Ségolène Royal, de parachutages en chutes libres
PORTRAIT CRACHE - Des échecs, Ségolène Royal en aura collectionnés pas mal durant sa carrière. De son passage à l’Elysée comme conseillère de François Mitterrand dans les années 1980 à son dernier poste d’ambassadrice des pôles arctique et antarctique, “Ségo” a sans cesse lorgné des positions plus élevées, se brûlant, tel Icare, les ailes. Conseillère municipale, députée, conseillère puis présidente régionale, ministre déléguée puis ministre, candidate à la présidentielle, son parcours est émaillé de déboires. Quand il ne s’agit pas de sa gestion “calamiteuse” et de ses échecs électoraux, ce sont ses prises de position, ses gaffes et ses déclarations polémiques qui anéantissent son espoir de faire un come-back sur la scène politique.
Une cata de plus par Attali
Ségolène Royal intègre l’Institut d’études politiques de Paris tout juste après sa licence de sciences économiques. Diplômée en 1975, elle tente d’intégrer l'Ecole nationale d’administration (ENA) et s’y reprend à deux fois avant d’y entrer. Elle finit, en 1980, 64e de la promotion Voltaire, aux côtés de Dominique de Villepin et, surtout, François Hollande.
Si des énarques comme Laurent Fabius et Jacques Attali ont opté une décennie auparavant pour le Conseil d’État à leur sortie de l’ENA, Ségolène Royal, elle, devient conseillère au tribunal administratif de Paris. En 1978, deux ans avant sa sortie de l’ENA, elle est déjà membre du Parti socialiste (PS). C’est Jacques Attali, celui-là même qui a recommandé Laurent Fabius au président Mitterrand quelques années auparavant, qui la remarque, elle et son petit ami François Hollande. Elle devient chargée de mission au secrétariat général de l’Elysée de 1982 à 1984, et François Mitterrand lui confie les quatre années suivantes les affaires sociales et l’environnement.
Ses premières armes politiques sur le terrain, elle les fait en 1983 comme conseillère municipale à Trouville-sur-Mer (Calvados, Normandie), où elle est parachutée. Une manière de faire qui irrite les élus locaux et dont elle fera sa signature politique. Quelques années plus tard, en 1986, elle envisage de se porter candidate aux élections législatives mais cette fois-ci, le député socialiste du Calvados, Louis Mexandeau, s’y oppose.
Royal au bar mais sans calva
Ségolène Royal démissionne du conseil municipal de Trouville-sur-Mer et demande ouvertement, en 1988, à François Mitterrand, réélu pour un second septennat, à être parachutée une nouvelle fois. "Vous ne pouvez pas faire quelque chose pour moi ?", lui demande-t-elle. Elle obtient cette fois-ci la deuxième circonscription des Deux-Sèvres, un terrain habituellement miné pour la gauche. Mais elle y est élue députée en remportant 50,6% des suffrages. Elle se maintiendra à ce siège jusqu’en 2007.
Son premier poste de ministre, elle l’obtient en avril 1992, à l’Environnement, lors du bref passage de Pierre Bérégovoy à Matignon. Ségolène Royal fait adopter de nombreuses lois sur le traitement des déchets, les nuisances sonores ou sur l’environnement. A peine quelques jours après le départ de Bérégovoy de Matignon en mars 1993 (après des élections législatives calamiteuses pour les socialistes), Royal est réélue députée des Deux-Sèvres, département dont elle est aussi conseillère générale.
Ségo a le barreau... pas le CAPA
En 1994, elle s’inscrit au barreau de Paris grâce à son passage au tribunal administratif de la capitale, et peut officier comme avocate sans un diplôme en droit ni un certificat d'aptitude à la profession (CAPA).
Elle tente en 1995 de conduire la liste du Parti socialiste aux élections municipales dans la commune de Niort mais perd la primaire interne. Ne pouvant être parachutée comme à son habitude, elle fait jouer sa casquette de présidente du conseil fédéral du PS pour geler aussitôt le vote. Elle se voit investie comme tête de liste socialiste sur décision des instances nationales. Sa liste est battue.
