Suppression de "l'exit tax" : Macron a-t-il fait le cadeau de trop "aux (très) riches" ?

Auteur:
 
Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 04 mai 2018 - 16:39
Image
La Une de Forbes avec Emmanuel Macron.
Crédits
©DR
Emmanual Macron a confirmé la disparition de l'exit tax dans le magazine "Forbes".
©DR
En pleine période de contestation sociale, Emmanuel Macron annonce l'abrogation de "l'exit tax" dès 2019. Cet impôt, sans doute mal préparé mais qui devait décourager l'évasion fiscale des contribuables cherchant à fuir les prélèvements sur les plus-values. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, explique pour "France-Soir" en quoi la suppression de cette taxe décriée n'envoie pas un bon signal.

Sauf contre-indication de dernière minute, l'exit tax va être abrogée dès 2019. Telle est la volonté du président Macron annoncée en exclusivité dans le magazine américain Forbes"Je veux supprimer l’exit tax. Elle envoie un message négatif aux entrepreneurs en France, plus qu’aux investisseurs. Pourquoi? Parce que cela veut dire qu’au-delà d’un certain seuil, vous êtes pénalisé si vous quittez le pays. Alors, hormis ceux présentant des initiatives écologiques, les investisseurs ne sont pas concernés. Mais c’est une grosse erreur pour nos propres start-up, car bon nombre d’entre elles ont décidé de démarrer leur activité à l’étranger pour justement éviter cette taxe. Donc nous la supprimerons l’an prochain".

L'affirmation présidentielle est claire: ce serait l'existence de l'exit tax qui inciterait les fondateurs de start-up à se localiser à l'étranger. Ah bon? Mais, outre que celle-ci n'est mentionnée que bien bas dans les classements de non-attractivité de notre pays, il faudrait probablement s'attaquer au contenu des budgets sociaux (plus de 800 milliards d'euros) davantage qu'à une taxe qui a rapporté un peu moins de 90 millions d'euros au cumulé depuis son instauration en 2011. Assailli par un emploi du temps copieux à l'extrême, Emmanuel Macron semble avoir décidé hâtivement sur les conseils d'hasardeux visiteurs du soir en mal d'expatriation.

Qu'on le veuille ou non, cet exit tax est un verrou dissuasif pour qui souhaite quitter le statut fiscal de résident français. Dès lors, pourquoi le supprimer alors même que le pays est plutôt en train de devenir "business friendly" (avec la transformation de l'ISF en IFI ou la flat tax sur les revenus de l'épargne). L'exit tax est une vieille affaire. Elle a été instituée sous une première forme dès 2000 par réaction au départ d'un des fondateurs de la société Business Objects. Elle fût, à l'époque, retoquée au nom du respect de la libre circulation des capitaux au sein de l'Union européenne.

Voir aussi - "Exit tax": Bruno Le Maire nie toute politique "socialement injuste"

Le matraquage fiscal incontestable du quinquennat Hollande a irrigué un flot de départs à l'étranger malgré l'existence de l'exit tax finalement instaurée en 2011. Ainsi, parmi ceux qui ont l'opportunité de présenter un revenu fiscal de référence excédant 100.000 euros, un total de 4.326 personnes ont quitté le pays en 2015 soit 5% de plus que pour l'année 2014. S'agissant de l'ISF, 837 sorties ont été enregistrées en 2014 puis 754 en 2015. L'Administration refusant de fournir le détail des montants des patrimoines concernés… Sur la période 2011-2015, 1.738 déclarations d'exit tax ont été enregistrées, le mécanisme consistant à imposer les plus-values latentes qui seront perçues en France lors de la vente de l'entreprise. D'aucuns estiment à plus de 12 milliards le total des plus-values latentes qui ont pourtant pour caractéristiques d'être soumises à l'aléa du futur.

Emmanuel Macron a voulu pousser un pion supplémentaire en direction des entrepreneurs qui avaient la fâcheuse tendance de partir en Belgique pour y réaliser une vente d'entreprise hors plus-value. Est-ce opportun? Je ne le pense pas car, à l'instar de l'attrition de l'ISF, le président n'a ni garantie, ni détention de contreparties. Il tire une cartouche en l'air qui pourrait bien lui retomber dans le pied car la mesure de suppression de l'exit tax va accentuer son image de "président des riches" et risque fort d'avoir un coût sondagier puis, le moment venu, électoral.

À LIRE AUSSI

Image
Emmanuel Macron donne un discours lors de la visite de la Art gallery of New South Wales, à Sydney, le 2 mai 2018
Macron annonce la suppression de l'"exit tax" et suscite la polémique
Le président Emmanuel Macron a annoncé au magazine Forbes vouloir supprimer l'"exit tax" pour les contribuables partant à l'étranger, suscitant une salve de critiques ...
02 mai 2018 - 16:57
Politique
Image
Le député FN Ludovic Pajot lors d'une conférence de presse du FN sur la loi antiterroriste à l'Assem
La suppression de l'"exit tax", "nouveau cadeau pour les plus riches", selon Ludovic Pajot du FN
Le député FN Ludovic Pajot a jugé "inadmissible" jeudi la suppression annoncée par le président Emmanuel Macron de l'"exit tax", qui est pour lui un "nouveau cadeau po...
03 mai 2018 - 16:05
Image
A Luxembourg.
Evasion fiscale au Luxembourg : tout savoir sur le scandale "LuxLeaks"
Un consortium de journalistes d'investigation international a révélé mercredi 5 au soir les accords secrets passés entre le fisc luxembourgeois et plus de 300 multinat...
06 novembre 2014 - 17:18
Société

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.