Poutine et Zelensky “voulaient un cessez-le-feu” mais les négociations ont été rompues par les pays occidentaux, explique Bennett

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FranceSoir
Publié le 06 février 2023 - 17:25
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Bennett et Poutine
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YEVGENY BIYATOV/AFP
Le processus de négociation entamé à l’initiative d’Israël en mars 2022, quelques jours après le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, a été rompu par les pays occidentaux, selon l’ex-Premier ministre israélien, Naftali Bennett.
YEVGENY BIYATOV/AFP

Le processus de négociation entamé à l’initiative d’Israël en mars 2022, quelques jours après le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, a été rompu par les pays occidentaux, selon l’ex-Premier ministre israélien, Naftali Bennett, à l'époque médiateur entre Moscou et Kiev. Celui-ci a révélé le samedi 4 février 2023 que les États-Unis, la France et l’Allemagne, qui coordonnaient cette mission, “ont bloqué” le processus. Pourtant, affirme-t-il, “j'avais l'impression qu'ils voulaient tous les deux [Zelensky et Poutine] un cessez-le-feu”.

Dans une longue interview accordée à la chaine israélienne Channel 12, publiée sur sa chaine YouTube le 4 février, Naftali Bennett a dévoilé de nombreux détails sur les coulisses de cette médiation et s'est expliqué sur la position, jusque-là neutre, de son État, soulignant les “pressions des deux parties” au conflit.

Sur demande de Volodymyr Zelensky, “qui était convaincu qu’il y avait une fenêtre réduite dans laquelle un accord pourrait être conclu pour mettre fin à la guerre”, l’ex-Premier ministre israélien s’est rendu en mars 2022 à Moscou pour négocier un accord de paix. "Nous sommes allés dans le secret absolu à travers la région kazakhe parce que nous ne pouvions pas survoler la mer Noire”, avant d'atterrir dans la capitale russe pour rencontrer Vladimir Poutine, explique-t-il.

"Comptez-vous assassiner Zelensky ?", se souvient-il avoir demandé au chef d'État russe, qui, à cette question, lui a promis qu'il n'éliminerait pas son homologue ukrainien. Une réponse que Naftali Bennett a aussitôt transmise à Zelensky, jusque-là retranché dans un bunker secret pour, justement, prévenir toute tentative d'assassinat. Après avoir appris la nouvelle, le dirigeant ukrainien “a regagné ses bureaux quelques heures plus tard et publié une vidéo dans laquelle il affirmait qu’il n’avait pas peur”, raconte Bennett. Du côté ukrainien, il a réussi à obtenir une concession de la part de Zelensky : revenir sur son intention de rejoindre l'Otan.

Dans la même interview, l’homme politique israélien a fait part d'une anecdote sur une autre rencontre avec Vladimir Poutine, à Sotchi deux mois avant le début guerre : “Il était intelligent et pointu (...)" et un soutien des juifs, se rappelle-t-il. Mais la conversation est devenue épicée lorsque le sujet Zelensky a été mis sur la table : "C'était la personne la plus gentille du monde jusque-là. Tout à coup, il m'a lancé un regard froid et m'a dit : 'Ce sont des nazis, ce sont des bellicistes, je ne le [Zelensky] rencontrerai pas'", lui aurait lancé l’ancien agent du KGB. Pour justifier son "opération militaire spéciale" sur le territoire ukrainien, Vladimir Poutine avait mis en avant la nécessité de “démilitariser” et “dénazifier” le territoire ukrainien.

Les deux “voulaient un cessez-le-feu”

Bennett s’est ensuite directement rendu depuis Moscou vers Berlin pour y rencontrer le chancelier Olaf Schutz et informer la France, le Royaume-Uni et les États-Unis des retombées de sa visite au Kremlin. "Tout ce que j'ai fait était coordonné avec les États-Unis, l'Allemagne et la France", a-t-il expliqué. Il avait auparavant contacté Joe Biden, son secrétaire d’État Antony Blinken, son conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan ainsi que le chancelier allemand pour leur proposer d’être un “couloir de communication” entre Poutine et Zelensky.

L’ex-Premier ministre israélien a affirmé que les échanges avec les deux responsables se sont poursuivis à son retour : “C’était un marathon de conversations téléphoniques”, s’est-il rappelé, soulignant que ces efforts ont renforcé les négociations en cours en Biélorussie et affirmant que Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky “voulaient un cessez-le-feu”.

Bien que l'issue sera bien différente à son objectif - négocier un accord de paix -, dans son interview, il ne critique pas la décision des pays occidentaux de “rompre les négociations" : “Je pense qu'il y a eu une décision légitime des Occidentaux de continuer à frapper Poutine”. De son avis, “ils ont bloqué le processus de négociation et ils avaient tort”. Une opinion que le dirigeant israélien a néanmoins relativisée car “il était trop tôt pour juger avec du recul les bénéfices ou les inconvénients de cette approche”.

S'agissant de la position de l'État juif face au conflit russo-ukrainien, il explique que son pays “était immédiatement pris entre le marteau et l’enclume”. “Les États-Unis s’attendaient à ce qu’Israël fasse tout ce qu’il pouvait pour aider l’Ukraine”, mais des “intérêts concurrents”  ne permettaient pas à Israël de soutenir ouvertement Kiev. “L’un de ces intérêts était notre activité en Syrie (...) la Russie, qui est une superpuissance, a des missiles S-300 stationnés là-bas. Si un de nos pilotes est abattu, qui les sauvera ? Joe Biden ? Zelensky ?”, a-t-il fait valoir.

Le “Dôme de fer” livré à l’Ukraine ?

L’autre intérêt d'État : “La présence de beaucoup de juifs en Russie tout comme en Ukraine." "Je me suis senti responsable à leur égard”, soutient-il. Le discours sur le fait “d’être du bon côté de l’Histoire en soutenant l’Ukraine est bien beau, mais compliqué pour Israël étant donné ses propres besoins existentiels”.

Israël a mis en place une aide humanitaire mais “craignait la pression américaine pour fournir des armes à l’Ukraine". “Sous pression des deux côtés, j’ai pris un troisième chemin” en proposant une médiation, poursuit Naftali Bennett : “Personne d’autre n’avait la confiance des deux parties, sauf dans une certaine mesure le président turc Erdogan”.

À propos de la volonté de Benjamin Netanyahu, de nouveau Premier ministre, de changer la politique israélienne vis-à-vis du conflit, il la qualifie de “légitime”. Reçu samedi 4 février par le président Emmanuel Macron, Netanyahu a annoncé qu’il “réfléchissait” à livrer à l’Ukraine un “Dôme de fer”, à savoir un système de défense anti-missile. De quoi déclencher aussitôt une réaction du Kremlin, qui a mis Israël en garde contre une livraison d’armes à l’Ukraine par la voie de son porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova : “Toute tentative de livrer des armes” mènera à une “escalade de cette crise”, a-t-elle averti.

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