Elle fait son retour au gouvernement quatre ans plus tard, lorsqu’elle est nommée, en 1997, ministre déléguée à l'Enseignement scolaire dans le gouvernement de cohabitation (et de gauche plurielle) du Premier ministre Lionel Jospin. A ce poste, elle introduit notamment la “circulaire Royal”, visant à lutter contre la pédophilie, dans un contexte marqué par une hausse du nombre des affaires mettant en cause des enseignants. Son code éthique est salué par certains mais critiqué par d’autres, dont des enseignants, qui dénoncent une “atteinte à la présomption d'innocence” et une “chasse aux sorcières”.
La même année, le président de la République Jacques Chirac dissout l’Assemblée nationale. Ségolène Royal est réélue à l’issue des législatives, mais pas sans remous. Malgré la dissolution, elle a eu recours aux services de trois collaboratrices, qui n’ont pas perçu leurs salaires de juin et juillet 1997. Deux d’entre elles saisissent la justice pour, entre autres, recours à du travail clandestin. L’ancienne ministre déléguée est condamnée en première instance en 1999, puis en appel en 2008, à verser ces arriérés de salaires.
Pas de bain de siège dans les Deux-Sèvres
Entre-temps, Ségolène Royal perd son siège de conseillère générale des Deux-Sèvres. Elle devient en 2000 ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance et fait adopter la loi relative à l'accès aux origines des personnes adoptées, crée le Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP) et instaure le congé de paternité. Son mandat prend fin en mars 2001.
Elle est réélue députée à l’été 2002 et, à défaut d’une nomination gouvernement, elle décide de garder ce siège qu’elle a déjà cédé à deux reprises. Elle mise sur la politique régionale et devient, cette année-là, présidente du conseil de Poitou-Charentes. Ségolène Royal ne fera plus parler d’elle pour ses parachutages controversés mais pour une gestion jugée “calamiteuse” de la région et de ses finances, doublée de prises de positions très critiquées, y compris au sein du Parti socialiste.
Absentéisme, sornettes et billevesées
Son premier mandat est discret. Elle brille surtout par son absence à l’Assemblée. Elle est classée par la presse 469e député le plus actif sur 577. Sa tête est sans doute déjà tournée vers les primaires socialistes de 2006, auxquelles elle se porte candidate en vue des présidentielles de 2007. Favorite, elle obtient 60,65 % des voix au premier tour , et écrase Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Elle est ainsi désignée candidate du PS. Durant sa campagne présidentielle, elle multiplie les déclarations déconcertantes comme son appel à un “encadrement militaire” de jeunes délinquants et ses éloges de la justice chinoise. Elle multiplie aussi les gaffes comme la fameuse “bravitude” (comprendre : bravoure). Première femme à se hisser au second tour des présidentielles, elle est battue par Nicolas Sarkozy.
Va-t-elle finalement se consacrer à la région de Poitou-Charentes ? Ségolène Royal ne semble pas se satisfaire de la présidence du conseil régional et lorgne le secrétariat du Parti socialiste en 2008. Son ambition est stoppée net par Martine Aubry. L’ex-candidate à l’Elysée n’accepte pas sa défaite, accusant son adversaire de fraude. Le conseil national valide tout de même le scrutin.
Deux ans après, Ségolène Royal se porte candidate à la primaire citoyenne de 2011 pour être, encore une fois, candidate PS à l'élection présidentielle de 2012. François Hollande, son ancien compagnon, plus populaire, fait un meilleur score qu'elle. Sa cote est désormais en baisse : elle échoue à retrouver son siège de députée des Deux-Sèvres puis tente, comme à son habitude, de se faire parachuter une énième fois dans la première circonscription de la Charente-Maritime. Sans succès.
Pas de consensus sur la vie sexuelle décarbonée de Ségolène
L’ancienne ministre déléguée à la Famille ne se consacre pleinement à la région Poitou-Charentes qu’à la fin de son premier mandat. Elle instaure le “pass contraception” au profit des jeunes femmes, qui permet un accès gratuit à une consultation chez le gynécologue ainsi qu’à la pilule. Sa mesure est appliquée malgré l’opposition du gouvernement. Elle fait également parler d’elle en 2009, lorsqu’elle s’oppose à la taxe carbone malgré l’accord du bureau national du PS.
