Les Kosovars dispensés de visa dans l’espace Schengen : un pas vers la reconnaissance pour Pristina dans un contexte de vives tensions avec la Serbie

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France-Soir
Publié le 03 janvier 2024 - 10:06
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Armend Nimani / AFP
Aéroport international de Pristina, 1er janvier 2024.
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MONDE - Les ressortissants kosovars peuvent désormais se rendre dans l’espace Schengen sans passeport ni visa. Un régime de dispense de l’Union européenne (UE), leur permettant de se déplacer dans la zone sans frontières du continent, est entré en vigueur le 1er janvier 2024. Pristina est le dernier des six pays des Balkans occidentaux à bénéficier d’une telle mesure, retardée par plusieurs pays, dont la France, craignant de nouvelles vagues migratoires. Cette ancienne province de Serbie y voit une étape importante vers sa reconnaissance. "Ce jour est important. Une grande injustice a été supprimée et un grand droit a été gagné", a affirmé le Premier ministre Albin Kurti. Le régime entre en vigueur dans une période de vives tensions entre le Kosovo et la Serbie, dont la normalisation des relations est encore loin, malgré les efforts de l’UE.

Le Kosovo a déclaré son indépendance de la Serbie en 2008, mais Belgradene la reconnaît pas, pas plus que la Russie ou l’Espagne. Ce qui n’est pas le cas d’une centaine d’autres pays, dont 22 des 27 membres de l’UE. Les relations entre les deux voisins n’ont depuis cessé de se détériorer.

Une reconnaissance impossible ?

En 2013, les deux États avaient convenu de dialoguer, sous l’égide de l’UE, pour normaliser leurs relations diplomatiques. Un texte stipulait que la Serbie ne devait pas s’opposer à une adhésion de son ancienne province à des organisations internationales comme l'Union européenne ou l'OTAN. Pristina a de son côté été sommée de garantir un niveau approprié d'autonomie à la communauté serbe, composée de quelque 120 000 personnes, sur les 1,8 millions d’habitants kosovars.

Mais les tensions ont persisté, Belgrade accusant Pristina de bafouer les droits de la minorité serbe. En novembre 2022, un nouveau palier a été franchi lorsque des fonctionnaires et élus serves ont démissionné des institutions kosovares, notamment dans les mairies du nord du Kosovo. Il s’agissait d’une protestation contre la décision du Kosovo d’interdire à la minorité d’utiliser des plaques d’immatriculation délivrées par la Serbie. En réponse à cette vague de démissions, Pristina a organisé des élections le 23 avril 2023 et le scrutin, boycotté, ne s’est pas déroulé sans incidents dans le nord. 

Simultanément, les deux pays négociaient un accord à Ohrid (ville de Macédoine), visant toujours à normaliser leurs relations. Le document prévoyait, entre autres, que les deux parties reconnaissent “mutuellement leurs documents symboles nationaux respectifs” et s’engagent à ne pas faire usage de la violence pour résoudre leurs différends. La Serbie devant toujours s’engager à ne pas s'opposer à l’adhésion du Kosovo aux institutions internationales et Pristina étant tenue d’offrir un “niveau approprié d’autogestion” à la minorité serbe.

Après un accord verbal en mars, Belgrade a refusé de signer le texte en octobre. Entre-temps, la tension est montée d’un cran après l’arrestation de trois policiers kosovars en tenue militaire et munis d’armes automatiques, accusés par Belgrade de constituer un “gang terroriste”. En représailles, le Kosovo a interdit l’accès à son territoire aux véhicules immatriculés en Serbie.

Craintes d’un exode des Kosovars

Belgrade a fait un pas vers la désescalade. Depuis le lundi 1er janvier 2024, autorisation est donnée à tous les véhicules immatriculées au Kosovo de circuler, sans avoir à masquer la mention “RKS” (République du Kosovo) par un autocollant. Une mesure purement pratique et ne constituant en aucun cas, soulignent les Serbes, une “reconnaissance de l’indépendance unilatéralement déclarée du soi-disant Kosovo”.

Cette reconnaissance, Pristina la perçoit dans l’entrée en vigueur du régime de dispense de visas de l’UE, à cette même date du 1er janvier 2024. Les ressortissants du pays peuvent désormais se rendre dans la zone sans frontières sans être munis d’un visa ni même d’un passeport. Le Kosovo remplissait déjà tous les critères nécessaires pour adhérer à ce régime mais des pays comme la France et les Pays-Bas ont retardé son entrée en vigueur, craignant de nouvelles vagues migratoires. Cinq autres pays membres de l’UE, qui ne reconnaissent pas l’indépendance de l’ancienne province serbe, à savoir l’Espagne, la Slovaquie, la Roumanie, la Grèce et Chypre, ont aussi retardé l’approbation de l’UE.

Le Premier ministre Albin Kurti a salué un “jour important". “Une grande injustice a été supprimée et un grand droit a été gagné", a-t-il ajouté en s’adressant aux premiers résidents du Kosovo qui ont gagné un voyage depuis l’aéroport de Pristina vers l’UE.

Le gouvernement kosovar a mené ces derniers mois une campagne de sensibilisation pour inciter la population à ne pas abuser de la liberté de voyager en recherchant un emploi dans l’UE. L’entrée en vigueur du régime d’exemption inquiète d’ailleurs le patronat du pays, qui craint un exode des employés.

En décembre 2022, Pristina a présenté sa demande officielle de candidature à l’adhésion à l’UE. Mais la Commission européenne a insisté : “La normalisation des relations [avec la Serbie] est une condition essentielle sur la voie européenne”. Les alliés européens et américains d’Albin Kurti lui reprochent justement ses tentatives de reprendre la main les zones serbes du nord du pays, l’accusant de “provocation” et “d’inflexibilité”.

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