Les vaccins OGM, retour sur une décision en catimini au Parlement européen
INTERVIEW EXCLUSIVE : Michèle Rivasi, est députée européenne depuis 2009, et membre d’Europe Écologie Les Verts (EÉLV). Elle est spécialiste des questions de santé environnementale et de santé publique au Parlement européen où elle mène un combat sans relâche pour la transparence et l’accès aux données et à l’information, contre les lobbys qui nous empoisonnent : agro-alimentaire, chimique, pharmaceutique. Elle est professeure agrégée de sciences naturelles et titulaire d’un DEA en didactique des sciences.
Ce 10 juillet a été voté en catimini au parlement européen sans vrai débat démocratique, en urgence, une loi sur les vaccins OGM qui pourrait nous impacter tous. Michèle Rivasi nous explique.
FS : Que s’est-il passé exactement le 10 juillet ? Qu’est-ce qui a été décidé par le parlement européen ?
MR : Le Parlement européen a adopté le 10 juillet 2020 une proposition de la commission européenne visant à alléger les exigences préalables aux démarrages d’essais cliniques avec des médicaments consistant ou contenant des OGM. Le texte a été adopté à une large majorité de 505 voix pour, contre 67 et 109 abstentions. Nous sommes près de 10 % des membres du Parlement européen à avoir voté contre, dont la quasi-totalité des eurodéputés français EELV.
Ce texte dangereux, dispense notamment les fabricants de ces traitements et vaccins basés sur des OGM à fournir l’étude d’évaluation des risques environnementaux et de biosécurité préalable à tout demande d’essai clinique et de mise sur le marché de tels médicaments que demandait jusqu’ici la législation OGM.
La Commission précise que cela ne concerne que les essais cliniques, n’est valable que dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, et tant que celui-ci est classé comme une pandémie ou considérée comme une urgence de santé publique. Il n’empêche que cette proposition de dérogation à la législation OGM pour des médicaments OGM expérimentaux anti Covid19 est pour nous, les Verts, un très mauvais signal contraire au principe de précaution.
Ce qui est aussi terrible, c’est que ce vote s’est déroulé sans aucun débat politique, sans laisser la possibilité aux députés de poser des questions.
FS Comment est-ce possible ? Comment en est-on arrivé là ?
MR : Cette dispense s’est faite en dix jours. Tout part de la publication le 17 juin par la Commission Européenne de sa stratégie vaccins contre la Covid-19 de l’UE. Suit alors, fin juin, l’information qu’une proposition de modification de règlement – proposée par la Commission Européenne, car c’est elle qui a le « pouvoir d’initiative » législatif – va être soumis au vote du Parlement via une procédure d’urgence.
Ce sont les députés dits « coordinateurs ENVI », qui représentent la voix des groupes politiques au sein de leurs commissions parlementaires respectives, qui ont accepté la proposition de procédure d’urgence et validé le reste du processus. Une fois obtenue l’accord des 3 principaux groupes politiques euro parlementaires – le centre droit conservateur PPE, les socialistes SD, et les libéraux RENEW où siège En Marche – la majorité est acquise et les petits groupes comme les Verts (68 députés), l’extrême gauche (GUE, 39 députés), l’extreme droite (ID, 76 députés) font office de figurants.
Cette procédure d’urgence permet d’éviter de passer l’étape de la discussion et du vote en Commission Environnement du Parlement Européen et d’aller directement en plénière.
On court-circuite ainsi un premier niveau de débat politique. Ensuite, en plénière, le vote de cette résolution d’urgence s’est lui également déroulé sans débat public.
Deuxième court-circuit. On gagne du temps, on fait vite, il nous a même été demandé de ne pas voter d’amendement pour éviter des négociations supplémentaires qui aurait rallongé les délais de mise en œuvre. De son côté, le Conseil des Etats-Membres a voté le texte de la Commission le 3 juillet. Ensuite, lors de notre séance plénière de juillet, la seule de l’été, donc l’unique chance de faire adopter le texte avant septembre, le texte soumis par la commission européenne a donc été adopté le vendredi 10 juillet tel quel par le Parlement, sans modification, afin de ne pas retarder son application, effective depuis le 15 juillet.
Il y a clairement eu une instrumentalisation des procédures d’urgence du Parlement par la Commission, afin d’éviter un débat démocratique sur les vaccins OGM qui risquait de manquer d’unanimité et aurait soulevé des vérités qui dérangent, en particulier sur le caractère expérimental des vaccins OGM et sur les multiples dérogations visant à faciliter leur mise sur le marché.
