Royaume-Uni : auditionnés par la commission d’enquête sur le Covid, d'anciens conseillers de Boris Johnson le chargent
MONDE - Après les experts et les juristes, c’est au tour des ex-membres du gouvernement Johnson d’être auditionnés par la commission d’enquête publique sur la gestion de la pandémie de Covid-19 au Royaume-Uni. Parmi les premières personnalités à témoigner figurent Lee Cain, ancien directeur de la communication, et Dominic Cummings, conseiller politique de l’ex-Premier ministre, n’ont pas mâché leurs mots. “Incompétent”, “une girouette”, “un menteur”... Boris Johnson tout comme son staff, dont son ministre de la Santé, Matt Hancock, en ont pris pour leur grade.
Les témoins ont confirmé les informations déjà publiées par The Daily Telegraph et son enquête sur les Lockdown Files qui dévoilait, à travers des messages WhatsApp, les coulisses des principales décisions des autorités dans le cadre de la lutte contre la pandémie comme la vaccination, le port du masque, la fermeture des écoles ou encore le confinement.
Quand la journaliste du Daily Telegraph, Isabel Oakeshott, a dévoilé les 2,3 millions de mots de messages WhatsApp échangés par les dirigeants britanniques pendant la pandémie, elle a justifié sa décision par la lenteur de cette enquête publique. “Annoncée en mai 2021, [celle-ci], qui [avait] déjà coûté jusqu’à 85 millions de livres sterling – [n’avait] pas même commencé ses audiences officielles”. La commission, mise en place en juillet 2022 après des mois de pression de la part des familles des victimes, n’a entrepris ses audiences qu’en juin 2023.
Hancock ? “Incompétent”. Johnson ? “Une girouette”
Les experts, les juristes et les spécialistes de gestion des situations de crise étaient les premiers appelés à la barre. Les proches des victimes ne font pas partie des témoins devant être auditionnés par cette commission, qui n’a aucun pouvoir pour porter des accusations criminelles ou civiles contre des individus. Néanmoins, au moins trois Premiers ministres, à savoir David Cameron, Boris Johnson et Rishi Sunak ainsi que de nombreux de leurs ministres, hauts fonctionnaires seront auditionnés. Chris Whitty et Patrick Vallance, médecins et scientifiques en chef pendant la pandémie, devront aussi s’expliquer.
Le mardi 31 octobre, deux membres influents de l’administration Johnson ont témoigné devant la commission d’enquête, présidée par l’ancienne magistrate Heather Hallett. Il s’agit de Dominic Cummings, chef de cabinet et conseiller politique de l’ex-Premier ministre, et de Lee Cain, ancien directeur de la communication. Face aux enquêteurs, le premier a été confronté aux messages qu’il a échangés en 2020, dans lesquels il qualifiait Matt Hancock de ministre “incompétent, menteur, seulement intéressé par les plateaux télé”, et Boris Jonhson de “girouette, […] pas inquiet d’avoir l’air d’être un Premier ministre qui travaille avec une équipe d’incapables”. Le conseiller a présenté des excuses pour le “langage déplorable” mais assume et maintient ses propos, qui représentaient, selon lui, l’opinion majoritaire au sein de l’administration.
Le chef de cabinet révélait également que son Premier ministre était qualifié de “caddie” de supermarché, en référence à sa propension à être influencé par ses conseillers dans les prises de décisions. Un élément déjà apparent dans les révélations des Lockdown Files. Une information confirmée par Lee Cain, ex-directeur de la communication de Boris Johnson. “Il se décidait en fonction de la dernière personne consultée dans la pièce. C’est quelqu’un qui retardait souvent la prise de décision. Il demandait souvent conseil à plusieurs sources et changeait d'avis sur certaines questions. C’était épuisant”, a-t-il déclaré.
Concerné, Rishi Sunak refuse de dévoiler ses échanges
S’il reconnaît qu’un consensus en politique “pouvait être une grande force”, Lee Cain estime que le contexte ne s’y prêtait pas : “Si vous regardez quelque chose comme le Covid, vous avez besoin de décisions rapides et vous avez besoin de gens qui maintiennent le cap et qui ont la force d’esprit de le faire.”
Il a évoqué, devant les enquêteurs de la commission, un gouvernement “confus”, “indécis”, déchiré “entre les intérêts sanitaires et politiques”. Il ne mâche pas ses mots non plus, expliquant que le prédécesseur de Rishi Sunak était “incompétent”. “C'était la mauvaise crise pour les compétences du Premier ministre”, a-t-il conclu.
Un autre conseiller, Martin Reynolds, a témoigné, admettant que son patron “soufflait le chaud et le froid”. Des messages WhatsApp de Simon Case, ex-secrétaire général de Downing Street, dans lesquels il estimait Johnson “incapable de diriger” ont également été divulgués. "Je suis au bout du rouleau. Il change de direction stratégique tous les jours", confiait-il sur l’application de messagerie.
Au début de la pandémie de Covid, l’ex-dirigeant conservateur s'était vu reproché d'avoir hésité à prendre des mesures, mais celles-ci, une fois prises, ont été maintenues sans aucune raison valable, si ce n’est pour des considérations purement politiques. Son successeur, Rishi Sunak doit également être auditionné en sa qualité d’ex-ministre des Finances et du Trésor pendant plus de deux ans (2020-2022).
La présidente de la commission, Heather Hallett, a demandé au gouvernement de Sunak de lui fournir de nouveaux documents, dont des échanges WhatsApp entre son prédécesseur et son équipe. Elle a toutefois essuyé le refus du Premier ministre, qui a affirmé que ces échanges n’avaient “aucun rapport” avec cette enquête.
Pour de nombreux observateurs, Rishi Sunak doit son élection à sa popularité acquise grâce à ses mesures prises durant la pandémie. Ces auditions sur la gestion de la pandémie de Covid interviennent dans un contexte politique compliqué pour lui, et le Parti conservateur, qui viennent d’essuyer un troisième revers électoral en quelques mois face aux Travaillistes.
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