
Rishi Sunak présente à son tour ses excuses
Tout comme son prédécesseur, le Premier ministre reconnaît l’absence de “données de qualité” à ce moment-là. Boris Johnson a déclaré la semaine passée avoir décrété le confinement “sans vraiment être sûr” des données. “Les avis scientifiques devenaient de plus en plus prudents. J'avais l'impression que nous n'avions plus de marge de manœuvre”, s’est-il justifié.
“L’une de mes réflexions générales dans ce domaine concerne les données et l’accès à des données de qualité. Je pense qu’il est très clair qu’au début, il n’y avait tout simplement pas la qualité ni des données d’actualité dans tous les domaines pour prendre des décisions”, explique, quant à lui, Rishi Sunak.
A propos de son programme “Eat Out to Help Out” (Manger dehors pour aider), qui impliquait à partir de l’été 2020 des subventions gouvernementales de la nourriture et des boissons à hauteur de 50 % dans les cafés et restaurants, l’ancien chancelier de l'Échiquier a rappelé que cette mesure visait à soutenir les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie et réduire l’impact de la pandémie. “Ma principale préoccupation était de protéger les millions d’emplois des personnes particulièrement vulnérables qui travaillaient dans cette industrie (...). Toutes les données, toutes les preuves, tous les sondages, toutes les contributions de ces entreprises suggéraient que si nous n'agissions pas, bon nombre de ces emplois auraient constitué un risque avec des conséquences dévastatrices pour ces personnes et leurs familles”.
Il juge avoir eu raison de ne pas avoir consulté les scientifiques ni le secrétaire d’État à la Santé, Matt Hancock, pour lancer ce programme, estimant que les personnes qui n’étaient pas d’accord avaient “amplement l’occasion” de lui faire part de leurs préoccupations, mais qu’ils ne l’ont jamais fait.
A propos de ses propres échanges WhatsApp, Rishi Sunak, qui a présenté ses excuses et s’est dit “profondément désolé” pour les familles des victimes, a déclaré à la commission ne pas les avoir conservés. “J’ai changé de téléphone plusieurs fois au cours des dernières années et, comme cela s’est produit, les messages n’ont pas été gardés”.
Cette audience intervient à un moment délicat pour le Premier ministre britannique et son parti, les Tories, plus impopulaires que jamais après avoir essuyé plusieurs revers électoraux ces derniers mois. Rishi Sunak et sa politique sont qualifiés par certains d’être “pro-WEF” (World Economic Forum). Le Prime Minister mise sur le retour de David Cameron, un Young Global Leader (YGL), habitué du forum de Davos et des réunions secrètes du Bilderberg, pour resserrer les liens au sein des Tories et mener la politique étrangère britannique…
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