En parallèle, il faut aussi savoir qu’une audition parlementaire sur la fourniture des vaccins anti-Covid-19 au sein de l’EU était programmé le 2 juillet. Cette audition parlementaire aurait eu lieu avant les votes favorables du Conseil, puis celui du Parlement européen. Mais ce débat, lui aussi trop risqué peut-être, a été annulé – par manque de disponibilités des intervenants invités a-t-il été dit, et reporté a plusieurs reprises. Cette audition va finalement avoir lieu le 22 septembre, avec 3 représentants "pharma" et un représentant d’ONG. Un autre débat sur les vaccins est prévu avec la Commission européenne la semaine prochaine, lundi 7 septembre.
FS : Pourquoi vous être prononcée contre cette dérogation ?
MR : La première chose à comprendre est que ces vaccins OGM anti-Covid-19 sont des médicaments hautement expérimentaux. Nous ne savons quasiment rien sur leurs effets génétiques à moyen ou long terme.
Tout d’abord, depuis 2003 et la poussée du SARS en Asie, la communauté scientifique n’a jamais réussi à mettre au point un vaccin anti-coronavirus. Ensuite, il y a plusieurs technologies OGM différentes employées pour développer les divers vaccins OGM anti Covid-19 en cours d’évaluation. Parmi ces technologies OGM, trois n’ont jamais fait l’objet d’autorisation pour des médicaments à usage humain.
Les vaccins OGM représentent un nouveau marché pour les fabricants d’OGM, un marché très prometteur où les start-up et les licornes se bousculent. Il faut savoir qu’une bonne partie des vaccins OGM sont issus des techniques de thérapies géniques...
sauf que ces thérapies géniques ne sont pas maitrisées et n’ont pas fait leurs preuves.
Rappelons qu’un essai de thérapies génique menée à partir d’un virus vecteur – un adénovirus similaire au vaccin candidat anti Covid19 porté par AstraZeneca – a entrainé l’apparition de cancer du sang chez deux des dix bébés bulles participant à l’essai supervisé par le professeur d’immunologie Alain Fisher en 2003. Les spécialistes parlent d’« oncogénicité insertionelle » pour décrire ce risque de cancer induit par manipulation génétique.
Ajoutons à cela qu’au nom de l’urgence sanitaire, il a été acté depuis avril 2020 que les traitements et vaccins anti-Covid vont bénéficier de procédures « accélérées » d’évaluation et d’autorisation.
C’est-à-dire que les décisions vont être prises sur la base de données incomplètes ou en faisant jouer des dérogations…
On affaiblit la législation pour aller plus vite, mais au lieu de faire plus de recherches, on augmente la part d’inconnues, d’incertitudes sur la base de promesses de l’industrie OGM. C’est le monde à l’envers.
Cette tendance « allégée » va contre le principe de précaution.
On voit bien qu’au nom de la crise sanitaire, on déréglemente à tout-va. On facilite l’installation des antennes-relais en dispensant les entreprises de déclarer leurs travaux aux pouvoirs publics. Ici, dans le secteur des médicaments, c’est la même logique qui prévaut.
Pourquoi accélérer ? Pour répondre à l’urgence sanitaire ? Le même argument a été utilisé en 2009 lors de la crise du H1N1. Cela va aussi et surtout permettre aux groupes pharmaceutiques de bénéficier d’accords commerciaux d’envergure, développant leur valeur boursière. Le ou les premiers arrivés vont emporter le pactole de la commande publique ! Si nous sommes en urgence, ayons le courage politique de geler les cours de la bourse plutôt que nous mettre dans des situations de conflits d’intérêts financiers qui influencent la décision publique.
Nous sommes de plus en plus nombreux à contester ce principe du « toujours moins » législatif, ce que les lobbys décrivent comme un « fardeau administratif » dans le cas du tabac, du plastique, et que l’on retrouve dès septembre 2019 dans le cas des vaccins OGM. On instaure une forme d’irresponsabilité : plus personne n’est responsable de rien. Enfin si, on transfère la responsabilité à l’état, au public. Ce qui fabrique à nouveau du conflit d’intérêts. Car si cela se passe mal, l’Etat n’aura pas intérêt à reconnaître ses torts. Il faudrait plutôt se donner les moyens de vérifier « encore mieux », en ayant plus de recherche publique et moins de partenariat public privé qui permet aux grandes entreprises de bénéficier de fonds publics sans réelles contreparties.