Si l’inauguration du lycée Kyoto, établissement scolaire fonctionnant intégralement avec des énergies renouvelables, est saluée, l’entrée de la région de Poitou-Charentes dans le capital du constructeur automobile Heuliez, dans le but de mettre en place une filière de la voiture électrique, tourne vite au fiasco. La filiale de Heuliez, Mia, est liquidée en 2014. Peu avant, Ségolène Royal, qui avait promis de redresser l’entreprise, tente de sauver les derniers actifs de la société en y injectant un million d’euros. Une perte sèche. Mais la présidente du conseil régional veut à tout prix sa voiture électrique. Elle soutient un autre fabricant, Eco&Mobilité, et dépense encore 20 millions d’euros. Un échec de plus. Opposée à l'écotaxe imposée par le gouvernement Fillon aux poids lourds, elle augmente, pour compenser, la taxe sur la carte grise de 10 euros par cheval fiscal.
Si la prédécesseure de Ségolène Royal à la tête du conseil régional de Poitou-Charentes, Élisabeth Morin-Chartier, était classée par la presse quatrième pour sa qualité de gestion en 2004, la députée des Deux-Sèvres dégringole, en 2010, à la 17e position sur 21 possibles. Les comptes de la région sont épluchés quelques années plus tard par le nouveau président du conseil régional, Alain Rousset, pour qui Ségolène Royal “avait sans doute les yeux plus gros que le ventre par rapport aux capacités de financement”. Un audit du cabinet EY, en 2016, évoque une “forte dégradation” de la situation financière de Poitou-Charentes sous Royal, voire une “quasi-banqueroute” avec des retards de paiement à hauteur de 132 millions d'euros, une dette de 450 millions d’euros et des dépenses reportées sur l’exercice suivant...
Ségolène Royal démissionne de son mandat en 2014. Est-elle accablée par le rapport d’audit ? Pas du tout. Elle dénonce même “des accusations vraiment diffamatoires qui ont été faites pour [la] détruire”. Elle n’abandonne son siège que pour rejoindre le gouvernement Valls.
Ségo, éco et Ferrero, une goutte d’huile dans la palme
Elle reprend le portefeuille de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, sans pour autant perdre sa propension aux gaffes. La première survient en 2015, lorsqu'elle accuse la société italienne agro-alimentaire Ferrero de contribuer à la déforestation en Asie, appelant au boycott de la pâte à tartiner Nutella. Elle présente ses excuses mais tente en 2016, d’organiser l’augmentation de la fiscalité de l’huile de palme et de l’aligner sur celle de l’huile d’olive. La crise diplomatique est inévitable et le gouvernement italien menace de fermer l’usine Ferrero à Rouen. L’Indonésie menace elle d’exécuter un Français emprisonné dans le pays...
Néanmoins, la ministre de l’Ecologie se remet vite de ses échecs, y compris du fiasco d’ampleur Heuliez et de sa filière de voitures électriques. Elle lance en 2016 un autre projet ambitieux d’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur un millier de kilomètres de routes. A son départ en 2017, un seul kilomètre a été réalisé. Coup de l’opération : cinq millions d’euros...
Ségolène Royal tente de rebondir à la tête du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) mais ne parvient pas à s’y faire élire. Elle est alors nommée ambassadrice chargée des négociations internationales relatives aux pôles arctique et antarctique. Elle déserte les réunions du Conseil de l'Arctique, multiplie les critiques contre Emmanuel Macron et François Hollande dans son ouvrage Ce que je peux enfin vous dire et exprime ouvertement son rejet du projet de réforme des retraites, malgré son devoir de réserve. Elle est démise de ses fonctions en 2020.
Elle regagne en 2021 le Parti socialiste, dont elle n’était plus membre, en vue des élections sénatoriales mais sa liste est loin de faire l’unanimité au sein de sa formation politique. Celle-ci n’arrive qu’à la 8e place. L’intéressée attribue cet échec aux clivages internes. Lors des élections présidentielles de 2022, elle apporte son soutien à La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, ce qui aggrave les tensions avec le PS. Ses déclarations, remettant en doute l’existence de crimes de guerre en Ukraine, lui attirent en outre bien d’autres critiques, y compris celles d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, et certains la taxent même d’être pro-Kremlin.
Pour finir tout de même sur une note positive, rappelons que c’est Ségolène Royal qui en 2014 sauva les Franciliens des écolos, en enterrant une décision préfectorale qui prévoyait d'interdire les feux de cheminée en Ile-de-France à partir du 1er janvier 2015, pour lutter contre les particules fines... Ouf ! L’honneur est sauf : un moment d'authentique bravitude !
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