Audit de la Cour des comptes sur le déficit de l'ère Hollande : un nouveau cas d'insincérité budgétaire qui pousse à la dette

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 29 juin 2017 - 12:42
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La Cour des comptes pointe une "occasion manquée" pour les finances publiques françaises
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
Le dérapage budgétaire se chiffre autour de 9 milliards d'euros.
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La Cour des comptes publie ce jeudi son audit confirmant les fuites qui évoquent un dérapage budgétaire sur le dernier exercice budgétaire d'environ 9 milliards d'euros. La faute à un mélange de dissimulation et d'incompétence. Et qui risque surtout de ne pouvoir être résolu autrement que par la dette, pour ne pas casser la bonne dynamique de croissance. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte pour "FranceSoir" les dessous de ce nouveau "couac" pour les finances publiques.

Comme François Mitterrand l'avait demandé en 1981 à plusieurs hautes institutions, un audit des comptes publics vient d'être remis par la Cour des comptes au nouveau pouvoir. Loin du travail exhaustif et fort instructif du rapport Bloch-Lainé de 1981, il s'agit ici essentiellement d'une approche budgétaire. La lettre de mission n'était pas la même et vise davantage à fixer une photographie de la trajectoire des finances publiques que de se prononcer sur l'état du pays.

Loin de contester le travail minutieux accompli par la Cour des comptes, il me semble qu'une évaluation des politiques publiques au sens où Jean-Pierre Nioche la définit aurait été opportune et utile. Par exemple, dans l'Education nationale où l'ancienne ministre a du mal à faire passer son talent supposé de gestionnaire… A priori, il est inutile de gérer l'Etat avec un rétroviseur mais lorsque le poids du passé est omniprésent, il faut bien intégrer une juste dynamique temporelle. Or, ici, le poids du passé cela s'appelle l'ardoise laissée par le duo Sapin–Hollande, soit 9 à 10 milliards d'euros.

Rapporté au déficit initialement prévu –et voté– de 72 milliards, cela constitue donc une dérive de plus de 12%. Pour ma part, après analyse, je ne considère pas que ceci provienne d'une quelconque incompétence des services et directions de Bercy. A l'inverse, je relève –comme tant d'autres dont la Cour des comptes– que des dépenses n'ont pas été rattachées à l'exercice de référence. En termes directs, on appelle cela de la cavalerie budgétaire. Et là se pose non pas la question de l'incompétence mais celle de l'insincérité. Clairement, lorsque le Parlement a été saisi de l'examen du projet de loi finances pour 2017, le pouvoir exécutif savait qu'il quittait les pas de la rectitude budgétaire et que le déficit de 2,7% était de l'affichage à comparer avec la réalité découverte des 3,2%. Pour parer un reproche consistant à affirmer qu'il aurait fallu le dire à l'époque il est facile de retrouver les fruits de mon analyse de l'automne dernier.

Si la croissance nécessaire des coûts sécuritaires consécutive aux attentats de 2015 et aux opérations militaires extérieures (Opex) dépasse le milliard, force est de constater que les autres dérapages résultent d'une approche clientéliste d'un pouvoir "crépusculaire" pour reprendre le terme d'une Une du journal Le Monde de l'hiver dernier. Rajoutez à cela le coût des 300.000 chômeurs mis en formation, le coût de la hausse du point d'indice des fonctionnaires (avec impact sur les engagements hors-bilan de l'Etat qui incluent la charge des pensions civiles et militaires), ou le plan de 3 milliards (différés dans le temps) pour la Guyane, baisse de l'impôt sur le revenu pour les catégories modestes avec effet dès le 1er janvier 2017, etc. Soit autant de foyers de dérives budgétaires.

Face à cette situation, le président Macron et le duo Edouard Philippe–Bruno Le Maire peuvent appeler à davantage de rigueur et sortir le marteau-pilon de la fiscalité. Attention à cette tentation d'orthodoxie budgétaire qui verrait alors le projet de loi de finances pour 2018 porter plus de 20 milliards de hausse de CSG (en contrepartie des baisses promises de charges sociales) et les 10 milliards de comblement de l'ardoise. Sans compter des éléments qui demeurent évolutifs comme la reprise d'une partie de la dette de la SNCF ou la finalisation de la recapitalisation d'Areva.

J'ai beaucoup écrit sur l'endettement et respecte –comme tout un chacun– le principe consistant à ne pas transmettre nos dettes aux générations futures. Toutefois, après analyse posée, j'estime préférable de voir la France souscrire un endettement additionnel de 10 à 15 milliards plutôt que de se lancer dans un budget contra-cyclique qui ne manquerait pas de porter atteinte à l'embellie conjoncturelle que nous avons la joie d'expérimenter depuis quelques semaines, hors effet Macron s'entend. Nous pouvons absorber 0,68% de dette supplémentaire en souscrivant à taux bas mais nous n'avons pas la marge de manœuvre consistant à poursuivre le chemin de l'aggravation fiscale!

Quant à la Cour des comptes, son audit opportunément publié ce jour est dans le droit fil d'une analyse-clef pour 2016. Les sous-budgétisations importantes et les décisions de dépenses nouvelles en cours d’exercice ont conduit à une exécution particulièrement heurtée, reposant sur une utilisation très étendue des mises en réserve de crédits et des décrets d’avance. Elle renforce ma conviction consistant à affirmer qu'un collectif budgétaire était indispensable pour remettre d'aplomb "autant que faire se peut" nos finances publiques.

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