Ensuite, sur les OGM proprement dit, il s’agit aussi d’être cohérent. Nous, les Verts, sommes depuis toujours contre la présence d’OGM dans la chaine alimentaire. Nous sommes très attentifs et très sensibles sur les questions de dissémination et de pollution génétique.
Si l’on ne veut pas ingérer des OGM par nos aliments, ce n’est pas pour que des OGM rentrent en nous, injectés via des vaccins totalement expérimentaux et autorisés à la va-vite.
FS : Vous, avec d’autres députés européens, soulevez d’autres questions. Lesquelles ? Pourquoi vouloir attirer notre attention maintenant sur ces dispositions ?
MR : La première chose, c’est le manque de transparence. Les tractations en cours se déroulent dans la plus grande opacité. Des ONG traitant de santé publique ont attiré l’attention des députés Verts européens sur les conditions extrêmement expéditives dans lesquelles les négociations de préachat sont menées. Les discussions sont menées en tout petits comités, à huis clos, et les conditions de prises de décisions, de gouvernance comme l’on dit, posent question. Les sommes en jeu sont énormes,
mais les décisions de préachat de médicaments ou de vaccins sont prises sans contrôle ou sans observateur démocratique ou citoyen. Il s’agit d’argent public rappelons-le.
Toujours en matière de transparence, nous les Verts, exigeons de la Commission Européenne la plus complète transparence des essais cliniques réalisés ou en cours de réalisation sur les médicaments expérimentaux anti-covid. C’est ce que demande la réglementation européenne et que Big Pharma refuse trop souvent de fournir. Hors de question que ces firmes bénéficient de financements publics et de marchés publicstrès importants, que cela se passe au détriment de la transparence sanitaire.
L’opacité et les petits arrangements entre amis, ça suffit. De plus, puisque nous sommes dans des conditions exceptionnelles qui supposent des mesures exceptionnelles, appliquons des règles de transparence exceptionnelles. Des lors que les données, les méthodes et les résultats des essais cliniques sont fournis à l’Agence Européenne du Médicament, celle-ci doit les mettre à disposition des expertises indépendantes. Nous avons vu dans le cas du scandale de l’article du Lancet combien les données peuvent être bidonnées, erronées et manipulatrices. Même les plus grands, les plus réputés, se sont laissés piéger et provoquant des décisions de santé publique infondées. Il faut pouvoir faire des vérifications indépendantes à partir des données brutes des essais cliniques. C’est la garantie d’une évaluation des travaux de recherche indépendante de l’influence des lobbys pharma.
Ensuite, ce n’est pas en se dispensant de produire des études d’impact préalables, ou en autorisant la mise sur le marché de traitements ou de vaccins avec des données incomplètes, que l’on va disposer de médicaments sûrs et efficaces. C’est même plutôt l’inverse. Au lieu de se donner tous les moyens de s’assurer de l’efficacité et l’innocuité de médicaments expérimentaux, on fait au contraire sauter tous les garde-fous. Une seule chose compte : être le plus rapide possible, on allège les procédures et on évalue avec des données incomplètes. Ce n’est pas ainsi que l’on garantit un haut niveau de protection de la santé publique.
Des procédures accélérées, allégées, de mise sur le marché, c’est une demande de l’industrie des médicaments, pas de la santé publique.
Ce pouvoir d’influence de l’industrie des médicaments se retrouve d’ailleurs sur les annonces récentes portant sur la responsabilité juridique des fabricants. "Les accords d'achat anticipé conclus avec certains laboratoires prévoient que les États membres indemnisent le fabricant pour certaines responsabilités encourues" indique maintenant la Commission européenne. Les entreprises du médicament elles-mêmes pèsent de tout leur poids pour se prémunir des éventuelles actions en justice contre des effets indésirables de leurs traitements ou vaccins.
Ce n’est pas à la population dans ces conditions de devenir cobayes de vaccins et de médicaments expérimentaux présentés comme « sûrs » mais dont les fabricants ne veulent pas assumer les conséquences.
Sources de la citation de la commission :
autres liens sur la question de la responsabilité juridique (liability) :
sur les therapies geniques et l’oncogénicité insertionnelle
https://www.liberation.fr/societe/2003/01/16/bebe-bulle-second-cas-de-leucemie_427913
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